Algérie

Le Ramadhan et les contraintes climatiques dans le sud : Adrar, 14h - 17h par 50°, le temps de l'enfer



Le Ramadhan et les contraintes climatiques dans le sud : Adrar, 14h - 17h par 50°, le temps de l'enfer
Les habitants d’Adrar vivent ce mois de Ramadhan sous la contrainte du climat, un facteur naturel qui règle les mouvements et les gestes quotidiens, notamment durant la journée, d’une part, et d’autre part celle du couffin imposée par l’homme, et plus particulièrement l’acteur commercial qui, lui, joue un rôle important sur le volet psychologique des foyers à faible revenu.

Pour ne parler que du facteur climat, Adrar est une ville de 50 280 habitants, typiquement saharienne, implantée au cœur du Touat, à la lisière du grand erg occidental et située géographiquement à 1300 km du littoral oranais. Elle se caractérise par une nature aride et hostile, un climat très chaud et sec durant environ huit mois de l’année. D’ailleurs, il n’existe pratiquement que deux saisons : un hiver très froid la nuit et doux le jour, mais très court, environ deux mois au plus, et un été torride, où le mercure grimpe le jour à 50°C pour se stabiliser la nuit autour de 40°C.

Cette spécificité climatique fait que les habitants d’Adrar adaptent leurs gestes quotidiens durant la période estivale en fonction de ce paramètre chaleur, en prenant plus de précautions durant la période du jeûne. Même le tissu et la couleur des vêtements (aâbaya et chech) sont conçus pour réfléchir les rayons solaires et ne pas conserver la chaleur. Adrar compte deux communes, à savoir Bouda et Timmi, qui, elles, sont composées d’une nuée de ksour où vivent 23 075 âmes. Ce qui donne à cette magnifique ville rouge au style néo soudanais un caractère semi-rural. Car en général, une grande partie de ces Oasiens arrivent le matin à Adrar pour écouler leurs produits maraîchers au souk, puis, en début de soirée, ils rejoignent leur domicile.

La vie s’arrête à 13h pour reprendre vers 18h

Pendant le mois de Ramadhan, la vie commence très tôt, dès 6h le matin, avec l’activité des achats sur le marché des fruits et légumes, et cela jusqu’aux environs de midi (soit 11h GMT). Là, les citoyens se retirent à la hâte et rejoignent leur demeure pour se mettre à l’abri de la chaleur. Tout mouvement du corps est mesuré durant le jour, car la soif est là à vous guetter. Puis c’est au tour des commerçants de baisser rideau. Dès cet instant, avec le passage du soleil au zénith, c’est un couvre-feu naturel qui s’installe progressivement dans la ville, pratiquement de 14h à 17h. Dans cet intervalle, appelé communément «ouaqt géhenama» (temps de l’enfer), toutes les artères sont vides. On peut apercevoir quelques véhicules, option air conditionné, qui circulent, mais pour la plupart, ils appartiennent aux administrations ou aux services de sécurité. Pour ce qui est des horaires de travail de certaines administrations, le citoyen, autant que le fonctionnaire, s’interrogent sur l’opportunité de leur uniformisation. Sachant que dans les régions du Grand Sud l’administré, sauf cas de force majeure, ne se rend jamais l’après-midi auprès de ces institutions.

Cette décision a pour conséquence un déficit économique énergétique non mesurable et inutile, qui engendre une surconsommation d’énergie électrique liée à l’utilisation massive et simultanée de plus d’un millier de climatiseurs dans les bureaux. Sans citer encore les contraintes de production et les dérangements causés aux services de Sonelgaz qui, déjà, éprouvent d’énormes difficultés pour stabiliser et réguler la distribution électrique aux foyers. Pour revenir au quotidien du citoyen, la vie reprend de manière assez timide et partielle vers 18h, soit deux heures avant le f’tour. Toutefois, seules quelques boutiques ouvrent pour écouler surtout le lait et ses dérivés, de même que les pâtisseries orientales. Ces dernières, il y a à peine quelques années, étaient encore une curiosité pour les autochtones. Adrar dispose actuellement de plusieurs établissements de ce type, tenus pour la plupart par des artisans pâtissiers venus d’Alger, Tizi Ouzou, Béjaïa et même un Tunisien.

On notera toutefois que le remarquable développement local de la wilaya lui a permis de passer de sa vocation exclusivement agricole et touristique à une vocation économique basée sur la diversité des commerces et services avec ses richesses naturelles en hydrocarbures. Sa capitale, Adrar, qui n’était qu’une oasis, un joyau du Sahara, n’a rien à envier à ses consœurs du Sud comme Béchar, Ghardaïa, Ouargla, etc. en matière d’activités et d’infrastructures socioéconomiques et culturelles et où toutes les commodités permettant au citoyen de mener un vie normale et équilibrée existent actuellement.

