Algérie

Le procès s'est ouvert hier: Sellal et Ouyahia à la barre



Les ex-Premiers ministres Abdelmalek Sellal et Ahmed Ouyahia étaient à la barre en compagnie d'autres anciens ministres et hommes d'affaires, hier, au tribunal de Sidi M'hamed. Et ce, en l'absence de leurs avocats qui se sont retirés, sous prétexte que «les conditions matérielles ne sont pas réunies pour un bon déroulement d'un procès de cette envergure».Le porte-parole du collectif de la défense, le bâtonnier du barreau de Blida, maître Abdelaziz Medjdouba, a précisé avant de quitter la salle en compagnie de ses collègues que «la défense ne peut mener à bien sa mission de plaidoirie dans de telles conditions, l'exiguïté des lieux pose un sérieux problème, sans parler de la consistance du dossier». Et d'affirmer : «nous nous retirons et ils n'ont qu'à assumer leurs responsabilités».
Appelé à la barre, l'ex-Premier ministre Ahmed Ouyahia a préféré répondre aux questions du juge en dépit de l'absence de ses avocats qui se sont retirés. Ouyahia a demandé au juge d'appliquer l'article 177 de la Constitution pour qu'il soit jugé par une haute cour de l'Etat qui, faut-il le rappeler, n'est pas encore installée. Une demande qui a été rejetée par le juge et le procureur général, obligeant ainsi Ahmed Ouyahia à répondre à certaines questions, notamment celles relatives à l'octroi d'avantages illégaux à des constructeurs automobiles, en citant tout particulièrement le groupe Maazouz et Hassen Arbaoui. Le juge a affirmé que des exonérations fiscales ont été accordées aux constructeurs après l'expiration du décret tolérant ce genre d'avantages aux investisseurs dans le secteur automobile. Ahmed Ouyahia a précisé que «toutes les autorisations et les avantages accordés ont été offerts selon la loi, en concertation avec le Conseil national d'investissement qui regroupe 11 ministres et l'ANDI». Et de poursuivre «des avantages accordés pour le seul et unique objectif, est de créer de la richesse et des postes d'emploi en dehors des hydrocarbures».
Sur le prolongement du délai du décret relatif aux exonérations fiscales et douanières, il répond en affirmant que cette décision a été prise pour débloquer des conteneurs bloqués au port. En précisant que «même l'actuel gouvernement a demandé aux services des douanes de libérer en urgence les matériels roulants bloqués dans les différents ports du pays depuis le 27 janvier 2019, qualifiant la mesure d'urgente».
Dans ses réponses, Ouyahia a nié avoir fait du favoritisme en offrant la marque Hyundai au groupe Arbaoui, au lieu d'un autre investisseur ou d'avoir donné des avantages au groupe Maazouz. Il précise : «je ne suis pas un technicien, et c'est le ministère de l'Industrie qui délivre les agréments et tout ce qui a été décidé et accordé au conseil national des investissements a été validé par le ministère des Finances». Et d'affirmer qu'il n'est pas responsable des décisions qui ont été prises avant 2017. Le juge précise que le montant des avantages prélevés du Trésor public est important. «C'est 110 milliards de dinars et le préjudice causé au Trésor sous forme d'avantages est de 77 milliards de dinars selon des enquêtes et des expertises» déplore-t-il.
«Le premier responsable de la Présidence était au courant de l'entreprise de mon fils»
Dans ses réponses aux questions du juge, Ahmed Ouyahia a précisé que sa femme ne possède aucune entreprise, mais son fils a créé dans le cadre de l'ANSEJ une société dans le domaine de l'informatique appelée OTEC. Et de préciser d'ailleurs «le premier responsable de la Présidence était au courant que mon fils avait sa propre société». Mais, dit- il, «aucun marché public n'a été octroyé à mon fils. 99% des marchés de la société de mon fils provenaient du privé, en dehors des marchés publics et de l'administration publique».
Questionné par le juge sur ses comptes bancaires, notamment d'un compte de la BDL non déclaré, contenant « 300 millions de dinars», l'ex-Premier ministre a reconnu qu'il n'avait pas déclaré ce compte en précisant «cet argent n'a rien avoir avec mon activité au sein du gouvernement ou au sein des institutions de l'Etat». Pour le transfert d'argent à partir de ce compte à sa femme et à son fils, il précise que ces transferts ont été effectués pour aider son fils et pour aider sa femme à payer ses impôts de deux locaux qu'elle possède.
L'argent collecté de la campagne présidentielle de Bouteflika transféré à un lieu inconnu !
Interrogé par le juge sur le responsable de la gestion chaotique du secteur de l'automobile, Sellal affirme qu'aucune décision n'a été prise en dehors du Conseil d'investissement et de l'ANDI et des conventions signées avec les opérateurs. Il a affirmé que quand Maazouz a déposé son dossier en 2018, il n'était plus Premier ministre et de préciser que même le dossier de Arbaoui a été déposé en mars 2018. Il a affirmé que le premier responsable des cahiers des charges (qui ont été élaborés selon le juge sur mesure au profit des opérateurs favorisés) est l'ex-ministre de l'Industrie et des Mines, Abdeslam Bouchouareb en fuite à l'étranger. Et d'affirmer que l'étude des dossiers était du ressort de l'ANDI. Il affirme qu'effectivement il y avait une gestion désastreuse de ces dossiers. «J'ai moi-même essayé d'empêcher cela, en empêchant la dilapidation des assiettes foncières par des mesures que j'ai prises, j'ai même dénoncé plusieurs fois l'ex-ministre de l'Industrie Bouchouareb, mais il n'y a pas eu de réponses ou de sanctions à son encontre». Sellal a nié toute relation avec Maazouz et Arbaoui. En ce qui concerne Tahkout et Mourad Eulmi, il a affirmé qu'ils ont répondu aux conditions requises.
Concernant, le financement «occulte» de la campagne électorale dont il est accusé, Abdelmalek Sellal a affirmé qu'il a été chargé par le frère du président Bouteflika de gérer le volet financier, mais il a refusé. Le juge lui signifie «est-ce que vous savez que Maazouz a déposé 39 milliards de centimes au profit de la campagne '». Sellal répond par la négative. Le juge poursuit «est-ce que vous savez que l'argent de la campagne récolté a été transféré du compte du bureau de la campagne électorale vers un lieu inconnu '». Sellal répond : «Non je ne sais pas».
Pour ce qui est de son fils, lui aussi au banc des accusés, il affirmé qu'il s'est associé avec Ali Haddad, Ahmed Maazouz et Mohammed Baïri. «Il a été placé à la tête de cette société en raison de ses compétences, ses connaissances et son expérience professionnelle, j'ai même demandé à mon fils de travailler avec le secteur privé et de s'éloigner ainsi de la politique».
Le procès s'est poursuivi avec la présentation à la barre de Youcef Yousfi, l'ex-ministre de l'Industrie et des Mines.


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