Algérie

“Le procès de la colonisation française” Le chemin de Novembre 1954


“Le procès de la colonisation française” Le chemin de Novembre 1954
Le nationalisme moderne se développa après la Première Guerre mondiale non seulement au sein de la bourgeoisie musulmane urbaine, mais également dans les usines de France où les travailleurs algériens, au contact de syndicats et d’humanistes français, apprirent à militer pour défendre leurs droits. Dans les guerres, la première et la seconde, les Algériens se familiarisent avec les armes et les techniques modernes de combat. Ils se donnent aussi le temps pour s’initier et engager la lutte politique et diplomatique. Autrement dit, les Algériens s’emparent des droits de l’Homme, des nouvelles idées induites par les changements qui s’opéraient dans le monde, et même de la langue française, pour refonder leur nationalisme. Le chemin de Novembre 1954 était tracé. Il sera long car la France ne s’est jamais résolue à perdre son coin de paradis. Les Algériens se mettent à l’école de la politique et petit à petit, ils se forgeront la conception moderne de l’État et de la nation.

Après les insurrections qui ont animé la résistance au XIXe siècle, l’opposition à la colonisation s’exprima, après la Première Guerre mondiale dans des organisations politiques et des associations. L’opposition prenait un nouveau visage d’autant que les anciennes élites, les tribus étaient sorties exsangues des insurrections de 1830 aux années 1900. Les lignes fondatrices de la société avaient été bouleversées au contact du sol français et aux transformations qui s’opéraient dans la colonie. Des Algériens étaient expédiés par vagues en France qui pour supplanter les ouvriers mobilisés contre les Allemands, qui pour faire la guerre contre ces mêmes Allemands. En Algérie, la modernisation de l’économie coloniale a constitué un appel d’air pour la main-d’œuvre algérienne qui affluait vers les villes où le salariat a transformé les structures sociales.
De toutes les façons, les tribus, la base essentielle de l’organisation sociale à l’arrivée de la France et durant le premier demi-siècle de l’occupation, avaient perdu de leur influence. Ses leaders étaient sortis exsangues des différentes révoltes tout au long du XIXe siècle.
Les tribus avaient été délestées de toutes ressources, notamment foncières. Les autres, peu nombreuses, qui avaient choisi la voie de la collaboration avec l’occupant, avaient perdu tout crédit moral.
Dès lors, le centre de gravité de la résistance va se déplacer de la campagne à la ville où quelques membres de grandes familles étaient restés des notables dont les enfants ont fréquenté l’école française et sont devenus les élites algériennes qui ont créé des associations et plus tard des partis politiques. Plusieurs d’entre eux sont tentés par les élections et deviennent des conseillers municipaux. Ceux qu’on a appelés alors les “Jeunes Algériens” se groupèrent au sein de deux grandes associations : la Rachidya d’Alger et le Cercle Salah-Bey de Constantine qui portent la résistance sur la plan politique et dans le cadre français. L’une des premières personnalités de ce mouvement fut le petit-fils de l’Émir Abdelkader, l’Émir Khaled. Il revendiquait l’égalité entre Français et Algériens. Il sera exilé en France puis au Machrek où était enterré son grand-père, à Damas notamment où l’Émir avait planté sa smala, une fois qu’il avait signé sa reddition.
L’opposition politique à la colonisation se manifesta autour de 3 grands courants. Des assimilationnistes aux nationalistes réformistes : en septembre 1927 fut créée la Fédération des élus qui regroupait des élus algériens. Ce mouvement s’appuie sur l’élite algérienne qui a fréquenté l’école française. Imprégné de jules-ferrysme, cette élite se référait aux idéaux de la Révolution française de 1789 et aux valeurs de la République. Néanmoins, pour eux, il ne s’agit pas de réclamer l’indépendance de l’Algérie mais l’égalité entre Français et Algériens, par l’accès des Algériens à la citoyenneté. Certains allaient jusqu’à nier l’existence de l’Algérie en tant que nation. Ferhat Abbas en 1936 : “Si j’avais découvert la nation algérienne, je serais nationaliste…” Plus tard, le premier président de l’Algérie du temps du GPRA explicitera son constat : jeunesse, air du temps, realpolitik, ce fut tout à la fois. L’échec du projet de réforme de 1936 visant à donner la citoyenneté française à quelques milliers d’Algériens issus des élites, sonna le glas du mouvement assimilationniste. Ces assimilationnistes étaient confrontés à la contradiction existant entre les idées proclamées de la république version française (liberté, égalité, fraternité) et la réalité de sa pratique coloniale plaçant l’Algérien au bas de l’échelle d’une humanité ethniquement hiérarchisée. Cette élite n’avait plus qu’à se soumettre ou abandonner l’idée même d’assimilation. Elle se mua en nationalistes réformistes à partir de 1943.
Ferhat Abbas, qui quelques années plus tôt niait l’existence de la nation algérienne, devint le premier défenseur de ce nationalisme réformiste. Le texte du “Manifeste du peuple algérien” publié en février 1943 symbolisait cette évolution puisqu’il affirmait que l’heure est passée où un musulman algérien demandera autre chose que d’être un Algérien musulman. Après les massacres du 8 Mai 1945, Ferhat Abbas et ses proches fondèrent l’UDMA qui défendit cette conception d’un nationalisme réformiste : il pensait encore que le combat de la souveraineté pouvait aboutir par des moyens pacifiques. L’UDMA voulait aboutir à l’indépendance de l’Algérie par étapes, en utilisant uniquement des moyens légaux, et en association avec la France. L’UDMA restait nettement moins influente que le PPA-MTLD qui était le plus grand parti algérien de l’époque.

