Algérie

Le reniement



Le reniement
Votée en grande pompe par un Parlement «enthousiaste» et entrée officiellement en vigueur, la nouvelle Constitution est en train de s'enfoncer inexorablement dans l'oubli faute de mesures politiques dites d'«application». Elle était pourtant présentée comme pourvoyeuse de changements profonds. Mais très vite, les autorités sont retournées à leurs bonnes vieilles habitudes, «formatées» par une gouvernance d'un âge très avancé ? seize années ? dont la marque de fabrique a été incontestablement l'autoritarisme.La mesure phare de la Constitution réformée, l'indépendance de la justice, a été piétinée avec l'affaire du retour de Chakib Khelil, blanchi des poursuites judiciaires lancées par la cour d'Alger sur les affaires de corruption liées à Sonatrach, sans même que les formes soient respectées. Le clan présidentiel auquel appartient l'ancien ministre a imposé son diktat contre la Loi fondamentale qui fait de tout Algérien, quel que soit son rang, un justiciable comme un autre. Idem pour l'actuel ministre de l'Industrie et des Mines, A. Bouchouareb, préservé de toute autosaisine de la justice après les révélations des Panama Papers sur son compte offshore, placement strictement interdit car échappant au fisc et assimilé à du blanchiment d'argent par la loi.Il apparaît de plus en plus que la réforme constitutionnelle n'a été que de la poudre aux yeux ; un autre indice qui ne trompe pas est la marginalisation de l'opposition politique, privée tout dernièrement de lieu de réunion approprié pour ses assises, ce qui n'a pas été le cas pour les troupes affiliées au pouvoir conduites par Amar Saadani, le chef du FLN. Une opposition toujours diabolisée, alors que la nouvelle Constitution consolide dans le texte son rôle et son statut. On est toujours dans les réflexes d'avant ; comment y échapper lorsque le président de la République ne défend pas son texte et que c'est l'ancienne équipe gouvernementale qui est encore aux commandes, à sa tête le même Premier ministre. En gardant les mêmes hommes, Bouteflika a privilégié la fidélité et la prudence alors même que s'agissant d'engager le pays dans de «grandes réformes» et dans la «rupture politique» comme le claironnait haut et fort le discours politique.En réalité, le chef de l'Etat n'a jamais senti la nécessité d'engager l'Algérie dans une voie autre que celle qu'il a tracée à son arrivée au pouvoir. Aujourd'hui plus qu'avant, au crépuscule de sa carrière politique, à un âge avancé et avec une santé gravement déclinante. Même l'effondrement des recettes pétrolières qui a cassé la politique de la rente, colonne vertébrale de son système, ne l'a pas convaincu de la nécessité et de l'urgence de changer de cap, ne serait-ce que pour protéger le pays de mouvements populaires incontrôlés qui pourraient surgir en cas d'aggravation de la paupérisation.Sur l'autel de cet entêtement, il a sacrifié la Constitution à laquelle il tenait beaucoup, du moins en apparence, discrédité dans la foulée l'Etat en lui imposant la présence à un haut niveau des gens corrompus et disqualifié l'appareil judiciaire. L'image des pouvoirs publics est actuellement tellement ternie que les opérations engagées pour sauver le pays de la débâcle financière ne rencontrent que très peu d'écho auprès de la population (bancarisation de l'argent de l'informel, systématisation du chèque?). Il ne faut pas s'attendre à ce que l'opération d'emprunt national qui sera lancée dans les prochains jours échappe à cette règle.Les Algériens veulent être considérés comme des citoyens de liberté et de démocratie et non comme de simples portefeuilles. C'est tout l'enjeu de cette période cruciale que traverse le pays, qui a besoin de retrouver une vraie cohésion nationale et surtout une forte crédibilité internationale pour affronter les lancinants défis économiques actuels et faire face aux menaces sécuritaires à ses frontières et à l'intérieur du territoire.




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