Algérie

Le Professeur Mohamed FEGHOUL décédé en juillet



Le Professeur Mohamed FEGHOUL décédé en juillet
Il m'appartient, en tant qu'un de ses nombreux élèves et amis, de rappeler la brillante carrière de mon maître, le professeur Mohamed Feghoul. C'est une bien triste journée vécue ce jeudi 17 juillet 2014, avec la disparition de notre regretté père et grand maître, le professeur Mohamed Feghoul qui s'est éteint à l'âge de 81 ans, suite à un accident vasculaire cérébral foudroyant.Le professeur Mohamed Feghoul est né le 28 mars 1933 à Blida. Il est fils unique de sa petite famille. Il a effectué ses classes du primaire et du secondaire à Blida. Brillant élève, il a progressé sans difficulté dans ses études qui lui ont permis d'étudier la médecine à la faculté de médecine de Paris et à Oujda.Le devoir national l'a appelé à rejoindre les rangs de l'Armée de libération nationale en 1959, en compagnie des regrettés professeurs Omar Boudjellab, Mustapha Naït et Abdelkader Boukroufa à la frontière ouest de l'Algérie, plus exactement à Oujda à la base Ben M'hidi où il a accompli avec brio ses responsabilités nationales en tant que médecin de l'Armée de libération nationale jusqu'en 1962.Le début de sa carrièreAu lendemain de l'indépendance, il poursuit ses études de médecine et devient docteur en médecine en 1962, assistant adjoint en 1963 à la clinique thérapeutique médicale CHU Mustapha dirigée par le professeur André Tadei, assistant en cardiologie du 1er degré en 1965 et maître assistant en cardiologie en 1967.Ses capacités et son amour pour la médecine lui ont permis très rapidement de réussir au concours de l'agrégation en 1971. En octobre 1972, le ministre de l'Enseignement supérieur, le regretté Mohamed Seddik Benyahia, dans le cadre de la refonte de l'enseignement supérieur, lui a confié la mission de diriger et de structurer pendant deux années le service de cardiologie du CHU de Constantine. Il a été assisté dans sa tâche par le Professeur Mohamed Rachid Belhadj Mostefa, alors maître assistant.Le service de cardiologie de l'hôpital ParnetAprès sa mission constantinoise, il rejoint Alger en 1973 pour renforcer le tissu cardiologique universitaire de la capitale. Il est chargé en 1974 de diriger le service de médecine de l'hôpital Parnet qui devient très vite "service universitaire de médecine interne" en 1976 et ensuite de médecine interne et cardiologie en 1977. L'étape la plus importante de sa carrière a alors commencé. Celle de fonder un véritable service de cardiologie universitaire.Grand stratège, intelligent et visionnaire, il a d'abord su choisir et compter sur des hommes de terrain et de grande qualité. Il a ensuite équipé le service de moyens matériels de dernière technologie faisant de son service la fierté de l'Algérie au Maghreb et ailleurs. Il s'est aussi toujours préoccupé de la situation médicale de l'intérieur du pays, c'est ainsi qu'après que le regretté professeur Badreddine Yahi soit parti à Annaba pour diriger le nouveau service de cette ville, le professeur Mohamed Feghoul ouvrira le service de cardiologie de Tizi Ouzou en envoyant son élève, le professeur Saïd Aider, le diriger. Il en fera de même pour la ville de Blida en envoyant son autre élève, le professeur Mohamed Tahar Bouafia, et pour la ville de Batna, le Docteur Larbi Benghezal. Son amour pour la science et pour la recherche médicale a permis à l'équipe qu'il a dirigée de publier un nombre important d'articles scientifiques de haut niveau. Il a été le directeur de 10 travaux de thèse et de 8 travaux de recherche dont le premier travail épidémiologique en Algérie sur l'hypertension artérielle qui a été le sujet de thèse de son élève, le Pr Ryadh Hassen Khodja, actuellement à Nice. Il a formé 8 générations de cardiologues dont 6 professeurs. L'ensemble des cardiologues qu'il a formés lui sont restés attachés par une admiration et une estime profondes.L'essor de la cardiologie algérienne et le début de la chirurgie cardiaquePrésident de la commission des prises en charge des malades à l'étranger durant plusieurs années, le professeur Mohamed Feghoul a pris conscience que l'Etat algérien ne pouvait plus supporter le lourd fardeau lié aux frais de soins et de séjour, en particulier concernant les affections cardiovasculaires.C'est sous son impulsion qu'on a vu naître les premières salles de cathétérisme cardiaque et ainsi les premiers examens cardiologiques invasifs, telle la coronarographie et les premières implantations de stimulateurs cardiaques.Sa contribution dans le domaine de la chirurgie cardiaque a été aussi très importante. Il a ainsi réussi à favoriser la création d'un service de chirurgie cardiaque à l'hôpital Parnet dirigé par le Professeur Mohamed Salah Bourezak. Une étape importante a alors été franchie, ouvrant la voie au développement de cette spécialité en Algérie.La société algérienne de cardiologieLe professeur Mohamed Feghoul a été un des membres fondateurs de la société algérienne de cardiologie qui a été créée en janvier 1972. Il a occupé le poste de secrétaire général du premier bureau, dont le président a été le regretté professeur Mohamed Chérif Mostefai.Il représentera en 1978, en compagnie du professeur Abdelkader Boukroufa, la délégation algérienne devant présenter la candidature de la société algérienne de cardiologie en tant que membre de la société européenne