C'est par un langage de la vérité que l'on peut corriger les erreurs. En perpétuant les discours et comportements du passé l'on ne peut aboutir qu'à de fausses solutions qui accentuent la crise politique, économique et sociale.Morgenstern le fondateur de la statistique moderne a mis en garde les gouvernants dans un ouvrage célèbre « comment mentir par la manipulation des statistiques ». Le ministère du Commerce depuis quelques mois donne des informations brutes via l'APS, sans analyse de la structure des exportations hors hydrocarbures, et surtout sans l'insérer dans le cadre macro-économique et macro-financier, voilant la réalité de la performance des entreprises exportatrices, induisant en erreur les autorités du pays.
1.-On peut se satisfaire d'un discours d'autosatisfaction alors que l'économie nationale est en panne. Concernant le solde éventuellement positif en 2021 de la balance commerciale, elle a une signification limitée, avec le nombre de projets bloqués dont la réalisation aurait donné un déficit de la balance commerciale fin 2021.
Le président de la République a annoncé la levée du gel de 57 projets sur les 402 projets d'investissement suspendus pour des raisons administratives. Il ne faut jamais en économie raisonner en statique mais toujours en dynamique. Si on avait mis en ?uvre les 402 projets bloqués, et en prenant en moyenne une sortie de devises pour des projets moyens concurrentiels au niveau du marché mondial seulement de 50 millions de dollars, les sorties en devises auraient été de plus de 20 milliards de dollars entre 2020/2021. Ce montant serait à soustraire aux réserves de change existantes évaluées à 44 milliards de dollars fin mai 2021 dont 11 milliards de dollars pour le montant des réserves d'or. Mais à moyen terme, ces projets auraient permis de générer une économie en devises (exportation et diminution des importations), un montant largement supérieur. Et en plus de la prise en compte de la restriction drastique des importations des entreprises dont le taux d'intégration en 2021 ne dépasse pas 15% accentuant le processus inflationniste et la sous-utilisation des capacités de la majorité des unités publiques et privées à peine 50%, ayant assisté à une paralysie de l'appareil de production entre 2020/2021, uniquement dans le BTPH plus de 150.000 licenciements.
N'oublions pas en plus des nombreuses pénuries et le carnaval de l'importation des voitures, dossier qui traine en longueur (le besoin étant estimé à plus de 2 milliards de dollars/an) devenu politique qui en réalité échappe au ministère de l'Industrie. Par ailleurs, seul document à prendre en compte est la balance de paiements dont les sorties en devises des services qui ont fluctué entre 10/11 milliards de dollars par an entre 2015/2019. Et se pose cette question: pourquoi le ministère du Commerce donne des informations brutes, d'une signification opérationnelle limitée, sur les exportations hors hydrocarbures'
La vision purement monétariste, sans vision stratégique de relance de l'économie, afin de préserver les réserves de change ne peut que conduire à la paralysie avec de graves incidences sociales et sécuritaires.
2.- Dans un tel contexte, prenons garde aux utopies en induisant en erreur l'opinion publique nationale, pas les étrangers qui connaissent parfaitement la structure économique du pays, de l'annonce de 4 milliards de dollars hors hydrocarbures pour l'année 2021. Le bilan officiel de Sonatrach 2020 donne 2 milliards de dollars des dérivés d'hydrocarbures avec une perspective de plus de 2,5 pour 2021 et si l'on ajoute les semi-produits le montant dépasse les 3 milliards de dollars restant aux produits à valeur ajoutée concurrentiel moins de 1 milliard de dollars. Par ailleurs, le ministère du Commerce pour plus d'objectivité ne doit pas donner que la valeur, certains produits comme les engrais ayant connu une hausse entre 30/40% sur le marché mondial en 2021, mais également le volume exporté (kg, tonne, etc.) afin de voir s'il y a eu une réelle dynamique d'exportation de certaines entreprises, dresser la balance devises en soustrayant les matières importées en devises, ainsi que les exonérations fiscales et certaines subventions comme le prix de cession du gaz cédé à 10/20% de la cotation sur le marché international pour certaines unités exportatrices fortes consommatrices de gaz. En réalité avec les dérivés d'hydrocarbures les recettes en devises pour 2021 représentent entre 97/98% où en ce mois de décembre 2021, Sonatrach c'est l'Algérie et l'Algérie c'est Sonatrach.
3.-Le ministère du Commerce pour se prémunir contre les fraudes tant dans le cadre du commerce intérieur, l'intégration de la sphère in formelle qui selon les données du président de la République canalise entre 6.000 et 10.000 milliards de dollars que du commerce extérieur, l'on doit s'attaquer à l'essence, c'est-à-dire la gouvernance par la lutte contre le terrorisme bureaucratique et la réforme du système financier, toutes ses structures, douane, fiscalité, domaine, banques qu'aucun ministre des Finances depuis l'indépendance politique n'a pu réaliser étant un enjeu énorme de pouvoir.
Ce problème ne date pas d'aujourd'hui, l'ayant constaté vers les années 1980/1983 en tant que haut magistrat et directeur général des études économiques à la Cour des comptes ayant été chargé du contrôle du programme anti-pénurie où j'avais suggéré la mise en place d'un tableau de la valeur, qui n'a jamais vu le jour car s'attaquant à de puissants intérêts rentiers, nécessitant la mise en place d'un système d'information reliés aux réseaux internationaux permettant des interconnexions, ministère des Finances (banques-douanes- fiscalité), les ports/aéroports et les entreprises publiques/privées pour lutter contre les trafics de tous genres, produits de mauvaise qualité ou périmés.
Aussi, le véritable patriotisme implique un devoir de vérité, loin de des discours d'autosatisfaction de courtisans en contrepartie d'une rente avec des replâtrages conjoncturels s'assimilant à une fuite en avant alors que l'Algérie possède toutes les potentialités de sortie de crise, sous réserve de s'attaquer à l'essentiel, la gouvernance centrale et locale.
4.-En résumé, il ne faut pas vendre des rêves, en ce mois de décembre 2021, la structure de l'économie algérienne est toujours de nature publique rentière et fortement dépendante des recettes d'hydrocarbures traditionnels.
Aussi, il reste beaucoup à faire pour que nos responsables s'adaptent aux arcanes de la nouvelle économie, où se dessinent d'importants bouleversements géostratégiques mondiaux, croyant que l'on combat la fuite des capitaux à partir de lois, de codes, de commissions et de circulaires, ignorant tant les mutations mondiales que la morphologie sociale interne, en perpétuelle évolution. Dans un monde caractérisé par la libéralisation des mouvements de capitaux, par la transition numérique et énergétique (devant mettre en place une fiscalité écologique spécifique), les défis de l'Algérie, pays à fortes potentialités, impliquent de définir les priorités stratégiques et avoir une nette volonté politique pour mettre en ?uvre la bonne gouvernance et les réformes structurelles nécessaires devant concilier la concertation, l'efficacité économique au sein d'une économie ouverte et la nécessaire cohésion sociale.
*Professeur des universités, expert international Dr Abderrahmane MEBTOUL, expert-comptable de l'Institut supérieur de gestion de Lille (1974 -France) - directeur général des études économiques et haut magistrat (premier conseiller à la Cour des comptes 1980/1983)
-
Votre commentaire
Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Posté Le : 16/12/2021
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Abderrahmane Mebtoul
Source : www.lequotidien-oran.com