Algérie

«Le programme quinquennal de logements n'est pas réalisable» Réda Rouidjali, ancien cadre du secteur de l'habitat


«Le programme quinquennal de logements n'est pas réalisable» Réda Rouidjali, ancien cadre du secteur de l'habitat
Ancien cadre dans le secteur de l'habitat, ingénieur expert en bâtiment, Réda Rouidjali estime, dans cet entretien, que le programme quinquennal de logements n'est pas réalisable. Pour cause, les conditions ne sont pas réunies. A savoir la main-d''uvre, la disponibilité des matériaux de construction et les systèmes constructifs. Sur ces trois dossiers, l'Algérie enregistre d'énormes déficits.
-Quels sont, selon vous, les principaux problèmes qui risquent de freiner la cadence de réalisation du programme de logements arrêté par le ministère de l'Habitat '
Sincèrement, le programme est ambitieux et important. Certes, il faut à tout prix réussir ce programme d'un million de logements pour le quinquennat, mais, pour réaliser 200 000 logements/an, il faut des entreprises compétentes, une matière première importante et une planification également. Or, sur ces trois points, nous sommes défaillants à l'étape actuelle. Nous voulons réaliser 200 000 logements/an alors que nous n'avons aucun système constructif. Les systèmes constructifs ont certes été parfois critiqués dans le secteur du bâtiment, mais ils ont des points forts qu'il ne faut pas oublier. Parmi ces derniers, c'est qu'on arrive à réaliser dans les délais et qualitativement des logements qui répondent aux normes parasismiques algériennes tout en économisant certaines matières premières. Car, on n'a pas suffisamment de matières premières en termes de ciment, sable et gravier. Actuellement, nous utilisons le sable du Sud qu'on coupe avec celui du Nord. Il faut faire très attention dans ce cas. Ce qui risque de nuire à la qualité de la matière première et, par ricochet, à celle du bâti.
-Quelles solutions adopter dans ce cas à votre avis '
Pour régler ce problème, il faut assurer la disponibilité des matières premières au temps T0. Lorsqu'on a besoin d'un kilogramme de ciment, on ne peut pas attendre cinq ans, il faut l'avoir au moment voulu. En dehors de cela, il nous faut introduite à tout prix certains systèmes constructifs qui ont montré leur efficacité.
-Quel est le système le plus adapté au cas de l'Algérie '
L'Algérie a importé énormément de systèmes constructifs depuis les années 70. Si mes souvenirs sont bons, nous avons importé au total près de 80 systèmes constructifs qui n'ont pas tous répondu aux préoccupations des Algériens pour plusieurs raisons. Sur ces 80 systèmes, seulement 3 ou 4 ont donné des résultats. Ils ont eu un écho favorable auprès de la main-d''uvre nationale. Ces systèmes réussis ont été par la suite cassés lors de la déstructuration des entreprises publiques. On n'a pas préparé l'entreprise privée algérienne à ce jour d'ailleurs, alors qu'on a déstructuré l'entreprise publique. Après cette étape de déstructuration, les entreprises qui avaient des usines de fabrication étaient confrontées aux problèmes de maintenance de leurs installations. Ainsi, le secteur se retrouve actuellement avec des entreprises publiques boiteuses qu'on veut relancer parallèlement à l'appui aux entreprises privées. Pour les relancer, on veut revenir à l'industrialisation du bâtiment.
-Est-ce que c'est faisable '
Ce projet demande du temps. Une unité industrielle pour qu'elle soit rentable nécessite 18 à 24 mois de travail. Ce qui va compromettre le programme des 200 000 logements/an. Donc, pour moi personnellement, ce programme n'est pas réalisable. Car, en plus de ce problème, il y a d'autres défaillances.
-Lesquelles '
Le problème le plus important est l'encadrement. Nous n'avons pas d'instituts de formation tels que l'Inforba. Nous n'avons pas de centres de formation professionnelle. Je vais vous dire une chose, j'espère me tromper : d'ici cinq ans, on sera obligés d'importer des man'uvres. L'Algérie aura besoin de man'uvres, ce n'est pas parce qu'il y aura un manque, mais parce que l'Algérien ne veut pas être man'uvre. On n'a pas encouragé l'Algérien à être man'uvre, coffreur, ferrailleur, etc. Il faut bien rémunérer ces travailleurs. Or, ce n'est pas le cas. Il suffit pour l'Algérien coffreur de quitter l'entreprise algérienne pour aller, par exemple, dans une autre étrangère pour qu'il explose. Car, il est stimulé. En somme, sur ces trois questions : main-d''uvre, encadrement, systèmes constructifs et matières premières, on n'est pas au point de réaliser le programme quinquennal de logements.
-En finalité, qu'en est-il du règlement de la crise du logement '
Je laisserais la réponse aux responsables politiques. Est-ce qu'il vont pouvoir trouver des solutions à ces préoccupations des professionnels.
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