Le Rebelle revient cette semaine

Ses chansons et ses idées continuent et continueront encore indéfiniment, à servir de carburant à toutes les luttes pour "une Algérie meilleure et une démocratie majeure", comme il le chantait dans un de ses tubes.Il y a vingt-trois ans (25 juin 1998), le chanteur et chantre de l'amazighité, Matoub Lounès fut lâchement assassiné sur la route reliant Tizi Ouzou à sa région natale des Ath Douala. Les monstres qui lui ont tendu une embuscade à Thala Bounane et qui l'ont criblé de balles en cette funeste journée ont dû, sans doute, repartir avec non seulement la satisfaction d'avoir liquidé un homme mais aussi celle d'avoir effacé tout un symbole. Mais, à leur corps défendant, de leur abject acte naquit un immortel.
Une légende. Ni l'accumulation des années ni la nature oublieuse de l'homme n'ont, en effet, profité à ceux qui avaient quelques intérêts à faire taire, d'une manière aussi lâche que brutale, le Rebelle tant, vingt-trois ans plus tard, seul le corps a disparu. Son fantôme, en revanche, hantera la justice aussi longtemps qu'elle fera l'impasse sur le dossier de son assassinat alors que son esprit, ses chansons et ses idées continuent, et continueront encore indéfiniment, à servir de carburant à toutes les luttes pour "une Algérie meilleure et une démocratie majeure".
Depuis ce jour fatidique du 25 juin qui a donné lieu à une explosion de colère en Kabylie, et même au-delà, il n'y a pas une seule activité ou manifestation qui a lieu aux quatre coins de cette contrée révoltée sans que Matoub Lounès soit présent par ses chansons, ses portraits ou encore ses inoxydables expressions dont certaines sont même retées des proverbes. Mais pas seulement.
Tout naturellement, des milliers de personnes, tous âges et toutes idéologies confondus, prennent d'assaut, chaque 25 juin, chaque 24 janvier et même dans des journées ordinaires, le village de Taourirt Moussa pour le traditionnel pèlerinage sur le tombeau de celui qui, du ciel où il brille comme une étoile, continue à guider son peuple. "Nous recevons une moyenne de 80 personnes dans les journées ordinaires et des milliers à chaque anniversaire de sa mort ou de sa naissance", a affirmé Malika, la s?ur du Rebelle ajoutant que ces dernières années les visiteurs ne viennent pas seulement de la Kabylie mais de toutes les régions du pays. "La justesse de ce qu'il défendait, sa sincérité et son engagement ont fini par faire l'unanimité parmi les Algériens" estime-t-elle considérant ainsi que le combat de Lounès a fini par porter ses fruits.
Ce week-end encore, la Kabylie s'apprête à rendre un grandiose hommage à cet éveilleur des consciences populaires. Un concert artistique est prévu par Saoudi Prod au théâtre Kateb-Yacine de Tizi Ouzou où de nombreux artistes à l'instar de Boudjemâa Agraw, Ahres Hacène, El-Hesnaoui Amechtoh, Saïd Khazem et bien d'autres encore, de la nouvelle génération d'artistes seront au rendez-vous. "Il y aura même une Tlémcénienne qui interprétera une chanson de Lounès en kabyle.
Et ce qui est intéressant dans ce spectacle c'est qu'il y aura des jeunes qui vont chanter Lounès et qui n'étaient même pas encore nés à sa mort", a expliqué la présidente de la fondation soulignant que d'autres activités sont également prévues, à partir de ce jeudi soir, au village dont une performance artistique avec les nouveaux diplômés de l'Ecole régionale des beaux-arts d'Azazga qui comptent réaliser des fresques sur place.
Demain, Taourirt Moussa s'apprête à accueillir le même afflux de personnes qui viendront se recueillir sur le tombeau de Lounès, déposer des gerbes de fleurs, visiter sa demeure et son véhicule qui sert de témoin muet du drame qui a frappé l'idole de plusieurs générations, et surtout se ressourcer dans ses idées qui demeurent plus que jamais d'actualité. Comme tous les vendredis qui ont coïncidé ou qui étaient proches du 25 juin depuis 2019, les manifestants s'apprêtent également à rendre, ce vendredi, un vibrant hommage, dans la rue, à ce phénix qui ne cesse de renaître de ses cendres, sinon l'homme qui demeure le plus vivant des morts parmi les siens.

Samir LESLOUS