Le f’tour, l’hospitalité du Touati et l’animation dans les mosquées

Enfin, à l’approche du ftour, si vous êtes de passage à Adrar, ne soyez pas étonné si un inconnu vous aborde pour vous proposer de partager son repas. C’est un honorable geste qui fait partie de la culture et de l’hospitalité des Touatis. Ainsi, plusieurs notables de la ville ouvrent leurs portes aux pauvres, aux mendiants et aux voyageurs. Ils offrent gracieusement à manger durant tout ce mois.

Par ailleurs, dans les foyers des autochtones ou les ksour, on rompt le jeûne avec ce qu’il y a de plus simple comme repas. En règle générale c’est du lait ou du l’ben (petit lait) avec quelques dattes locales (takerbouch). Puis on effectue la prière du Maghreb à le la mosquée la plus proche avant de revenir à table et de continuer avec «el hassa» (une soupe à base de blé).

Cependant, en début de soirée, c’est la phase spirituelle de la journée qui commence. Le premier quart de la nuit est consacré à la pratique religieuse. Les gens du Touat sont connus pour leur piété et leur attachement aux valeurs traditionnelles, à la religion et à la Sunna. Ainsi, la centaine de lieux de culte musulmans que compte la ville sont remplis de fidèles, femmes, hommes et même enfants venus accomplir les prières surérogatoires (tarawih). Au retour des mosquées, les fidèles rejoignent de nouveau leur meïda pour enfin continuer le reste du menu du repas. En effet, au Sud, il est de tradition que le repas du f’tour soit pris en deux phases, et ceci afin d’éviter d’alourdir l’estomac et de pouvoir exécuter les prières en toute souplesse.

Les sorties nocturnes malgré la chaleur intense et persistante

Après cette étape réservée à Dieu, les familles passent la soirée soit entre elles autour d’une table, soit chez des proches. Mais, pour plusieurs d’entre eux, c’est la sortie nocturne en ville qui est prisée. Malgré la température qui, même après le coucher du soleil persiste (le mercure refuse de descendre en dessous de 40°C), les gens déambulent avec nonchalance, surtout à travers les deux principales artères du centre, à savoir les rues Bouda et Salmi, où se concentrent la majorité des commerces avec leurs belles vitrines et les grands magasins de confection, de cosmétiques, de mobilier, d’électroménager, d’alimentation, etc.

Pour certaines mamans, c’est déjà l’heure des achats de vêtements pour l’Aïd, imposée par la limitation dans le choix et la qualité.

La sortie du soir est impérative à Adrar, même en dehors du Ramadhan. On remarquera que des fontaines fraîches sont installées partout dans la ville ; une grande partie appartiennent à des bienfaiteurs. Ce qui permet au citoyen de circuler sans stress, sans être obligé de porter sur lui ce précieux liquide.

La place des Martyrs est le lieu privilégié pour passer la soirée

La grand-place des Martyrs, située au cœur de la ville, face à l’hôtel étatique classé, Touat, qui s’étend sur plus de 5 hectares, reste le lieu privilégié pour tous les autochtones. En effet, c’est le lieu de rencontre de toutes les couches sociales originaires de la région et cela depuis très longtemps. Cette place offre, le temps d’un thé, à chaque famille ou groupe d’individus ou d’amis, un petit périmètre balisé par des de tapis, des palmes, des étoffes ou des couvertures posées à même le sol. Ces espaces sont gérés par des petits vendeurs occasionnels qui proposent à leur clientèle un verre de thé, des cacahuètes salées et des œufs à la coque. L’ambiance musicale est bon enfant, au rythme de l’ahellil ou des chansons du terroir. Ce sont ainsi plusieurs centaines de personnes des deux sexes qui se retrouvent assises par terre, côte à côte, à siroter du thé en discutant et cela jusqu’à une heure avancée de la nuit. Les plus jeunes ne se séparent qu’à l’heure du s’hor.

Cette grande place est mitoyenne du siège de l’APC et fait face aux institutions bancaires. Le spacieux trottoir, qui s’étend sur plus de 500 m ; d’innombrables lampadaires illuminent des bancs publics et des crémeries ambulantes. Ici, l’endroit est fréquenté par une autre catégorie de personnes de tous âges. Ceux qui s’y exhibent sont originaires d’ailleurs ; certains, accompagnés de leur progéniture, tiennent en laisse leur chien, d’autres font du vélo et d’autres encore jouent au ballon…Tous en profitent pour consommer glaces et citronnades, mais il faut se présenter tôt pour avoir une table.

Le civisme et la culture du Touati

Les filles sont généralement seules, elles sortent sans leurs parents. Ici la femme jouit d’une certaine liberté, elle peut rester dehors au-delà de minuit sans être inquiétée. On fera remarquer à l’occasion que le comportement du citoyen adrari est un exemple et un modèle de civilité et de civisme. En effet, Adrar est une ville où les mots famille et femme ont un sens ; celles-ci sont respectées et vénérées. Les étrangers qui viennent pour la première fois à Adrar sont toujours surpris de voir que des femmes et des jeunes filles circulent seules la nuit et ne sont pas dérangées ni agressées. Selon un sociologue, ce comportement durera tant que les zaouïas et les chouyoukh jouiront de leur influence dans la région.

A. A.


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