Algérie

Le repère incontournable



Quarante et un ans après le printemps berbère, ce dernier demeure incontestablement le repère incontournable du combat pour la démocratie et l'identité amazighe en Algérie. Le printemps berbère a permis à l'espoir de renaître en Algérie après que le règne de la pensée unique eut imposé un diktat qui interdisait tout éloignement des sentiers battus tels que préconisés par les détenteurs du pouvoir de l'époque. Des militants, qui ont cru en la justesse de leurs idées, se résumant, en des mots comme liberté d'expression et pluralité, ont réussi à signer la première révolte pacifique dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Et, il y a eu l'interdiction de la fameuse conférence que devait animer Mouloud Mammeri à l'université en mars 1980. Loin de constituer la cause du soulèvement, cette interdiction a été toutefois la goutte qui a fait déborder le vase. Et quel vase!Des étudiants auxquels se sont joints des travailleurs de plusieurs secteurs, ont alors décidé de dire non à la pensée unique et non au bâillonnement de la parole libre mais aussi et surtout non à l'exclusion de la langue et de la culture amazighes.
C'est ainsi que des manifestations éclatèrent à Tizi Ouzou et un peu partout ailleurs, ainsi que des grèves, également ayant touché l'université, mais aussi les écoles et de nombreux autres secteurs d'activité dans les usines Eniem et Cotitex qui étaient les poumons économiques de la Kabylie à l'époque. Pendant plusieurs semaines, le climat de protestation pacifique battait son plein. Fort heureusement, il n'y a pas eu mort d'hommes.
Des rumeurs avaient certes circulé comme quoi, il y a eu plusieurs morts parmi les manifestants.
Même Matoub Lounès, lors de son gala à l'Olympia, a appelé le public à une minute de silence croyant que les rumeurs concernant l'existence de morts était fondée. Il n'en était rien. Et c'est l'un des meilleurs aspects de cette révolte: le fait qu'elle fut pacifique et guère entachée de sang. Il y a eu en revanche répression et interpellation de plusieurs militants, notamment les figures de proue du Mouvement culturel berbère, dont nombreux sont décédés aujourd'hui. On peut citer les regrettés Achour Belghezli, Salah Boukrif, Mustapha Bacha... Cette lutte pacifique s'est poursuivie puisqu'il fallait aussi se solidariser avec l'ensemble des militants emprisonnés. Il y a eu d'ailleurs, de nombreuses actions de protestation visant à exiger du pouvoir de l'époque de libérer les 24 détenus en question. Il a fallu attendre le mois de juin pour que le pouvoir cède enfin en libérant l'ensemble des détenus politiques du printemps berbère.
Désormais, rien n'allait être comme avant après cet épisode de combat pacifique inédit en Algérie. Les premiers groupes de militants de la cause identitaire amazighe commencèrent à s'organiser davantage avec la tenue du premier séminaire du Mouvement culturel berbère à Yakourene, en août de la même année. À partir de là, des collectifs culturels chargés de la promotion de l'amazighité naquirent dans les différentes universités du centre du pays. Mais pour voir se concrétiser les fruits de la longue lutte pour la reconnaissance de la langue amazighe, il faut encore attendre de longues années et la tenue de pas mal d'autres actions. Tamazight devient langue nationale en 2002 et officielle en 2016. En 1980, rares étaient ceux qui croyaient qu'une telle consécration allait un jour devenir réalité. Mais les combats justes et pacifiques finissent toujours par triompher.


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