Algérie

Le recours aux lunettes



Apparemment, dans le milieu des militaristes africains, il y a évolution, mais, dans le mauvais sens, bien sûr. Nous en avons la preuve avec le dernier coup d'Etat militaire au Niger. Un président ' loin de nous l'idée de vouloir le défendre ' vient d'être renversé dans un bruit de bottes plutôt qu'au son de la raison pour céder sa place à son successeur par voie de suffrage universel. Ce cher président, il faut le dire, n'a pas voulu rentrer chez lui, honorablement, pour bêcher son jardin, écrire ses mémoires ou encore s'occuper d'une association de bienfaisance.Le changement de situation dans le milieu des militaristes africains est illustré, indirectement, par une photographie représentant les auteurs du coup.En effet, une petite lecture sémiologique de celle-ci nous apprend qu'il y a eu effectivement changement radical puisque les putschistes, contrairement à une tradition bien établie depuis les années cinquante du siècle dernier, portent des lunettes claires et grossissantes, pour lire peut-être, ou, sûrement, pour bien observer le supplicié, en l'occurrence, l'ex-président de la république. Piétinés donc et jetés aux oubliettes les engagements pris, tambours battants, dans le cadre du NEPAD en vertu desquels l'accession à la magistrature suprême dans n'importe quel pays africain ne saurait aller à l'encontre de la logique sociopolitique, c'est-à-dire, des exigences du suffrage universel.Eh bien, les nouveaux putschistes portent désormais des verres clairs bien enchâssés dans leurs montures, et ils savent ce qu'ils font et ce qu'ils ont à faire. Les grandes officines françaises, et américaines peut-être, sont là pour leur fournir les dernières nouveautés dans le monde des lunettes et de la lunetterie. Le képi rouge-ocre du militariste africain ne doit désormais plus faire ombrage à la transparence des lunettes qui, elles, devraient, en principe, les rapprocher du monde des intellectuels.Dans Le recours de la méthode, le grand roman du diplomate et écrivain cubain, Alejo Carpentier (1904-1980), le généralissime qui fait la pluie et le beau temps autour de lui, porte des lunettes fumées, non pas pour se protéger des rayons du soleil, mais plutôt pour éviter de regarder des corps mutilés et des villages livrés à la rapine et au feu. La littérature de l'Amérique latine nous a déjà appris pas mal de choses sur ses militaires inféodés au capitalisme américain et à la mafia. Comme si les Ray Ban avaient été inventées spécialement pour ces messieurs !Est-ce à dire que les militaristes africains, de leur côté, ont évolué grandement par rapport à leurs congénères de l'Amérique latine ' Loin de là, car « la pire des institutions grégaires, selon Albert Einstein (1879-1955), se prénomme l'armée. » Faut-il dire encore que la raison n'a pas la chance d'avoir droit de cité en cette Afrique pourtant encensée par les tenants d'une certaine sagesse 'Parfois, pour reprendre Einstein encore, « certains ne méritent pas un cerveau humain puisqu'une moelle épinière les satisfait ». En attendant, il faut continuer à lire les grands romanciers de l'Amérique latine et de l'Afrique pour bien connaître la psychologie des militaristes, être au fait de leurs défauts, de leurs agissements néfastes et, bien sûr, avoir une idée précise sur ceux qui, par delà les océans et dans le monde occidental, les soutiennent et les manipulent.


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