Algérie

Le programme du PT : Entame prématurée du débat sur la future Constitution



«Pour la rupture », c'est le nom que le PT a choisi pour son programme électoral. En 24 pages, le programme consacre plus que son tiers au volet politique, et le reste pour l'économie, les questions sociales et la politique étrangère.
Il commence par situer le contexte global dans lequel se déroule les législatives du 10 Mai, marqué, selon les termes du texte, par la célébration du cinquantième anniversaire de l'indépendance d'une part et «la crise sans précédent du système capitaliste» et les menaces planantes sur le pays, notamment à partir de son flan sud. Le texte ne rate pas d'épingler Qatar, accusé de charger d'exécuter des agendas américains visant à favoriser l'émergence des courants islamistes dans le monde arabe. Concernant le volet politique, intitulé «Pour la rupture avec le régime du parti unique», le texte assimile le choix de voter pour les candidats PT à une option pour la Constituante. La première proposition concrète qu'avance le programme du PT est la mise sur pied des comités populaires pour discuter et consigner les préoccupations et les propositions des citoyens à remette aux futurs députés. Ces derniers se chargeront de la formuler dans la Constitution à venir. Signalons qu'à partir de là, le texte opère un glissement et passe d'un programme électoral à des propositions pour la Constitution. Dans ce cadre, le PT, après le rappel de «la tragédie nationale» réclame «la constitutionnalisation de la Culture de la Paix» en tant que choix populaire. Sur la même lancée, il exige l'approfondissement des articles 1 et 13 de l'actuelle Constitution stipulant que «La République est une et indivisible». Revenant sur l'appui des USA aux mouvements islamistes, le parti de Louisa Hanoune estime qu'il est nécessaire de formuler ouvertement «le caractère civil de l'Etat algérien» dans le prochain texte. Aussi, il doit stipuler clairement «l'interdiction de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques » et « le caractère parlementaire du régime politique, puisqu'il consacre la séparation des pouvoirs et l'indépendance de la Justice, rend le gouvernement comptable devant le Parlement». Consacrant la Justice, le texte-programme lui consacre toute une page. Quoique le principe de l'indépendance de la Justice soit annoncé dans les précédentes constitutions, le texte reconnait les pressions subies par l'exécutif sur la magistrature. Sur ce plan, le texte propose «la réforme du conseil supérieur de la magistrature» en procédant «à l'élection de sa composante» par la profession, et le rendre imperméable à toute pression. Aussi, le texte propose le principe d'élection dans la désignation des magistrats au niveau des différentes structures et «l'élimination de l'inspection d'une manière définitive en tant qu'organe relevant du ministère de la Justice». Enfin, il plaide pour la préparation de tous les textes organiques régissant la profession par les magistrats eux-mêmes. Abordant le chapitre «Construction de l'Etat de Droit», le texte déclare que rien ne justifie l'interdiction des marches et manifestations à Alger, s'interroge sur le recours des responsables à la justice pour interdire les grèves. Pour rompre avec cette situation, le texte propose que «la Constitution signale le droit à la grève et à la négociation». Il revient sur la revendication de rendre la langue tamazight langue nationale et rendre son enseignement obligatoire et réclame l'abrogation du code de la famille. D'une manière globale, le programme du PT, estime que les «réformes de 2011» ne constituent pas une base d'une nouvelle ère politique et propose « sa révision après l'élaboration d'une nouvelle Constitution». Le PT, dans ce texte, s'engage à batailler pour un nouveau découpage administratif et la création de nouvelles wilayas et la multiplication des communes. Le volet politique se termine par un paragraphe consacré à la corruption politique où il est relevé le commerce des candidatures à cause de la jonction de plus en plus dangereuse entre l'argent et la politique.
Le chapitre consacré à l'économie commence par le rappel de l'article 17 de la Constitution définissant «le patrimoine national». Cependant, relève le texte, d'autres décisions gouvernementales ont marqué un recul par rapport aux dispositions de la Constitution, «sous les diktats des institutions financières mondiales». Et de continuer que le Conseil Constitutionnel n'a pas intervenu «ce qui suppose la nécessité de revoir ses prérogatives et ses méthodes de travail». Le texte exige l'abrogation de la loi de 2001, annulant la nationalisation des mines. Il estime que la future Constitution doit formuler clairement «l'existence de secteurs stratégiques dans le domaine des services et de l'industrie qui ne peuvent pas être privatisés et dont le capital ne peut pas être ouvert aux privés». Il citera comme exemple «les ports et les aéroports» liés à «la sécurité nationale» et «le foncier agricole». Le programme du PT estime que l'Algérie a été épargnée par la crise économique qui sévit actuellement en Europe en raison des nouvelles orientations économiques engagées depuis 2008 que la LFC de 2009 a consacrées. Ces nouvelles orientations présentées comme «un acquis pour la Nation», le PT plaide pour son caractère irréversible en les constitutionnalisant. En clair, il préconise «la réhabilitation du secteur public en tant que colonne vertébrale de l'économie nationale». Le texte évoque à peine le secteur privé. Mais ce passage retient l'attention, en raison de ses visées polémistes. «Nous bataillerons pour que la future Constitution corrige les décisions qui avaient accordé des avantages exorbitants au secteur privé et en premier lieu les barons du sucre et de l'huile». Et de citer les exonérations fiscales et les charges sociales. Plus concret, le programme stipule «la réhabilitation du secteur public dans le secteur de la distribution» par la création des entreprises et offices publics et par « la réouverture des souks El Fellah et des Galeries algériennes». Aussi, il se déclare pour «la nationalisation du commerce extérieur». Il affiche son scepticisme à l'endroit de l'accord d'association avec l'Union Européenne et se déclare non favorable à l'adhésion à l'OMC et pour le retrait de la zone d'échange arabe. Enfin, pour compléter ce tableau, le texte plaide pour la création d'un ministère de la Planification parallèlement au ministère de l'Economie.
Sur le plan des retours aux anciens textes de loi, le projet estime que la prochaine Constitution doit «réactualiser la loi 16 -04 de 1976 se rapportant à l'éducation nationale» après son «épuration des considérations idéologiques» et par conséquent «l'abrogation de la loi d'orientation de 2008 qui a brisé le système de l'éducation et qui ouvre la voie à sa privatisation». Concernant l'enseignement supérieur, il plaide pour «le libre choix des étudiants soit pour le système classique, soit le système du LMD» ce qui suppose «l'abrogation de la loi de 2008 et le retour à la loi de 1998». Le texte survole d'autres secteurs en restant fidèle à la même logique, notamment celle du recours à l'abrogation des textes existants. Soulignons qu'en dehors de quelques chiffres (celui de 600.000 diplômés travaillant dans le cadre des contrats de pré-emploi) le programme ne fournit pas de données ou de prévisions chiffrées. Ceux qui se donneront la peine de lire ce texte, relèveront à coup sûr quelques contradictions entre les prises de position du PT, du moins de son leader, et les propositions de ce texte. A commencer par l'entretien de l'illusion, que la prochaine assemblée aura le statut et le rôle d'une Constituante. Hanoune a récemment indiqué que l'élaboration de la prochaine loi fondamentale a été confiée à un cabinet international.




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