Algérie

Le prix de la liberté



Le prix de la liberté
Un livre(*) vient s'ajouter, aux nombreux témoignages déjà parus ces dernières années, sur l'engagement de toute une génération dans la lutte pour l'indépendance. Le genre paraît épuisé et redondant mais chacun apporte une part de cette mémoire de feu. A 17 ans sinon moins, ils étaient nombreux à affronter les rigueurs de la répression et à secouer un ordre inique et injuste. Les souvenirs révèlent surtout la panoplie des exactions commises par l'armée coloniale. Le cadre de ce récit simple et dans beaucoup de passages dur et émouvant, est Tlemcen et ses environs. Il débute lorsque les habitants de la capitale des Zianides s'indignèrent de l'assassinat du premier médecin algérien, le Dr Benaouda Benzerdjeb, en janvier 1956.A vingt ans, l'âge ou ailleurs on rêve d'amourettes, l'auteur, élève de la medersa où étudia aussi le colonel Lotfi, s'engagea, sous la responsabilité d'un officier de l'ALN, dans un réseau chargé de fournir des armes, d'exécuter des traitres et de commettre des attentats. Il narre ainsi quelques coups d'éclat qui ont ébranlé la quiétude de la cité des Zianides.Pratiques odieusesLe témoignage qui manque, parfois, en matière de dates, de précisions, évoque l'atmosphère pesante sur Tlemcen, la structuration du FLN et la répression des CRS et de l'armée. Il rend hommage aux jeunes militants, héros dont la grande histoire n'aura pas retenu le nom. Beaucoup tomberont à la fleur de l'âge au champ d'honneur ou seront emprisonnés dans des centres ou les règles de droit sont piétinées. Lors de sa garde à vue de 75 jours dans le sinistre camp de Gourmala au c?ur de Tlemcen, l'homme a assisté au départ, depuis ce centre de tri, de jeunes prisonniers abattus lors des fameuses corvées de bois. Il s'attarde sur les conditions de détention et les pressions autant physiques que psychologiques auxquelles sont soumis les prisonniers. Il nous offre surtout un voyage au pays de l'illégalité qui fut un des aspects les plus repoussants de la France coloniale. Le contraste est saisissant entre les proclamations d'une République déshonorée par ses tortionnaires et la réalité faite de brimades et de pratiques odieuses que parfois il s'abstient de décrire. Il parle aussi de ces familles « bourgeoises » qui cherchèrent à mettre à l'abri leur progéniture au Maroc voisin ou de ces « malins » qui laissèrent les autres mourir pour occuper plus tard des postes dans les rouages de l'Etat. Se réclamant de l'esprit de la Soummam, l'ancien cadre de la santé, puis notaire, n'est pas tendre avec l'armée des frontières et les intégristes. Les dernières pages où il relate les événements qui ont suivi la proclamation du cessez-le-feu sont un chapelet de récriminations sur ce que sont devenus les idéaux et « ces héros oubliés et déclassés ». Une autre partie débute en 1957. L'auteur est contraint de monter au maquis après le contrôle dans un barrage d'un camion transportant des armes. Il était à bord en compagnie d'un autre jeune militant qui fut arrêté mais dans la confusion créée par l'explosion d'une grenade qu'il jeta, il put s'échapper. Ce furent des années terribles avec les accrochages, les bombardements, les attaques comme celle du fort des Abdellys près d'Ouled Mimoun. C'est une sorte de journal de guerre à l'image de celui que tint Abdelhamid Benzine qui fut un combattant dans cette région de la wilaya 5 . Il relate des moments, des scènes poignantes au milieu des combattants qui rêvaient d'indépendance et des campagnards démunis. Arrêté dans un abri encerclé par l'armée française près de Sabra, il sera soumis à d'affreuses tortures ( gégène, baignoire, pressions psychologiques ». Il sera témoin de scènes atroces comme celle racontée à la page 82. « Un homme assiste à la mort d'un homme attaché à un arbre déchiquété devant sa femme et ses trois enfants par une explosion à la dynamite ». Il a vu de ses propres yeux un homme auquel un chien arrache ses organes génitaux et un autre brûlé au point de voir paraître ses viscères. Il découvrira aussi l'horreur dans les multiples prisons où il restera jusqu'en 1962 s'attardant sur la solidarité des détenus, le comportement des harkis dans ce territoire de bestioles et de rats. Il fut condamné à deux reprises à vingt ans de travaux forcés par le tribunal militaire d'Oran. Les photos qui accompagnent l'ouvrage, qui aurait dû être corrigé pour l'expurger des fautes et lourdeurs de style, sont de piètre qualité. Ecrit pour se délivrer d'un fardeau qui pèse sur sa mémoire, l'ouvrage est précieux pour rappeler que le prix qu'ont payé les Algériens pour la libération de leur pays fut immense. Malgré tout, les rescapés de cet enfer ont le devoir de témoigner .R. Hammoudi(*) « Liberté, j'écris ton sang », de Benachenhou Mohamed Seghir. Editions El Maarifa 174 pages.




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