Algérie

Le Professeur Ahmed Bouyacoub au Quotidien d?Oran : Le grand paradoxe de l?économie algérienne mis à nu



Alors que la rentrée universitaire à l?USTO a été reportée au 15 octobre, celle de l?université d?Es-Sénia a eu lieu dimanche dernier, sous la présidence du recteur Larbi Chahed. C?est au Professeur Ahmed Bouyacoub qu?est revenu l?honneur d?inaugurer l?année universitaire 2008/2009 par un cours magistral qui fut longuement applaudi par un nombreux public composé essentiellement d?enseignants et d?étudiants.
 
Dans un contexte économique mondial assez inquiétant et alors que notre pays traverse une crise aiguë, la leçon d?économie donnée par notre éminent expert était d?une grande actualité. M. Bouyacoub a bien voulu se prêter à nos questions et donner à nos lecteurs son analyse sur les atouts et blocages d?un véritable développement de l?économie algérienne.

Le Quotidien d?Oran: Le sujet que vous avez abordé est des plus épineux. Compte tenu de votre expérience de recherche dans les différents domaines de l?économie, pensez-vous possible une croissance économique en Algérie alors que toute velléité de développement est entravée par de multiples obstacles ?

Ahmed Bouyacoub: Le sujet n?est pas facile, j?en conviens. Beaucoup d?opinions ont été exprimées sur cette question en Algérie et ce qui est considéré par certains comme un atout est appréhendé par d?autres comme une contrainte. Avant de répondre à votre question, je voudrais formuler trois remarques d?ordre méthodologique permettant de mieux comprendre la situation.

Première remarque : l?économie fait partie d?un ensemble composé de différentes sphères importantes: institutionnelle, politique, économique, sociale, culturelle, religieuse... La sphère économique influence les autres sphères et subit leurs influences. Cette interaction a évolué et sa nature évolue encore dans le temps. Par ailleurs, la sphère économique ne change pas à coups de décrets. Beaucoup de réformes ont été menées et nous constatons que les acteurs concernés par la sphère économique développent souvent des stratégies de résistance au changement parce que les acteurs en question ont des intérêts différents et souvent divergents. La réforme de la sphère économique n?est donc pas une simple question technique.

Deuxième remarque : on sait, historiquement, que les économies de marché se sont développées parce que la sphère économique a pu obtenir une autonomie relative. Ce n?est pas encore le cas actuellement en Algérie, où la sphère économique est fortement dépendante de la sphère politique.

Troisième remarque : le développement intègre, comme le soulignent les travaux du PNUD - Programme des Nations unies pour le Développement - ou ceux de la Banque mondiale, beaucoup d?aspects liés à l?amélioration des conditions de vie et de travail de la population. De nombreux indicateurs sont formulés sur la mesure du niveau de développement et parmi les plus connus, il y a « l?indicateur de développement humain ». Cet indicateur est une péréquation entre plusieurs paramètres considérés comme significatifs, à savoir : le niveau d?éducation, le niveau de la santé et le niveau de revenu réel.

 

Q. O.: A partir de ces trois préalables, et les analystes de l?économie algérienne ne nous contrediraient pas sur cette question, quel constat peut être fait ?

A. B.: On peut identifier un véritable paradoxe concernant l?économie algérienne. D?un côté, nous constatons qu?il y a, depuis quelques années, une mobilisation de moyens énormes, moyens financiers et humains, et, d?un autre côté, le pays enregistre des résultats qui sont considérés par tous les observateurs, dans tous les rapports qui sont produits dans le monde, comme relativement faibles, sinon, dans le meilleur des cas, très moyens. C?est un paradoxe assez important et ce décalage entre les moyens mobilisés et les résultats enregistrés n?est malheureusement pas nouveau.

Je peux vous donner quelques chiffres pour illustrer ce paradoxe. L?Algérie a investi, de 1970 à 2005, par tête d?habitant, deux fois et demie plus que le Maroc, une fois et demie plus que la Tunisie. Or, le taux de croissance annuel moyen du produit intérieur brut (PIB), c?est-à-dire de la richesse produite par individu, pendant la même période, est de 0,1% pour l?Algérie, 1,4% pour le Maroc et 2,3% pour la Tunisie. On constate que sur le très long terme et malgré les investissements importants, la croissance du PIB par individu a été très faible en Algérie. La croissance économique a à peine couvert la croissance démographique.

