Algérie

Le recours



La notion de recours n'est pas qu'un simple dispositif administratif qui permet de vérifier les pannes d'une machine ou son éloignement des objectifs pour lesquels elle a été conçue. Elle sert d'abord à vérifier si la machine existe toujours et si elle continue à obéir aux principes qui fondent son existence. Traduite en langage citoyen cette notion permet à quiconque placé en situation d'e difficulté par rapport à ses droits, de trouver une issue à ses problèmes dans le cadre de la loi. Il en est ainsi dans les appareils administratifs tout comme dans celui du monde économique, mais aussi s'agissant des droits culturels, des droits à la santé, à la l'instruction et bien d'autres droits qui apparaissent avec l'évolution humaine. Le recours est une soupape de sécurité qui permet d'aller vers les limites imaginable, pour le bien être et dans l'intérêt de chacun et non plus une procédure que les bureaucrates mettent en place pour répondre par un texte laissant de côté son esprit. Il n'est pas rare d'entendre chez nous des formules expéditives du style « les textes sont clairs là-dessus » ou « c'est interdit par la loi » ou encore « on va voir si cela est possible sans grand espoir » avant de prononcer le fameux « Allah ghaleb » propre aux sociétés fatalistes, fainéantes et avare d'efforts. La plupart du temps on se dirige vers une administration en pensant d'emblée à une personne précise ou recommandée, en ayant à l'esprit qu'au bout du compte, il faut remettre quelques billets. L'administration est pourtant anonyme et sans état d'âme. Elle n'aime pas, elle ne hait pas, et elle est juste au service des demandeurs. Il fut un temps où des administrations pratiquaient ce que l'on appelait les «portes ouvertes». Cette pratique de pure sensibilisation permettait aux populations de prendre connaissance des fonctionnements des administrations en particulier et de recueillir les avis de ceux parmi les intéressés qui voulaient bien les émettre. Le jeu valait le déplacement, même si pour des raisons démagogiques il se trouvait des agents fonctionnaires qui faisaient juste semblant de recueillir les avis des visiteuses. Un jeu de charme à plusieurs entrées, en fait. De nos jours, l'administration ne semble plus accorder de l'intérêt à ce que l'on pense d'elle, se suffisant de répondre tant bien que mal aux nombreuses doléances et autres sollicitations pour différents services, dont elle a statutairement la charge. Pire, l'image de l'administration en l'absence d'enquêtes sérieuses s'est détériorée à vue d'Å“il et ce qui devait être un droit s'est transformé en faveurs, au point de ne laisser la place qu'au seul bakchich pour obtenir gain de cause. On a même l'impression que le « piston » basé sur un relationnel familial, amicale ou de quelque nature que ce soit ne fonctionne plus. Quand bien même on peut connaître un chef et le faire intervenir pour régler un problème, si plus bas dans la hiérarchie on ne « graisse pas la patte », rien n'est fait. L'argent semble dominer toutes les fonctions et la chefferie n'a plus aucun sens y compris pour accorder des passe-droits de niveau banal. C'est à se demander s'il n'est pas plus rentable de faire payer carrément le service public avec un intéressement des agents chargés du fonctionnement administratif. Puisque tout le monde est prêt à payer dans l'urgence et que personne ne dénonce ou ne sait dénoncer par ignorance des règles et de la loi, ou encore parce que cela arrange tout le monde. Il suffit juste de fixer le prix du service et faire respecter les tarifs. Il ne suffit plus de déclarer du haut des tribunes que la lutte contre la corruption est engagée pour qu'elle ait lieu rendant ainsi toutes les lois caduques et sans effets. Il ne suffit pas non plus d'annoncer des chiffres et de les manipuler dans ce qu'ils révèlent comme absurdités cachées, pour qu'au niveau du citoyen on puisse dire que tout va bien ou même que les choses commencent à s'arranger. Ailleurs et dans des pays de même niveau d'évolution que nous, on met à la disposition du public des numéros verts aux lieux et places de numéros erronés, des boites aux lettres pour les réclamations écrites et pas seulement des registres trois mains côtés et paraphés dans le meilleur des cas, des bureaux de réception ou de recours ouverts tous les jours et pas seulement un jour par semaine. Pourquoi aborder ces questions ? Tout simplement parce qu'elles sont au cÅ“ur des revendications sociales souvent manifestées par des violences individuelles ou collectives. A l'échelle individuelle, on assiste souvent à des explosions de colères allant parfois jusqu'à l'altercation entre un citoyen et un fonctionnaire séparés par un mur d'incompréhensions, le premier méprisé par le silence ou l'incompréhension ou la dictature du second. A l'échelle collective les ras-le-bol se transforment vite en émeutes où des édifices sont saccagés et la vie socio-économique bloquée parfois plusieurs jours durant. Et l'on comprend mieux pourquoi la notion de recours au-delà de son indispensable institutionnalisation, permet au moins de garder un espoir d'écoute et pourquoi pas de rendre un refus irréversible. La modernité, le développement, l'Etat sont évaluable à ce prix. La suite est une question de maintenance et avoir un Saint à qui se vouer serait un début.








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