Le pr Nibouche revient sur la vie et l’œuvre du défunt «Une icône de la cardiologie algérienne»

Publié le 14.04.2024 dans le Quotidien l’Expression

Dans ce court entretien qu'il nous a accordé, le Pr en cardiologie, Djamel- Eddine Nibouche, met en évidence les qualités personnelles et professionnelles du défunt.
L'Expression:Professeur, vous qui avez bien connu le défunt professeur Toumi. Comment le décririez-vous?

Djamel-Eddine Nibouche: Le professeur Toumi a été mon maître. Il m'a enseigné la cardiologie. Il n'était pas mon chef de service, mais il était mon professeur. Moi et de nombreux étudiants à l'époque, avions beaucoup profité de ses compétences et de ses qualités professionnelles. Il avait beaucoup de qualités humaines. Mohamed Toumi était un meneur d'hommes. Il tenait à ses principes. Il était extrêmement intelligent et surtout très honnête. Il aimait la rigueur. Son combat tenait dans sa détermination à faire en sorte à ce que l'Algérien puisse avoir un accès facile au savoir. En tant que cadre de la nation, le professeur Toumi était très à cheval sur la compétence de ses collaborateurs. Il avait une exigence d'intégrité morale qu'il imposait à son entourage professionnel. Il faisait en sorte à ce que le médecin algérien remplisse toutes les conditions de l'exercice du métier selon les normes internationalement admises. Il a été un fervent militant en faveur d'une médecine algérienne forte et efficace.

Quel fut son apport dans l'édification du Système national de santé?

L'histoire de la médecine algérienne est fabuleuse. Le professeur Toumi y a fortement contribué avec un groupe de collègues qui ont jeté les fondements d'un Système national de santé. Ce groupe dont faisait partie le Pr Toumi a pris à bras le corps l'immense chantier de la faculté de médecine d'Alger post-indépendance, avec de véritables pionniers à l'image des Professeurs Toumi, Mentouri, Okbui, Iloul, Ait Ouyahia, Slimane Taleb, Feghoul, Mostéfai... Cette poignée de professeurs a eu la résolution, à l'époque titanesque de faire émerger la première faculté de médecine de l'Algérie indépendante. Ils ont pris leurs responsabilités et ont réussi à mettre sur pied une faculté qui a formé des milliers et des milliers de médecins et de professeurs qui exercent aujourd'hui dans l'ensemble des établissements hospitaliers nationaux et dont la compétence est reconnue à l'étranger. Le professeur Toumi que nous avons enterré aujourd'hui (hier, ndlr), représente l'une des icônes de notre système de santé.

Il fut un cardiologue respecté et admiré pour sa compétence. En tant qu'enseignant de cette spécialité que retenez-vous?

Le Pr Toumi nous a enseigné la cardiologie de l'époque. Celle-ci reposait essentiellement sur l'examen clinique. En ces temps, il n'y avait pas les moyens de diagnostic dont nous disposons aujourd'hui. Aussi, son enseignement était d'autant plus essentiel et précieux. Il nous a appris la rigueur dans la formulation d'un diagnostic sur la base d'une observation clinique.
Le Pr Toumi a pris sa retraite à l'âge de 67 ans, comme l'exigeait la réglementation. Il a donc quitté le secteur public, mais est resté très attaché à l'exercice de son métier. Il a donc ouvert un cabinet de cardiologie au niveau du boulevard Zighoud Youcef, à Alger. Il faisait de la consultation, mais dans le même temps, il recevait beaucoup de collègues. C'est dire que l'homme ne s'est jamais éloigné de la sphère médicale nationale. Il suivait les progrès de la cardiologie dans le monde et s'intéressait de très près aux nouvelles techniques. Il était, malgré son statut de retraité, très à la page du monde de la cardiologie en Algérie et dans le monde. Il est d'ailleurs l'auteur d'un excellent ouvrage sur l'histoire de la cardiologie en Algérie. Une contribution majeure à cette spécialité médicale et un témoignage pour la postérité et au bénéfice des générations futures. On imagine l'intérêt et la grande proximité qui le lient à la médecine algérienne en générale et à la cardiologie en particulier.

Il était, dit-on, l'un des confidents des Présidents...

Le défunt était très respecté par les chefs d'État algériens, dont il était l'un des confidents. Les Présidents qui s'étaient succédé à la tête du pays, le recevaient régulièrement à titre privé et discutaient avec lui de choses relevant des affaires de l'État notamment. Ils prenaient son avis sur des questions d'intérêt national. L'homme était en effet connu pour son engagement à toute épreuve pour la nation, mais aussi sa sagesse et son honnêteté. Son parcours de militant du PPA-Mtld, son rôle dans la création de l'Ugema et sa décision de rejoindre l'ALN dans les maquis de l'intérieur font du Pr Toumi un homme exceptionnel qui impose respect et admiration pour son oeuvre et sa vie exemplaire.

Saïd BOUCETTA