 

Q. O.: Vous parlez d?atouts, de faiblesses et même de contraintes... Quelles sont les caractéristiques actuelles que vous considérez comme des atouts ?

A. B.: Le principal atout du pays, c?est l?atout humain et géographique. Nous avons une population très jeune et très dynamique et un taux de scolarisation très élevé. Il faut nuancer toutefois cette affirmation car le taux de scolarisation universitaire (les étudiants par rapport à leurs classes d?âge) reste autour de 20% - ce chiffre est de 58% pour la France, 36% pour la Tunisie mais seulement de 11% pour le Maroc. L?Algérie se situe dans la moyenne des pays en développement. Le nombre d?étudiants en Algérie a dépassé le million l?année dernière et l?on a atteint le nombre de 3.400 étudiants pour 100.000 habitants, alors que nous étions à 1.000 étudiants pour 100.000 habitants il y a une quinzaine d?années. Nous avons également un territoire immense et beaucoup de ressources importantes : un rapport de l?Union européenne écrit qu?à l?horizon 2025, les terres agricoles seront, en plus de l?eau, l?une des ressources les plus rares dans le monde, et l?Algérie, de ce point de vue, a un territoire immense. Bien entendu, une grande partie est constituée par le Sahara mais avec les développements technologiques et le développement de l?agriculture saharienne, les possibilités sont nombreuses.

Le deuxième atout, certes très conjoncturel, est sa très bonne situation financière ou considérée comme telle. Je dis atout car le pays a fortement souffert de la crise économique et beaucoup d?observateurs pensent que si le pays a plongé dans la violence au cours de la décennie 1990, c?est en partie à cause de l?étranglement de son économie, de son endettement qui était considérable et de son incapacité à régler cette question du financement de l?économie.

Plusieurs indicateurs actuels : des réserves de change qui atteignent un record - à fin décembre 2007, elles dépassent les 110 milliards de dollars, soit plus de quatre années d?importation alors que pendant longtemps le pays a vécu avec deux ou trois mois maximum de possibilités d?importation. L?année 2007 a aussi battu le record au niveau des importations de biens et de services (27,3 milliards de dollars).

L?autre élément important concerne le désendettement total du pays : alors que la dette extérieure, au début de l?année 2000, représentait presque 60% du PIB, à la fin de 2007, elle représente moins de 4% du PIB.

Le troisième point de cette bonne santé financière concerne les rentrées financières annuelles importantes (près de 58 milliards de dollars en 2007) réalisées grâce à la flambée du prix du pétrole (le prix moyen du pétrole algérien en 2007 a été de 74,77 $ le baril, contre 29,03 $ en 2003) et un excédent commercial record pour l?année 2007 avec 32 milliards de dollars. Il y a donc des possibilités d?épargne énormes dans le pays. Mais, d?un autre côté, on constate que le pays, ayant des besoins colossaux, n?arrive pas à transformer cette épargne en investissements et à créer une véritable dynamique de croissance. Cet aspect est jugé comme négatif par la plupart des économistes algériens.

 

Q.O.: Une question se pose alors : pourquoi accroître la production des hydrocarbures qui dégage des surplus financiers que le pays ne peut pas immédiatement utiliser ? L?Algérie est-elle en mesure de réduire sa production de pétrole et de gaz ?

A. B.: Je ne le crois pas, car il s?agit là d?une autre facette des règles de la mondialisation. L?évolution rapide des réformes économiques qui ont été menées dans beaucoup de domaines, constitue le troisième atout. D?abord, une privatisation rapide de l?économie. Elle a été le fait de la levée de monopoles. L?Algérie était une économie administrée : beaucoup de monopoles ont été exercés par l?Etat ou des organismes d?Etat. Ils ont été supprimés et le secteur privé s?est fortement développé au cours de la dernière décennie, y compris dans les hydrocarbures où il représente maintenant près de 10% du chiffre d?affaires réalisé dans ce secteur. Hors hydrocarbures, l?économie nationale est à 80% privée (ce chiffre dépassait à peine 50% en 1990). Malgré quelques hésitations, les réformes institutionnelles sont menées dans tous les secteurs d?activité visant à consolider l?économie de marché et à bannir les anciens monopoles. Il y a enfin, dans ce cadre, un autre élément important que les Algériens ne mettent pas toujours en relief : le passage d?une économie de pénurie à une économie d?abondance. Les Algériens ont fortement souffert au cours des années 70-80 de cette économie de pénurie.

