Le Ramadan et le faste des tables

Aussi pénible que s'annonce le prochain Ramadan qui avance à grandes enjambées, il pourrait suggérer au recul de la réflexion un fatalisme aux contours malgré tout heureux. On devra accepter qu'à un lourd évènement un malheur est quelques fois porteur d'une positive correction.L'inflation a sabré en profondeur le coût de la vie des larges couches populaires algériennes. Les prix de tous les produits alimentaires ont pris l'ascenseur, obligeant les couffins des ménagères de prendre lien avec une obligatoire cure d'amaigrissement.
Le prix du kilo de viande a quadruplé en deux ans. Celui des produits de première nécessité a pris une remarquable hauteur en quelques mois. Les fruits et légumes ont suivi la cadence. A vue d'?il, la majorité des commerces perdent le pas, la plupart contraints de mettre une croix sur leurs boutiques. Certains se redéploient dans la friture des tripes et dans la boustifaille qu'ils proposent à bas prix. Ils s'adaptent aux portemonnaies bien visiblement rognés des ménages aux possibilités financières rétrécies.
Les Algériens, pourtant dans une moindre mesure, doivent se plier à une nouvelle disette mondiale soumis eux aussi à une bourrasque économique installée dans la durée. Ils ont néanmoins la veine de profiter encore de la manne pétrolière offerte par la bénédiction divine, considérée hâtivement hier encore comme une malédiction.
Mais les vents ont changé depuis de trajectoire et de direction que la crise économique, le réchauffement climatique, les pandémies ni même la guerre en Ukraine n'expliquent qu'en surface. Le mal-être est général. Rares sont les populations des pays qui y échappent. Leur secret a été d'avoir trouvé une adaptation bénéfique aux mauvaises entournures des siècles et déniché des recettes économiques et sociales conformes aux exigences existentielles.
Dans sa finalité, ce Ramadan, plus que celui de l'année dernière, aura la particularité indéniable d'astreindre les fidèles à reformuler leur mode de consommation. Sans doute sans gaité de c?ur et avec douleur, mais avec l'obligation d'apprendre à s'éloigner du faste exagéré des tables pour s'inscrire dans le nouveau temps.