La Tunisie renaît à la vie et a célébré hier, peut-être pour la première fois
depuis la fin du Protectorat français en 1956, sa véritable «indépendance»
politique. Et c'est aux cris de «Bon débarras Benali»
que des milliers de Tunisiens, rassemblés dans la très emblématique avenue
Bourguiba (Habib), ont fêté l'an I de la révolution de
Jasmin. Ils étaient en fait des milliers à se donner rendez-vous tout le long
de cette avenue commerçante du Vieux Tunis pour célébrer l'avènement d'une
nouvelle Tunisie, née d'une révolution populaire qui a fait tomber le régime de
Benali. «Bon débarras Ben Ali!», chantaient des
manifestants avant de reprendre en chÅ“ur le célèbre «Dégage» qui a marqué la
révolution tunisienne. «Travail, liberté et dignité», «Le travail est un droit»,
«Tunisiens, restez debout», «Nous allons continuer la bataille», étaient les
slogans les plus usités par les manifestants, parfois venus en famille, avec
des petits enfants enroulés dans le drapeau tunisien.
Des festivités officielles ont également marqué cet anniversaire de la
révolution tunisienne, avec la présence de chefs d'Etat et de représentants de
pays arabes, dont le président Abdelaziz Bouteflika, le
président mauritanien Mohamed Ould Abdelaziz, le chef
du CNT libyen Mustapha Abdeldjallil ou l'Emir de
Qatar. Devant ses hôtes et le peuple tunisien, le président Moncef
Marzouki, dans son discours, a affirmé que la Tunisie poursuivrait «sa
marche vers la liberté».
Lors de la cérémonie officielle, il a déclaré que «le 14 janvier est une
journée qui marque la fin d'une période sombre, d'un régime autoritaire et
corrompu (...), et la révolution tunisienne nous a ouvert les portes d'un
avenir rayonnant». Il a, en outre, assuré que «la Tunisie va poursuivre sa
marche vers la liberté», avant de relever que le peuple tunisien voulait «la construction
d'un nouveau régime, la démocratie, le respect de la loi et la fin des sit-in
anarchiques». Mais, à l'adresse des «impatients», il répond que «nous avançons
pas à pas», et a salué l'armée tunisienne en estimant qu'elle «a protégé le
peuple». De son côté, le président Abdelaziz Bouteflika
a rendu hommage au peuple tunisien «pour ce qu'il a réalisé afin d'ouvrir une
nouvelle page de son histoire». «Nous, les Algériens, nous sommes optimistes
après votre victoire», a-t-il encore dit dans son allocution au palais des
Congrès de Tunis. Quant à l'émir du Qatar, il a souligné que «les peuples de la
nation arabe aspirent à des jours meilleurs, et je suis sûr qu'ils vont
s'inspirer de la révolution tunisienne qui promeut la liberté et la dignité». «Il
faut que tout le monde comprenne qu'il s'agit de révolution, pas de coup
d'Etat», avant d'ajouter que «vos martyrs sont les nôtres». Il a annoncé la
volonté du Qatar de «participer au fonds de solidarité» pour les victimes de la
révolution tunisienne. Mustapha Abdeldjalil, le chef
du Conseil national de transition libyen (CNT), a pour sa part relevé que «la
réussite de la révolution tunisienne a été un facteur essentiel pour le succès
de la révolution en Libye», et a remercié la Tunisie pour avoir accueilli des dizaines de
milliers de Libyens durant les six mois de conflit qui ont abouti à la chute du
régime de Kadhafi en août dernier.
PAS DE FETE A SIDI BOUZID
A Sidi Bouzid, petit village de l'arrière-pays
tunisien d'où est parti la révolution de Jasmin avec l'immolation de Mohamed Bouazizi, ce n'était pas jour de fête hier samedi, encore
moins l'an I de la révolution. Les écoles avaient ouvert leurs portes
normalement, et l'activité économique y était celle de tous les jours. A Sidi Bouzid, on considère en effet que la révolution tunisienne
doit être célébrée le 17 décembre, jour de l'immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, le marchand ambulant qui s'était révolté contre
le système, l'injustice et la marginalisation. Et, à cette occasion, des
habitants de la ville et des représentants de partis politiques ont organisé à Sidi Bouzid une
marche pacifique pour réclamer la réhabilitation de la région. Les manifestants,
qui ont sillonné les principales artères de la ville, ont appelé à la révision
de la date de la célébration de la révolution tunisienne, soulignant que le 14
janvier, malgré son importance dans l'histoire du pays, ne représente que la
date de la fuite du président déchu. Des parties de la société civile locale
avaient publié plusieurs communiqués pour la reconnaissance officielle de la
date du déclenchement de la révolution, le 17 décembre.
UGTT: NON A L'INGERENCE ETRANGERE
Par ailleurs, devant le siège de la centrale syndicale tunisienne (UGTT),
plusieurs travailleurs et syndicalistes se sont rassemblés à l'appel du
syndicat pour célébrer le 1er jour de la révolution. Les syndicalistes
portaient des banderoles sur lesquelles étaient inscrits «le peuple tunisien
est libre, non à l'ingérence qatarie et américaine», «A quand une
reconnaissance des martyrs du bassin minier», «Plus jamais peur». Ils ont
également scandé des slogans contre «la normalisation avec l'entité sioniste»
et exigé un article dans la nouvelle constitution incriminant cette
normalisation, selon l'agence TAP. Le secrétaire général de l'UGTT, Houcine Abbassi,
a, dans une allocution, mis en garde contre toute ingérence étrangère dans les
affaires du pays, soulignant que «la
Tunisie qui a déclenché l'avènement du printemps arabe sait
mener à bien sa politique économique et sociale en toute indépendance». Quant
aux familles des victimes de la répression des forces de l'ordre lors des
manifestations anti-régime, elles ont observé un sit-in devant l'ambassade
saoudienne à Tunis pour revendiquer l'extradition du président tunisien déchu
afin qu'il soit jugé pour meurtre «des martyrs de la révolution de la dignité
et de la liberté». Hier samedi, la
Tunisie fêtait Sa Révolution, même si les lendemains sont
durs. Quant au président Merzouki, les choses
sérieuses commencent avec une tournée dans plusieurs pays de la région, à
commencer par l'Algérie mercredi prochain puis le Maroc et la Tunisie.
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Posté Le : 15/01/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Yazid Alilat
Source : www.lequotidien-oran.com