Quatrième atout : un marché potentiel immense. L?année dernière, le service des statistiques indiquait le nombre de 200.000 véhicules vendus. Les possibilités d?investissements sont énormes dans tous les domaines (transports, logement, éducation, santé, services financiers, tourisme, alimentation, etc.)

 

Q. O.: Tous ces atouts dont vous faites état sont parfois considérés comme des signes d?une véritable absence de politique économique ou d?une incapacité à transformer l?épargne nationale en investissements. Pourquoi, selon vous, les projets d?investissements inscrits ou déposés auprès des organismes qui s?occupent de ces questions n?arrivent pas à se concrétiser ?

A. B.: Votre question m?amène à aborder des contraintes, des faiblesses. Première grande faiblesse : l?Algérie a une économie rentière difficile à réformer. Beaucoup d?écrits sur l?économie de rente existent. A mon avis, il y a deux aspects de la rente : la rente du point de vue des ressources, et le comportement rentier des institutions et de tous les acteurs publics et privés. Du point de vue des ressources, tous les indicateurs montrent que les ressources provenant des hydrocarbures conditionnent tout le fonctionnement de l?économie algérienne. De 1970 à 2002, les hydrocarbures ont globalement représenté moins du tiers du PIB. Depuis 2005, ils représentent la moitié de la richesse nationale produite. L?économie est, d?une certaine façon, « prise en otage » par le secteur des hydrocarbures. La conséquence en est que le budget est entièrement dominé par les hydrocarbures.

 

Les recettes hors hydrocarbures et hors fiscalité pétrolière ne couvrent que 55% du budget de fonctionnement de l?Etat. De même, le financement des importations est assuré à 98% par les revenus des hydrocarbures. Ces importations, en 2007, représentent 27 milliards de dollars et concernent à la fois les biens de consommation : céréales (60% de dépendance extérieure), lait (80% de dépendance extérieure), médicaments (70%), mais aussi l?approvisionnement de l?appareil industriel en produits semi-finis.

Or, nous savons que les prix des hydrocarbures sont volatils et il n?est pas exclu qu?ils retombent. Tout l?équilibre actuel risque donc de s?effondrer dans quelques années si ces prix chutent brutalement. Cela crée une grande fragilité économique. La croissance économique actuelle de l?Algérie, autour de 4%, est tirée essentiellement par cette hausse des prix des hydrocarbures.

Une économie rentière, c?est aussi un fonctionnement rentier de toutes les institutions, de toutes les entreprises publiques, et même des entreprises privées et de tous les autres acteurs, commerçants, fonctionnaires et même chômeurs. Tout le système est fondé sur des budgets étatiques, sur les ressources de l?Etat. Le système est conditionné essentiellement par la consommation du budget public. En matière de bilan, on parle rarement de réalisation des objectifs physiques, mais on indique toujours du taux de consommation des budgets. Sommes-nous dans un système qui exclut les bilans, que ce soit pour les entreprises ou pour les institutions ? Le « rendre compte » est pratiquement absent. Tous les acteurs sont en concurrence pour l?obtention de ressources publiques : crédits de financement, gratuité de terrain pour l?investissement, exonérations, passe-droits, biens immobiliers publics... sans contrepartie.

C?est, enfin, un système où la norme de rémunération n?est liée ni au volume du travail, ni à la qualité du travail fourni. Ce qui est vrai pour la rémunération, l?est aussi pour certains crédits accordés à des entreprises privées et à des individus (fournis sans dossier réel et sans contrepartie visible), des agriculteurs qui demandent des financements mais sans remboursement, des fonctionnaires qui demandent des augmentations de salaire mais sans fournir un réel travail, sans cahiers des charges concernant ce travail. Dans ces conditions, les règles de l?émergence d?un entreprenariat basé sur la concurrence et sur la performance économique sont complètement faussées.

 

Q. O.: On assiste depuis une vingtaine d?années à ce que certains analystes appellent le déclin de l?industrie, particulièrement manufacturière, au sein de laquelle il y avait énormément d?investissements.

