Algérie

«Le public de mon pays m'a donné de l'amour et j'ai craqué...»


Nawell Madani, en interview, est tout sauf cette délirante, hilarante et impertinente stand-upper. C'est une artiste qui dégage beaucoup de générosité, vous faisant la «bise» et vous offrant un selfie à la fin de l'entretien.- Vous avez étrenné la première édition d'«Alger, mon humour» du 11 au 14 janvier en vous produisant quatre fois, dont deux shows consécutifs, et déclaré que votre prestation était gratuite. C'est un présent. . .'
Oui, c'est vrai. Je l'ai fait gracieusement pour le public. Parce que, si vous voulez, on n'avait pas vraiment d'aide financière. On a été soutenus par l'ONDA (Office national des droits d'auteur), Aigle Azur (compagnie aérienne) et l'hôtel Sheraton, qui a essayé de nous aider comme il pouvait. Mais tout n'a pas été pris en charge.
Et pour que le spectacle existe et offrir une qualité avec autant de personnes. Des techniciens, danseurs, humoristes, comédiens, cameramen, cadreurs, DJs
Le réalisateur est un grand, c'est celui qui «goupille» l'émission Alkaline sur France 2. Il a fallu beaucoup d'argent. Donc, la billetterie plus des fonds personnels couvraient tout cela. Pour que ça puisse exister. Tous les artistes et les techniciens ont été payés. Mais moi, ma performance est gratuite. Et on va revenir encore plus fort.
- Nawell, à la fin de votre premier show, vous avez fondu en larmes, chaudes larmes? Certains ont même pleuré de bonheur? Trop émouvant...
Vous avez vu mon public. Il était beau. Il y a eu un moment où j'étais en fusion avec lui. Je n'avais plus envie de le quitter.
- Trois heures de spectacle. Le public en a eu pour son argent?
(Rire) Oui, exactement, voilà. On s'est donné à fond. On a vraiment essayé de partager humainement. Ils m'ont donné beaucoup d'amour. Et j'ai craqué. C'était plus fort que moi. Je voyais des visages. Il y avait ma mère, des personnes âgées, des femmes voilées qui riaient. Elles étaient contentes d'être là. Il y a des femmes qui sont venues me voir en me confiant : «Fadjitili ghoumti» (Vous êtes une bouffée d'oxygène, un appel d'air..). Il y a eu aussi cette dame qui m'a dit qu'elle souffrait d'un cancer et que c'est peut-être la dernière fois qu'elle allait rire avec ses enfants.
Et cela, ça n'a pas de prix. Une autre m'a avoué que depuis le décès de son époux, il y a deux ans, elle ne sortait plus en soirée, aux spectacles. Et ce sont ses enfants qu'ils l'ont sortie. Et qu'elle n'avait pas regretté de venir me voir à l'Opéra d'Alger. «J'ai oublié de vivre et tu m'as redonné envie d'y croire encore, Nawell» m'a-t-elle remerciée.
Quand vous recevez de tels témoignages, surtout émanant de vos concitoyens, cela vous touche profondément et davantage. Aussi, m'embrassaient-elles sur la tête, m'enlaçaient, me disaient qu'elles étaient fières de moi : «Enti bent bladi» (Tu es une fille du pays), que j'étais comme leur propre fille, que j'étais la bienvenue, que j'étais chez moi. «Reviens-nous», me répétait-on. Ils ont beaucoup d'amour. Merci du fond du c?ur.
- Comme «grande s?ur», vous avez donné leur chance à des humoristes du «bled»?
(Sourire). Oui. Sans prétention. J'ai invité l'humoriste Chouchou, qui nous vient de Sidi Bel Abbès. Et surtout le quiproquo allusif du sketch du début du show. Faire de l'humour (et faire l'amour).
- Vous voulez ouvrir une école de danse, chorégraphie, d'expression pluridisciplinaire contemporaine?
Oui, absolument. Quand on voit les jeunes danser toute la journée dans les quartiers? Il y a de jeunes filles qui veulent apprendre. Il y a un tel engouement. Ce matin, on a organisé un atelier (workshop), elles étaient très nombreuses à y prendre part et à exhiber du talent. C'était bourré à craquer. On l'a fait pour un dinar symbolique.
Avec le concours du danseur et chorégraphe de Madonna, Brahim Zaïbat. On l'a fait pour montrer qu'il y a des jeunes qui veulent s'exprimer artistiquement. Et nous, à notre niveau, nous avons envie d'être dans la transmission.
- Dans vos sketchs, vous usez d'un humour «hardcore», soft et déjanté tout en traitant de vrais sujets de la société arabo-musulmane. Les libertés individuelles, la femme considérée comme infrahumaine, le charlatanisme, l'hypocrisie islamisante, l'islamophobie?
C'est notre réalité. C'est la vraie vie. Monter sur scène et mentir au public, je ne fais pas ce métier-là alors. Je suis comme vous. Vous êtes journaliste, vous retracez la réalité, vous essayez d'être connecté au réel, au quotidien. Je ne monte pas sur scène pour mentir sur mon histoire ou bien sur ce que je vis au quotidien. Ma vie, elle a été telle que je le raconte sur scène.
Et c'est la vie de beaucoup d'Algériens. S'ils ne se reconnaissaient pas dans mes sketchs, ils ne riraient pas. Il y a un truc de reconnaissance, de ressemblance, d'identification?
- Avec votre show de la première édition «Alger, mon humour», vous exhibez toute la capacité d'une éventuelle création d'une comédie musicale, par exemple «très raï», aux côtés du grand chorégraphe et danseur Brahim Zaïbat. Broodway?
Oui, c'est une excellente idée. Inch'Allah, pourquoi pas !
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