de cardiologie au congrès européen de cardiologie qui s'est tenu à Madrid en 1978. Il mènera une lutte acharnée, notamment contre les pays de l'Est qui n'ont pas voulu de cette adhésion, prétextant que l'Algérie, pays africain, devait faire partie de la société continentale africaine. Son intelligence et son savoir-faire ont convaincu les professeurs Puech et Jouve de la société française de cardiologie, ainsi que le professeur Denolin de la société belge de défendre la cause algérienne. Le professeur Mohamed Feghoul a toujours aimé raconter cet épisode avec fierté et passion.En 1980, le professeur Mohamed Feghoul est élu président de la société algérienne de cardiologie jusqu'en 1991. Sous sa présidence, la société a connu son plein essor et s'est imposée scientifiquement sur le plan national et international.La fédération maghrébine de cardiologieSous son impulsion, les cardiologues maghrébins ont commencé par instaurer les "journées maghrébines de cardiologie" une fois l'an, respectivement dans chaque pays. Ensuite a été créée en 1986 la fédération maghrébine de cardiologie que le professeur Mohamed Feghoul a présidé en 1989. Cette fédération n'a pas résisté aux différentes tensions maghrébines et a laissé place au congrès maghrébin qui n'a fonctionné normalement que quelques années. De cette expérience, le professeur Mohamed Feghoul en a gardé le plus mauvais souvenir de sa carrière.Sa contribution politiqueIl a été fervent patriote attaché à son pays et à ne servir que lui, engagé et actif dans les justes causes. Il a su à maintes reprises décliner diplomatiquement des postes politiques de haut rang, non par fuite de responsabilité mais par conviction qu'un médecin doit servir son pays en soignant le malade. Il a cru au devoir du sacrifice et n'a jamais refusé une quelconque aide ou conseil. Le 7 janvier 2001, son excellence, le président de la République, M. Abdelaziz Bouteflika, l'a désigné sénateur du tiers présidentiel. Poste qu'il a occupé durant 6 années. Pendant ce mandat, il a occupé les fonctions suivantes :- Vice-questeur du conseil de la nation du 12 avril 2001 au 8 septembre 2002.- Vice-président de la commission d'équipement et de développement local du 14 mars 2004 au 25 mars 2005.- Président de la commission "santé", affaires sociales, travail et solidarité nationale du 26 mars 2005 au 6 janvier 2007.Sa vie de familleLe professeur Mohamed Feghoul a été père de 3 enfants qu'il a élevés à son image avec son épouse, avocate de profession. Très proche d'eux, il leur a permis d'avoir une excellente éducation et de suivre avec succès des études universitaires de haut niveau. Il en a été très fier. L'aîné est chirurgien, la cadette est gynécologue et le benjamin est architecte à Marseille. Très cultivé, il emploie ses loisirs à la connaissance des arts et à l'écoute de la musique universelle.Le départ à la retraiteEn 2000, à l'âge de 65 ans, le professeur Mohamed Feghoul décide de prendre sa retraite en argumentant qu'à cet âge il fallait laisser la place aux générations futures. L'alternance étant le garant de la réussite. Il rejoint à Blida son ancien cabinet privé et tente sans succès une expérience en clinique privée. Il restera attaché à la cardiologie algérienne en assistant aux différentes manifestations scientifiques et en se faisant un réel plaisir de pouvoir conseiller ses élèves.Ses derniers v'uxLors d'une interview faite par la société algérienne de cardiologie et parue dans son numéro n°5 de novembre 2006, le professeur Mohamed Feghoul a dit ceci : "Notre objectif sacro-saint est d'arrêter définitivement le transfert de nos malades à l'étranger. Nous devons rattraper le retard dû à la décennie noire, d'autant plus que de grands efforts ont été consentis par l'Etat afin de contribuer à la réduction des transferts à l'étranger et à la maîtrise de nouvelles technologies. Il reste encore beaucoup d'insuffisances à combler notamment dans la prise en charge de l'épidémie actuelle des maladies coronariennes."Le dernier hommageLe vendredi 18 juillet 2014, au cimetière de Blida, malgré le ramadhan et une chaleur torride, une foule nombreuse a rendu un dernier hommage au professeur Mohamed Feghoul en l'accompagnant à sa dernière demeure.Le professeur Mohamed Feghoul a noblement servi son pays et a porté si haut les couleurs de la médecine et de la cardiologie algériennes. Au-delà de ses aptitudes de médecin et de ses qualités de leader, il a aussi été aimable et serviable. Il a soigné avec dévouement, compétence, respect et humanisme des milliers de malades dont beaucoup gardent un excellent souvenir et lui témoignent encore leur profonde reconnaissance.Si Mohamed a été pour moi un vrai père, un aîné que j'ai toujours admiré et respecté. Il sera toujours l'exemple de la sobriété, du courage et de l'honnêteté. Je pense que le plus grand hommage que ses disciples et ses confrères puissent lui rendre, c'est de transmettre à leurs élèves sa passion pour la médecine, pour la cardiologie et pour l'Algérie. Puisse Dieu le recevoir dans sa clémence et sa miséricorde. Reposez en paix, mon cher maître, les générations que vous avez formées relèveront le défi de l'Algérie nouvelle, émancipée et radieuse, telle que vous l'avez toujours souhaitée.Votre élève de toujours,le professeur Djamaleddine Nibouche.




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