L’histoire complète du phénomène raï n’est pas encore écrite. Dans Aârrasou Ennar (cérémonies de feu), qui vient de paraître aux éditions El Bayt, le journaliste et écrivain Saïd Khatibi tente, à travers 150 pages, de remonter brièvement aux origines de cette musique née dans l’Ouest algérien. Pour lui, c’est le genre de musique arabe le plus connu dans le monde actuellement. «Une musique qui s’est imposée malgré les obstacles sociaux et psychologiques qui tentaient de l’enterrer durant la deuxième moitié du siècle dernier», fait-il observer. Il fait un parallèle entre la naissance du raï avec celle du reggae jamaïcain. «Les conditions sont les mêmes. Elles ont rencontré le refus de la société et se sont accrochées avant de sortir vers la consécration», a-t-il écrit, en soulignant que le raï continue d’enregistrer les meilleures ventes de disques en Algérie, une situation qui dure depuis quarante ans.
Il a rappelé que cette musique fait désormais l’objet de plusieurs festivals au Maghreb : Tabarka en Tunisie, Oujda au Maroc et Sidi Bel Abbès (après Oran) en Algérie. L’auteur a remarqué que malgré cette évolution, le raï est toujours mal vu par des «pans conservateurs» de la société qui auraient tendance à charger les interprètes de ce genre musical de tous les maux et de « toutes les bassesses». «Pourtant, des preuves documentées existent et montrent que le raï est né au milieu des fêtes familiales et des mariages», a-t-il noté. Il a évoqué «le premier cercle» du raï constitué principalement de femmes, telles que Zahra Benaouda, Aïcha El Wahrania, Kheira Kendil, Mama El Abassia.
Celles-ci ont, selon lui, contribué à conserver le patrimoine oranais qui a donné naissance plus tard au raï. Il n’a pas manqué de relever que les chants du raï s’étaient aussi appuyés sur des poèmes populaires écrits par des poètes jouissant d’un grand respect, à l’image de Lakhdar Benkhlouf et Ben M’Sayeb. Citant Cheikha El Djenia, l’auteur a observé que beaucoup parmi les chanteurs et chanteuses du raï n’ont pas choisi cette carrière pour porter atteinte à la morale. «Le raï me permet d’assurer le pain à mes enfants», avait dit El Djenia. «Je travaille pour éduquer mes cinq enfants. Je chante le raï pour évoquer les problèmes sociaux», avait déclaré Zahouania. «Cela n’empêche pas que certains interprètes, qui prétendent briser les tabous, ont fait l’apologie à tout ce que la morale publique réprouve. Certains ont utilisé ce genre musical pour s’enrichir et devenir célèbres par tous les moyens en écrasant les principes. Ils n’ont pas hésité à voler les airs et les paroles des autres», a relevé Saïd Khatibi.
D’après lui, Mami, Nasro, Khaled et Fadila ont gardé la même voie qu’ils ont choisie dès le début de leur carrière. «Ils sont restés fidèles au raï et à son message humain, adressé à toutes les catégories sociales», a-t-il noté, soulignant un certain conflit entre les trois générations du raï. Il a repris, à ce propos, les déclarations acides de Houari Benchenet sur Mami, Khaled et Faudel. «Je ne reconnais pas leur succès. Leur célébrité supposée est vide», avait-il dit. L’auteur est revenu sur «la marginalisation du poème lyrique» et des « cultures orales » par les pouvoirs politiques depuis l’indépendance du pays.
Le raï, comme le bedoui ou le chaoui, en a payé le prix.L’auteur publie à la fin du livre les paroles de plusieurs chansons de Khaled, telles que Didi ou Malha, de Zahounia, Billel, Houari Dauphin, Khira, Nasro et Mami. Journaliste à El Khabar, Saïd Khatibi est également traducteur. Il a déjà participé à la traduction de L’Anthologie des cinéastes africains et Loin de Nedjma. Il a publié une collecte d’interviews sous le titre poétique de J’ai traversé le ciel pieds nus.
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Posté Le : 08/11/2010
Posté par : sofiane
Ecrit par : Fayçal Métaoui
Source : www.elwatan.com