Algérie

Le retour



Il est parti à la fin d'une journée et au début d'une autre. Une journée qui avait commencé en 54 et qui n'a fini qu'en 65. Pour seuls bagages, il avait pris les traces qu'avaient laissées les balles de l'occupant sur son corps. Il est parti un 5 Juillet 65, après une minute de silence. Sans bruit. Il nous a quittés. Un homme. Comme ceux qu'on ne trouve plus. Un ancien. Ses valeurs et son honneur aussi nous ont quittés. Précipitamment. Trop rapidement. Arrivé de ses hauts plateaux ensoleillés, il construisit sa vie en France. Dans la tourmente de la précarité, il donna naissance à 6 enfants. Des enfants dits de deuxième génération. Ceux-là mêmes qui le reconduisent aujourd'hui vers la genèse de sa vie. Vers sa terre natale. Vers ses ancêtres, sa mère qu'il adorait de son vivant mais aussi durant toutes ses longues années d'absence. Khali. Ce petit bonhomme frêle. Fier et droit. Honnête et fiable. Vaillant et courageux.
- Un sens de l'honneur exacerbé. Te rendant nerveux et sans concession. C'est cette droiture qui t'a épuisé dans un environnement qui ne te convenait pas. Dans lequel tes repères n'existaient plus. C'est ton c'ur qui s'est fatigué. C'est celui-là qui t'a lâché.
Hier matin, recroquevillé dans son lit mortuaire. Raide. Sa moustache blanche taillée correctement. Inodore. Même mort. Propre. Ces hommes d'expérience, en disparaissant, nous lèguent un héritage trop lourd.
- Je me souviens de ces week-ends passés chez toi. Au sein de ta famille. Nous avions notre espace. Autour de ta table. Toujours généreuse. Allongé sur ton lit. Froid. Tes yeux fermés pour toujours. Nous avons mal de toi, cher oncle. Tu resteras dans nos c'urs jusqu'à la fin de nos vies. Nous t'attendions le samedi comme le Père Noël et crions dans la maison «Khali ja !». Tu nous as habillés, tu nous as nourris, tu nous as éduqués. C'est à travers tes histoires du passé que j'ai compris d'où je venais et que j'ai aimé mon pays, l'Algérie. Tes papiers, tu les as déposés et tu es enfin libre.


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