Le procureur dénonce un "groupe terroriste" lié à l'EI

Le groupuscule islamiste Sharia4Belgium, dont 46 membres sont jugés depuis hier à Anvers, constitue un «groupe terroriste» ayant multiplié les appels à la violence et lié au groupe Etat islamique, a affirmé hier l'accusation. «Il y a des indices sérieux que ce mouvement, Sharia4Belgium, a incité à la violence à travers ses messages de haine», a déclaré la procureur auprès du parquet fédéral, Ann Fransen. Retraçant l'histoire et l'idéologie de ce groupe - qu'elle a qualifié de «terroriste» - créé en 2010 à Anvers (nord) par de jeunes musulmans radicalisés, la procureur a évoqué leurs conférences de presse «provocatrices», où le modèle démocratique occidental était conspué, les manifestations dégénérant en émeute dans les rues d'Anvers et de Bruxelles, ou encore les vidéos de propagande «salafiste» réalisées et diffusées sur internet. Toutes ces activités «ne peuvent être interprétées autrement que comme des appels publics au jihad armé», a estimé Mme Fransen, qui a détaillé le mode de fonctionnement, la structure, les contacts internationaux et les méthodes de recrutement du groupuscule. S'ils ne sont pas accusés d'avoir préparé des attentats en Belgique, «beaucoup de figures de proue de ce mouvement sont allées en Syrie. Beaucoup sont allées se battre pour les groupes Al-Nosra et l'EI (Etat islamique)», les organisations jihadistes parmi les plus radicales, a relevé la magistrate. Le procès de Sharia4Belgium est le premier en Belgique à concerner directement l'envoi de combattants en Syrie. Il se tient devant le tribunal correctionnel d'Anvers, dans un palais de justice placé sous très haute protection policière.Le groupuscule salafiste avait annoncé sa dissolution il y deux ans, mais ses anciens membres sont soupçonnés d'avoir continué à recruter. Au total, quelque 10% des 300 à 400 Belges partis au combat depuis 2012 auraient été proches de Sharia4Belgium. Seize personnes, dont la figure du groupe, Fouad Belkacem, 32 ans, sont jugées comme dirigeants d'une «organisation terroriste». Ils risquent jusqu'à 20 ans de prison. Idéologue charismatique et organisateur hors pair, selon l'enquête, Fouad Belkacem a récemment nié, dans une lettre ouverte publiée dans la presse, avoir jamais «recruté, incité ou envoyé» des combattants en Syrie. Mais Belkacem exerçait une énorme influence sur ses troupes, selon les déclarations faites aux enquêteurs par Jejoen Bontinck, un des prévenus présent au procès. Ce Belge aujourd'hui âgé de 19 ans, converti à l'islam, a expliqué qu'il voyait à l'époque en Belkacem son «leader spirituel». Il figure sur le banc des accusés pour s'être rendu pendant huit mois en Syrie, entre février et octobre 2012. Mais Jejoen Bontinck, qui avait été «exfiltré» de Syrie par son père, fait également partie des parties civiles. Il accuse en effet certains de ses co-prévenus, qui le soupçonnaient d'être un espion, de l'avoir séquestré et torturé en Syrie. Il affirme également avoir partagé, lors de sa détention, la cellule de James Foley, l'otage américain décapité par l'EI. Seuls huit prévenus étaient présents à l'ouverture du procès.Les autres sont soupçonnés d'être en Syrie, où une partie d'entre eux ont peut-être perdu la vie.Les accusés doivent également répondre d'avoir organisé des manifestations contre la loi interdisant le port de la burqa dans la rue et d'avoir provoqué des émeutes et l'attaque d'un commissariat après une interpellation houleuse d'une femme portant le voile intégral à Molenbeek, un quartier de Bruxelles, en mai 2012.Les parties civiles devraient s'exprimer aujourd'hui et la défense le 8 octobre, a indiqué hier le tribunal, alors que le procès devait en principe ne durer que deux jours.