La notion de
recours n'est pas qu'un simple dispositif administratif qui permet de vérifier
les pannes d'une machine ou son éloignement des objectifs pour lesquels elle a
été conçue. Elle sert d'abord à vérifier si la machine existe toujours et si
elle continue à obéir aux principes qui fondent son existence. Traduite en
langage citoyen cette notion permet à quiconque placé en situation d'e
difficulté par rapport à ses droits, de trouver une issue à ses problèmes dans
le cadre de la loi. Il en est ainsi dans les appareils administratifs tout
comme dans celui du monde économique, mais aussi s'agissant des droits
culturels, des droits à la santé, à la l'instruction et bien d'autres droits
qui apparaissent avec l'évolution humaine. Le recours est une soupape de
sécurité qui permet d'aller vers les limites imaginable, pour le bien être et
dans l'intérêt de chacun et non plus une procédure que les bureaucrates mettent
en place pour répondre par un texte laissant de côté son esprit. Il n'est pas
rare d'entendre chez nous des formules expéditives du style « les textes sont
clairs là-dessus » ou « c'est interdit par la loi » ou encore « on va voir si
cela est possible sans grand espoir » avant de prononcer le fameux « Allah
ghaleb » propre aux sociétés fatalistes, fainéantes et avare d'efforts. La
plupart du temps on se dirige vers une administration en pensant d'emblée à une
personne précise ou recommandée, en ayant à l'esprit qu'au bout du compte, il
faut remettre quelques billets. L'administration est pourtant anonyme et sans
état d'âme. Elle n'aime pas, elle ne hait pas, et elle est juste au service des
demandeurs. Il fut un temps où des administrations pratiquaient ce que l'on
appelait les «portes ouvertes». Cette pratique de pure sensibilisation
permettait aux populations de prendre connaissance des fonctionnements des
administrations en particulier et de recueillir les avis de ceux parmi les
intéressés qui voulaient bien les émettre. Le jeu valait le déplacement, même
si pour des raisons démagogiques il se trouvait des agents fonctionnaires qui
faisaient juste semblant de recueillir les avis des visiteuses. Un jeu de
charme à plusieurs entrées, en fait. De nos jours, l'administration ne semble
plus accorder de l'intérêt à ce que l'on pense d'elle, se suffisant de répondre
tant bien que mal aux nombreuses doléances et autres sollicitations pour
différents services, dont elle a statutairement la charge. Pire, l'image de
l'administration en l'absence d'enquêtes sérieuses s'est détériorée à vue d'Å“il
et ce qui devait être un droit s'est transformé en faveurs, au point de ne
laisser la place qu'au seul bakchich pour obtenir gain de cause. On a même
l'impression que le « piston » basé sur un relationnel familial, amicale ou de
quelque nature que ce soit ne fonctionne plus. Quand bien même on peut
connaître un chef et le faire intervenir pour régler un problème, si plus bas
dans la hiérarchie on ne « graisse pas la patte », rien n'est fait. L'argent
semble dominer toutes les fonctions et la chefferie n'a plus aucun sens y
compris pour accorder des passe-droits de niveau banal. C'est à se demander
s'il n'est pas plus rentable de faire payer carrément le service public avec un
intéressement des agents chargés du fonctionnement administratif. Puisque tout
le monde est prêt à payer dans l'urgence et que personne ne dénonce ou ne sait
dénoncer par ignorance des règles et de la loi, ou encore parce que cela
arrange tout le monde. Il suffit juste de fixer le prix du service et faire
respecter les tarifs. Il ne suffit plus de déclarer du haut des tribunes que la
lutte contre la corruption est engagée pour qu'elle ait lieu rendant ainsi
toutes les lois caduques et sans effets. Il ne suffit pas non plus d'annoncer
des chiffres et de les manipuler dans ce qu'ils révèlent comme absurdités
cachées, pour qu'au niveau du citoyen on puisse dire que tout va bien ou même
que les choses commencent à s'arranger. Ailleurs et dans des pays de même
niveau d'évolution que nous, on met à la disposition du public des numéros
verts aux lieux et places de numéros erronés, des boites aux lettres pour les
réclamations écrites et pas seulement des registres trois mains côtés et
paraphés dans le meilleur des cas, des bureaux de réception ou de recours ouverts
tous les jours et pas seulement un jour par semaine. Pourquoi aborder ces
questions ? Tout simplement parce qu'elles sont au cœur des revendications
sociales souvent manifestées par des violences individuelles ou collectives. A
l'échelle individuelle, on assiste souvent à des explosions de colères allant
parfois jusqu'à l'altercation entre un citoyen et un fonctionnaire séparés par
un mur d'incompréhensions, le premier méprisé par le silence ou
l'incompréhension ou la dictature du second. A l'échelle collective les
ras-le-bol se transforment vite en émeutes où des édifices sont saccagés et la
vie socio-économique bloquée parfois plusieurs jours durant. Et l'on comprend
mieux pourquoi la notion de recours au-delà de son indispensable
institutionnalisation, permet au moins de garder un espoir d'écoute et pourquoi
pas de rendre un refus irréversible. La modernité, le développement, l'Etat
sont évaluable à ce prix. La suite est une question de maintenance et avoir un
Saint à qui se vouer serait un début.
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Posté Le : 25/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Ahmed Saifi Benziane
Source : www.lequotidien-oran.com