A. B.: On n?a pas de véritable explication sur ce déclin industriel et notamment de l?industrie manufacturière. Deuxième grande faiblesse : l?industrie hors hydrocarbures, en 2006, a produit, en termes constants, pratiquement la même valeur que ce qu?elle a produit en 1983. On a assisté à une chute énorme sur 25 ans de la production industrielle, et surtout à partir de 1986. Entre 1970 et 2005, la production industrielle algérienne a été multipliée par deux et demi alors qu?elle a été multipliée par 12 en Tunisie, par 4 au Maroc, par 25 en Indonésie, par 6 en Turquie... La place de l?industrie dans l?économie nationale a fortement chuté et l?Algérie est l?un des rares pays en développement à connaître une situation semblable. Malgré son développement, l?industrie privée n?a pas compensé la chute globale de l?industrie publique. Pourquoi cette chute ? Peut-être a-t-on sous-estimé le démantèlement tarifaire qui s?est effectué ces dernières années ; l?Algérie s?est retrouvée en 2007 parmi les pays qui protègent le moins leur industrie. Elle est à 9% de droits de douane alors que les pays voisins sont autour de 15%, l?Egypte 22%. On a également sous-estimé la stratégie de certaines multinationales qui ne voient pas d?un bon oeil le développement de certaines industries...

Troisième grande faiblesse : c?est la faiblesse des capacités entrepreneuriales. Il est indispensable de développer les PME et d?asseoir le développement économique sur celles-ci. Leur nombre s?est fortement développé mais il s?est développé principalement dans les secteurs des services et dans le BTP et très peu dans l?industrie. Un indicateur reflète assez bien cette situation : en 2006, nous avons en Algérie 86 PME pour 10.000 habitants, en France il y en a 344 pour 10.000 habitants. La différence est énorme. Certains autres pays en sont à 400 voire 700. Le principal facteur explicatif concerne certainement la formation qui reste assez faible et surtout mal orientée vers l?entreprenariat.

La quatrième faiblesse concerne le capital humain. Malgré les efforts réalisés et les résultats acquis en termes de taux de scolarisation dans les trois cycles éducatifs, les données de l?UNESCO montrent que notre pays ne mobilise pas encore tous les moyens en vue d?une meilleure performance. Un des derniers rapports de l?UNESCO indique que notre pays a dépensé pour le primaire en $ PPA par élève, 703, alors que la Tunisie en a dépensé 1.248 et le Maroc 1.012. Pour le secondaire, l?Algérie a dépensé 1.066, la Tunisie 2.026 et le Maroc 1.750. Pour le supérieur, l?Algérie a dépensé 2.870, le Maroc 4.113 et la Tunisie 4.634. Pour le supérieur, les pays développés dépensent, comme la France, 10.000 $ PPA.

Il s?agit en réalité de la structure des salaires qui reste très faible en Algérie, comparativement aux pays voisins. Le domaine de la recherche et du développement est également négligé du point de vue des ressources et des possibilités de leur véritable utilisation. L?aide à la recherche et au développement est également un secteur en difficulté parce que l?Algérie, malgré ses ressources, ne consacre, en 2005, selon l?Unesco, que 10 $ PPA (en parité du pouvoir d?achat) par tête d?habitant, à la recherche & développement. La France en est à 950 $, les Etats-Unis à 1.200 $, le Maroc à 30 $, la Tunisie à 85 $. Ces ressources financent à la fois la rémunération des chercheurs et l?activité de recherche.

 

Q.O.: Ces statistiques montrent bien donc que le secteur n?est pas assez encouragé. Y a-t-il d?autres faiblesses à signaler ?

A. B.: Comme cinquième faiblesse, nous avons le climat d?affaires qui est détestable. La Caisse française du Commerce extérieur fait un classement des pays sur le climat des affaires, la Banque mondiale également. Sur cette liste, l?Algérie se trouve à la 125e place, très loin derrière le Maroc ou la Tunisie. Dans ce climat d?affaires, on tient compte du nombre de procédures pour créer une entreprise : en Algérie, on en est encore à 25 procédures, alors qu?il en faut six dans les pays de l?OCDE, huit ou neuf dans les autres pays de la région. Les investisseurs se plaignent toujours de la longueur de ces procédures et de la longueur de la chaîne qu?ils doivent suivre pour concrétiser un investissement. L?Algérie se distingue un peu mieux sur deux indicateurs : la protection des investissements (62e sur 178 pays) et la fermeture d?entreprise (45e). Tous les autres indicateurs sont mauvais : création d?entreprises (119e), octroi de licences (104e), embauche des travailleurs (121e), transfert de propriété (153e), obtention des crédits et des financements (111e). Le dernier indicateur, qui semble également constituer une contrainte importante, concerne le paiement des impôts, considérés comme très lourds en Algérie (168e). L?Algérie n?est donc pas considérée, loin de là, comme un paradis fiscal.

