Algérie

LE PROFESSEUR KAMEL BOUZID À L’EXPRESSION



«Le cancer est traitable et curable en Algérie»
L’Algérie enregistre 35.000 nouveaux cas de cancer par an, selon le chef de service d’oncologie du Centre Pierre et Marie Curie. L’Expression: Une étude britannique rendue publique, cette semaine, a expliqué que le taux de survie des cancéreux en Algérie est faible, comparativement aux USA, le Canada, le Japon et d’autres pays européens. Etes-vous de cet avis?Pr Kamel Bouzid: Je suis au courant de cette information. Le chercheur a mené cette enquête dans un sens unique. L’étude concerne seulement 300 cas de cancer enregistrés à Sétif. Cette étude parle des estimations des taux de survie à cinq ans qui sont de 11,4% pour le cancer du côlon chez les hommes et à 38,8% pour le cancer du sein chez les femmes. A mon avis, il est injustifié de généraliser ces chiffres sur toute l’Algérie. Je m’argumente par une raison précise: à Sétif, il n’y a pas de centre de traitement. Les malades se soignent, soit à Constantine soit à Alger. Il n’y a également pas eu d’enquêtes sur la mortalité par cancer ni à Alger, ni à Oran, ni à Constantine. Par exemple, la survie à 5 ans pour le cancer du côlon dans mon service, tous stades confondus, est de 50%. Pour le cancer du sein chez la femme algérienne, la survie est de 70% à 5 ans et de 60% à 10 ans. Aussi, je ne dis pas que ce qui a été publié est faux, mais la généralisation du registre de Sétif sur toute l’Algérie est fausse. Il est important que la presse algérienne apporte ces précisons. C’est-à-dire avant la publication, on doit vérifier l’information auprès des cancérologues et épidémiologues pour rectifier le tir.Biographie expresse du professeur Pur produit de la faculté d’Alger, le professeur Bouzid est docteur en médecine depuis 1978. Certificat de parasitologie en 1978, certificat de biochimie en 1979, professeur en hématologie clinique en 1994, professeur chef de service d’oncologie au Centre Pierre et Marie Curie en 1996. Depuis, il s’occupe des cancers solides. Il a occupé le poste de vice-président du conseil scientifique de l’Agence nationale de développement et de la recherche scientifique (Andrs). Il a tenu 250 communications orales, poster et écrites dans des congrès nationaux et internationaux (Algérie, Maroc, France, Etats-Unis, Portugal...).Quel est le taux de survie des cancers en Algérie?Il n’y a pas de chiffres fiables pour le moment. Cela est dû au manque d’études et d’enquêtes. Nous allons lancer avec l’Insp (Institut national de la santé publique), une enquête sur la mortalité par cancer à travers le territoire national. On aura des chiffres probablement beaucoup plus fiables d’ici à quelques mois. Toutefois, j’ai illustré par des exemples des cancers du colon et du sein. Ces chiffres ont été validés dans des communications internationales. J’insiste sur le fait qu’ils concernent les malades traités ici à Alger.Où peut-on classer l’Algérie, dans le taux de survie, comparativement à d’autres pays voisins et européens?Il y a des cancers dont le taux de survie est de six mois aussi bien en Algérie qu’en France. Cela prouve qu’on est à un stade égal. On a les mêmes guérisons, le même taux de survie et le même taux de mortalité pour quelques cancers.Existe-t-il des chances de guérison totale pour certains cas?Bien évidemment. On guérit certains cancers. J’affirme que des cancers les plus fréquents en Algérie sont guérissables à 100%. A la seule condition, que le diagnostic soit fait très tôt. C’est simple: plus le diagnostic est précoce, plus il est localisé, et plus les chances de guérison augmentent. La guérison est possible dans plusieurs cas.Quels sont les moyens thérapeutiques utilisés?Pour une meilleure guérison, la chirurgie reste le traitement le plus adéquat. Plus de 90% des cancéreux se soignent par la chirurgie. Ensuite, interviennent d’autres moyens tels que la chimiothérapie et la radiothérapie pour seulement améliorer la chirurgie. On a également recours à une thérapie ciblée comme l’imatinibe ou la trastuzumab.Pourriez-vous nous avancer quelques nouveaux chiffres concernant le cancer en Algérie?En se référant au dernier recensements 2008, on enregistre 35.000 nouveaux cas par an. Je dis que c’est selon les données préliminaires de 2008. Les cancers les plus fréquents sont le cancer du poumon, la vessie, le colorectal et la prostate pour les hommes. Pour les femmes, arrive en tête le cancer du sein, suivi de celui du col de l’utérus, le colorectal, la vessie biliaire. Les enfants sont atteints de leucémie, lymphome, tumeur cérébrale ou embryonnaire.Pourquoi ressent-on une certaine cancérophobie chez l’Algérien?L’Algérien et peu et très mal informé sur le cancer. Cela est dû au manque d’informations. Il y a, d’abord, l’absence d’un plan national de lutte contre le cancer. Cela malgré les demandes des soignants et de la population. S’ils étaient suffisamment informés, les Algériens auraient moins de phobie. Cette phobie ne devrait pas avoir lieu. La maladie est traitable et curable. Le cancer n’est plus cette maladie qu’on a connue il y a trente ans.Les patients dénoncent la mauvaise prise en charge due au manque d’infrastructures, de spécialistes et autres. Etes-vous de cet avis?Oui. Les centres de traitement sont largement insuffisants. Les neufs nouveaux centres prévus ne voient toujours pas le jour. A Annaba, les travaux sont à l’arrêt depuis six mois. A Sétif, les travaux ont commencé. Le centre sera prêt d’ici à 2009. Les autres wilayas n’ont même pas commencé les travaux. En plus, il y a un problème de formation et d’équipement. Il ne suffit pas de construire des bâtisses qui ne fonctionneront pas. Certes, nous formons, mes collègues et moi, des radiothérapeutes. On forme les chirurgiens. Mais, nous avons un manque dans le paramédical.


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