Algérie

Le retour des vieux clivages


Tiguentourine n'a pas fini de faire réagir le monde. Toutes les occasions sont bonnes pour condamner l'acte terroriste et renouveler l'appui à l'Algérie. Cette attention, que nous portent les dirigeants du monde, est l'occasion rêvée pour que des Algériens réveillent de vieux démons et ressuscitent de vieux clivages. Les «réconciliateurs» et les «éradicateurs» sont de retour quand les terroristes sont dénommés «djihadistes». La grande cassure de la fin des années 1980 et du début 1990 est de retour. La sémantique et l'argumentaire sont les mêmes. Les acteurs et les commentateurs aussi. Pourtant en 1988, nous étions 24 millions d'habitants et en 2013 nous serons un peu plus de 37 millions. En comptant les décès naturels et ceux qui le sont moins, la moitié de la population serait née après octobre 1988. Cette donnée ne semble pas intéresser les acteurs politiques. Elle est pourtant fondamentale pour une bonne compréhension d'une société en mouvement et une jeunesse pleine d'espoirs. L'initiative «Nabni», les différents investissements faits dans le cadre de l'Ansej et la multiplication de troupes de rap, de chanteurs et d'artistes montrent qu'une grande majorité d'Algériens ont quitté les clivages du siècle passé et tentent de vivre le leur.Pourtant, l'attaque terroriste a réveillé de vieux démons basés sur des clivages dépassés. «La faute à la réconciliation nationale», disent les uns. «Il ne faut pas laisser les éradicateurs profiter de la victoire de l'ANP», répliquent les autres. Nous avons l'impression d'avoir fait un salto-arrière de 20 ans sans que nos rides disparaissent. Les enjeux politiques des années 2010 se situent pourtant bien loin de ce débat éculé. Le droit à la vie est le premier des droits, faut-il le rappeler au moment où la révision de la constitution se rapproche sans que l'on connaisse le contenu. Tiguentourine nous rappelle également notre forte dépendance aux hydrocarbures et au besoin vital de réformer notre économie. La guerre à notre frontière Sud-ouest et l'instabilité chez nos voisins de l'Est sont des éléments déstabilisateurs. Elles sont suffisamment graves pour nous occuper de longs moments. En temps de crise, il est bon de connaître les responsables d'un tel fait mais il est beaucoup plus urgent de savoir quoi et comment faire pour protéger au mieux les intérêts vitaux de la Nation.Beaucoup parmi ceux qui ont été décrits comme éradicateurs ont été éradiqués à l'instar de Abdelhak Benhamouda dont nous commémorerons l'assassinat demain. Beaucoup de réconciliateurs ont sauté le pas et sont devenus des terroristes. Mais la majorité des Algériens ont fait part de leur volonté de vivre et d'aller à la résolution des problèmes de la vie quotidienne. La politique c'est aussi et surtout cela. Les problèmes de sécurité sont certes fondamentaux mais de là à tenter d'en tirer des bénéfices politiques aléatoires relève d'une mauvaise appréciation des enjeux. Les révolutions technologiques qui se passent en ce moment dans les pays développés risquent de nous faire connaître encore des dizaines d'années de retard. Les économies qui consomment le plus d'énergie sont entrain de se préparer à des mutations dans leurs modèles de consommation sans toucher à leurs niveaux de croissance. Nous cherchons qui est responsable de quoi alors que nos modèles de croissance et de consommation sont semblables à ceux des années 1960. Il serait peut être temps que ceux qui se voient comme l'élite politique et intellectuelle du pays quittent les anciens clivages et débats pour, enfin, écouter la jeunesse et aller vers des débats qui concernent tout le monde.
A. E.
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