Tous ces éléments expliquent, en partie, la difficulté à transformer l?épargne en investissements, de la part aussi bien des investisseurs nationaux qu?étrangers. Les statistiques annuelles indiquent qu?il y a de nombreuses demandes d?investissements provenant de sociétés étrangères, mais un faible nombre seulement arrive difficilement à se concrétiser.

Enfin, comme dernière faiblesse, il nous faut signaler le faible niveau de gouvernance et principalement le très fort climat de corruption. Beaucoup d?indicateurs présentent ce niveau de gouvernance. Celui de la Banque mondiale inclut six éléments principaux : la participation à la responsabilité dans le pays, la stabilité politique et la violence, l?efficacité des services gouvernementaux et des services publics, la qualité de la régulation, la promotion du secteur privé, l?Etat de droit et le contrôle de la corruption. Il concerne la vie des citoyens, leur relation à l?Etat et la liberté d?expression, ainsi que la liberté d?action des partis politiques.

L?élément que je considère comme le plus important pour notre propos est la lutte contre la corruption. La corruption est considérée, par tous les experts de développement, comme un grand obstacle au développement : tous les efforts qui peuvent être fournis par l?Etat ou les organismes internationaux sont annulés par le système de corruption. La corruption est multiforme et prend des proportions très différentes : cela peut aller d?une petite somme d?argent payée pour obtenir un papier administratif à l?obligation faite à l?entreprise de donner de manière informelle une participation à un fonctionnaire qui aurait autorisé la création de celle-ci ou son financement.

Transparency International, mais aussi la Banque mondiale ont classé l?Algérie 15ème sur les 20 pays arabes par ordre croissant du niveau de corruption. Des mesures institutionnelles de lutte contre la corruption sont mises en oeuvre en Algérie depuis quelques années, mais les grandes affaires révélées dans la presse nationale montrent que le chemin à parcourir reste encore très long dans ce domaine.

 

Q. O.: Vous n?avez pas fait état de l?économie informelle qui, selon certaines études, représente le tiers de la richesse créée dans le pays !

A. B.: Elle fait partie de ces faiblesses. Mais cette dernière est la conséquence d?un mode de fonctionnement de l?économie dans son ensemble. Un tel taux ne permet pas le développement de l?économie et explique en partie au moins le paradoxe, dont je vous ai parlé, entre les efforts fournis par les pouvoirs publics (150 milliards de dollars entre 2000 et 2007) dans les constructions d?écoles, de logements, d?hôpitaux, d?autoroutes, de rénovation des chemins de fer..., et les résultats réels. Les efforts sont colossaux, mais les retombées et les performances sont toujours considérées comme faibles. Pour preuve, trois indicateurs : le pays est classé 104ème par rapport à l?indicateur de développement humain (bien après la Tunisie mais devant le Maroc). Le taux de pauvreté est relativement important (21,5% de la population considérée comme pauvre, contre 18% en Tunisie et 33,4% au Maroc) et enfin un taux de chômage qui, même s?il a baissé au cours de ces dernières années - passant de 30% à 12% (en intégrant les travaux précaires) - reste encore très fort, d?autant plus qu?il concerne surtout la population jeune.

Tous ces éléments montrent bien le grand paradoxe actuel de l?économie algérienne : des investissements colossaux sont effectués dans différents secteurs d?activité mais de faibles performances sont réalisées (en termes de production, d?emploi, de croissance). Il y a aussi l?incapacité du pays à transformer son épargne (très importante) en investissements et à être réduit à placer cette épargne dans les fonds de pension américains, entre autres, alors que les besoins du pays, non satisfaits, sont encore très importants.

Malgré des atouts réels et importants, le chemin du développement en Algérie reste parsemé de difficultés, car, comme le soulignent avec force de nombreux économistes et principalement Douglas North, prix Nobel de Sciences économiques, le développement ne peut pas se réaliser, malgré les efforts, sans institutions adéquates et les institutions sont pour lui « l?ensemble des règles formelles et des normes informelles et des moyens mis en oeuvre pour les faire respecter ».







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