Que faire d’une casquette d’un commandant de bord trouvée dans une poubelle ' Abu Raed (Nadim Sawalha), agent d’entretien à l’aéroport Queen Alia d’Aman, a trouvé la solution : prendre la casquette, la nettoyer et la mettre sur la tête. Cela a suffi pour susciter la curiosité des enfants du quartier où habite Abu Raed. Toute la force du scénario de la fiction du jeune cinéaste jordanien, Amin Matalqa, Captain Abu Raed, est là. Le film, projeté samedi à la Cinémathèque d’Alger, s’articule autour d’une idée, d’apparence simple, qui ressemble à une clef magique ouvrant portes et fenêtres. La casquette va fédérer les enfants, dont Tarek (Uddey Al Qiddissi) et Mourad (Hussein Al Sous), autour du vieux Abu Raed.
Ses jeunes voisins pensent qu’il est pilote d’avion. Il va leur raconter des histoires sur des voyages lointains, imaginaires. Cela lui permet, pour un temps, de rompre avec sa solitude, lourde à porter. Il retrouve les enfants dans les ruines romaines de Jabal Al Qalaâ sur les hauteurs d’Aman, comme pour tenter de restituer une mémoire lacérée par la tristesse. Abu Raed a perdu son unique enfant, Abu Raed, et son épouse. Le monde aurait pu cesser d’exister, n’était «l’espoir» redonné par ces enfants rêveurs et par la douce Nour (Rana Sultan), une jeune pilote de ligne qui a trouvé en lui la tendresse du père qu’elle recherche chez des parents aristocrates, presque détachés du sol. Petit à petit, il découvre «les horreurs» que cache son quartier pauvre : le père de Tarek oblige l’enfant à vendre des biscuits au lieu d’aller à l’école, et celui de Mourad bat chaque soir la mère du gamin.
Un enfer à plusieurs étages qui fait souffrir Abu Raed, un homme au cœur tendre, qui tente d’aider ses petits voisins en adoptant des stratagèmes efficaces. Mourad, Tarek et les autres enfants découvrent que Abu Raed n’est qu’un agent de nettoyage. Ils sont en colère, mais oublient vite. Le vieil homme est, pour eux, plus qu’un commandant de bord qui vole dans les airs, c’est un sauveur, un ange rare qui vient du ciel où les étoiles entre elles ne parlent que de lui. A-t-on un jour donné de l’intérêt à la détresse des enfants pris en otages par la violence des adultes et la solitude des murs d’intérieur '
Les agressions contre les enfants ne font l’objet que de statistiques froides et de séminaires, où l’on avale du jus d’orange et des petits fours chocolatés. Mais que fait le voisin de l’étage supérieur lorsque la violence s’exprime à voix haute ' Il ferme sa porte ! Et celui du rez-de-chaussée ' Il verrouille les fenêtres. L’indifférence est une nouvelle culture portée par «la modernité» citadine, qui, pour certains, est un étendard ! Nour vit dans un palais mais n’est pas heureuse. Elle trouve une petite quiétude sur la terrasse de la maison modeste d’Abu Raed. L’argent n’est pas le meilleur compagnon du bonheur '
Des esprits sans doute lumineux pensent le contraire. N’a-t-on pas vu des hommes courir pour arriver les premiers aux strapontins de la jet set qui, comme chacun sait, n’aiment pas la lumière du jour. Abu Raed est rassuré par une vie sans encombre, sans bruit et sans feux d’artifice. La puissance artistique d’Amin Matalqa est liée également à ce choix délibéré de ne donner aucune précision temporelle à l’histoire. Cela peut se passer demain ou aurait pu se passer avant-hier. Peu importe. L’homme a-t-il changé ' A-t-il abandonné ses égoïsmes, ses violences et ses cupidités ' Dans cette comédie dramatique, Amin Matalqa a, avec finesse et audace, montré que «le père» ou «les pères» peuvent devenir des oppresseurs impitoyables. Abu Raed n’est qu’un contre-exemple. Le poids de l’âge fait de lui un modèle fragile.
L’espoir qu’il suscite peut disparaître à tout moment. Le monde arabe a connu des «pères», qui, après avoir libéré les terres, y ont construit des prisons. Des «pères» qui n’ont pas oublié de s’offrir des palais, des jardins et des avions privés, en puisant sans compter dans la bourse familiale. «Je veux faire des films que vous n’oublierez jamais en les aimant. En chemin, je veux apprendre quelque chose et espérer vous faire rire», confesse Amin Matalqa sur son site . Amin Matalqa, 35 ans, qui considère la musique de Beethoven comme «une religion», a étudié l’économie à l’université de l’Ohio. Il a réalisé dix-sept courts métrages avant de se faire accepter par le très select American film institute de Los Angeles.
Il vient de réaliser pour le compte des studios de Walt Disney, The united, un film d’action sur le football qui sortira ces jours-ci sur les écrans américains et canadiens. Et il termine la post-production d’un autre film, Red Valentine qu’il réalise et produit. Amin Matalqa adore l’expression d’Albert Einstein, «L’imagination est plus importante que le savoir», d’où son abandon du monde économique pour l’univers magique du cinéma ! S’il n’est pas derrière la caméra, Amin Matalqa écrit des scénarios et prépare d’autres fictions.
Sorti à la fin de 2008, Captain Abu Raed, qui a décroché une trentaine de distinctions dans les festivals internationaux, à l’image, de Dubaï, de Sundance, d’Helsinki, de Durban et de Seattle, a donné une nouvelle visibilité au cinéma jordanien. Il a été le premier film jordanien nominé pour l’oscar étranger.
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Posté Le : 18/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Fayçal Métaoui
Source : www.elwatan.com