Dans le même moule réformiste : l’Association des ulémas
Créée en 1931, l’association religieuse reposait sur une coalition d’hommes qui travaillaient ensemble depuis plusieurs années. Elle était issue d’un double héritage : celui de mouvement de réforme islamique né au Machrek autour de Djamal ed-Din al-Afghani et Mohammed Abdou et celui du mouvement de réforme spécifiquement algérien constitué par cheikh Ben Mahanna et Abdelkader el-Medjaoui.
Sur le plan politique, si les Ulémas défendaient l’idée de nation algérienne et refusaient l’assimilation à la France, ils restaient très prudents et très modérés dans leur prise de position. Ils appuyaient les revendications des assimilationnistes sans partager leur idéologie, ce que le cheikh Ben Badis exprima clairement dans sa réponse à Ferhat Abbas en 1936 : “Nous disons ensuite que cette nation algérienne musulmane n’est pas la France, ne peut pas être la France et ne veut pas être la France.” Parlant du peuple algérien, il affirmait : “Il ne veut pas s’assimiler.” Dans un poème, il écrivait que “le peuple algérien est musulman et qu’il appartient à l’arabité”. Malgré cela, après 1945, la direction de l’Association des ulémas restait proche de l’UDMA de Ferhat Abbas, même si certains souhaitaient se rapprocher du PPA-MTLD.
Le troisième courant qui prend progressivement le dessus : le mouvement nationaliste révolutionnaire. Constitué dans l’immigration, ce courant est lui aussi issu d’un double héritage : l’héritage de l’islam populaire et des confréries qui avaient opposé leur résistance à la colonisation au XIXe siècle et celui du mouvement ouvrier européen au sein duquel les militants immigrés avaient été socialisés politiquement et auquel ils avaient emprunté des techniques d’organisation. Ce courant s’incarna dans trois organisations successives : l’Étoile nord-africaine ; le PPA ; et le PPA-MTLD.
L’ENA a été créée au milieu des années 1920, le débat sur la date exacte n’étant pas encore épuisé, et défendit dès sa création l’indépendance totale de l’Algérie. Du Maroc et de la Tunisie aussi car l’Étoile n’était pas spécifiquement algérienne. Implantée dans l’immigration, l’Étoile commença à se développer en Algérie après le discours de Messali Hadj au stade l’Alger le 2 août 1936. Mais du fait de ses revendications nationalistes, l’Étoile fut dissoute par le gouvernement du Front populaire le 26 janvier 1937 en application du décret sur les ligues fascistes. La posture des socialistes français a perduré jusqu’à l’Indépendance et même plus. Le 11 mars 1937, les nationalistes révolutionnaires créèrent le Parti du peuple algérien (PPA) qui, comme l’Étoile, revendiquait l’indépendance de l’Algérie. Subissant une forte répression, le PPA fut à son tour interdit en septembre 1939 et ses cadres furent arrêtés. Ainsi, durant la Seconde Guerre mondiale, le PPA développa son action clandestinement.
À partir de 1947, le PPA divisa son action en trois branches : le Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques pour l’action légale, le PPA pour l’action clandestine et l’Organisation spéciale, branche paramilitaire pour préparer la grande et ultime insurrection. Le MTLD, qui était le plus important parti politique algérien, portait la revendication de l’indépendance.
En 1954, le PPA-MTLD éclata en 3 tendances : les messalistes favorables au président du parti, les centralistes favorables au comité central et les activistes favorables à l’action armée. Le 1er Novembre 1954, les activistes déclenchent la Révolution algérienne donnant la priorité à l’action armée.

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