Algérie

Le pouvoir.....soliloque d'un sexagénaire



 Le terme pouvoir signifie dans les propos qui vont suivre, la capacité d'une personne physique ou morale à exercer une autorité de par sa fonction ou son statut social. Cette fonction peut être publique ou libérale. Cette capacité serait-elle antinomique au respect de la personne humaine ? Au vu des comportements quotidiens des uns et des autres, on peut, sans risque de se tromper, l'affirmer. Le taximan libre qui passe son chemin en vous laissant sur le pavé, le facteur qui brûle le courrier faute de l'avoir distribué, le chef d'escale qui gratifie le copain d'un « O.K. » qui vous revenait de droit, ou l'appariteur qui vous toise de haut et qui vous annonce, non sans délectation, que son boss « est en réunion ! », sont devenus le vécu d'une communauté asservie par le déni abusif et le paradoxe.  Quand il vous arrive de questionner un factotum sur les probabilités de disponibilité du boss, vous regardant d'un oeil scrutateur de haut en bas, il vous rétorquera que « Dieu seul le sait », se détournant aussitôt pour continuer l'histoire qu'il racontait à son acolyte avant votre intrusion.  Au cas où vous connaissez quelqu'un dans la « boîte », vous passerez en priorité. Tout le monde vous sera avenant et plein de sollicitude. Vous vous dites, mais ils sont extraordinaires ces employés dont on dit beaucoup de mal. Mais alors, avant de quitter les lieux, essayez d'observer leur comportement avec les autres usagers. Là vous saisirez toute la problématique du pouvoir.  Le personnel du secteur privé national ne déroge pas beaucoup à la règle. Il a tété à la mamelle du service public. Cette appellation, impropre d'ailleurs, est souvent aux antipodes des services escomptés ou rendus.  De petits agents, assis derrière un guichet, peuvent le quitter longuement sans se soucier des personnes en attente d'un service. Au cas où vous interpellez l'un des leurs, « la meute » tentera de vous faire taire. Vous venez de commettre un lèse-majesté ! Pour qui vous prenez-vous ? Vous êtes le seul à réclamer, vous ne pouvez pas faire comme tout le monde et vous taire ? Lui, « il sait » ce qu'il fait, « il » n'est pas à votre seul service !  A défaut de police, les agents de sécurité peuvent se saisir de votre personne pour troubles à l'ordre établi !  Le chef de service peut parfois prendre votre parti, mais il n'est jamais sûr de son autorité. Le désaveu du patron est un risque à prendre. Si c'est le cas, la descente aux enfers commencera par la curée syndicale, pour comportement « autoritaire » ou même « tyrannique ». Il lui sera suggéré une mutation, quand son cursus professionnel est irréprochable. Dans le cas contraire, c'est la mise à l'écart. Il lui sera reproché sa rigidité et son manque de tact. Il ne sait pas « gérer » les situations difficiles et tutti quanti ! Le compromis est érigé en règle de conduite. Essayez de dénoncer le comportement d'un médecin ou la négligence d'une infirmière, votre malade en compatira durablement. Le seul éventuel soutien silencieux que vous pourrez obtenir, sera celui de gens placés dans la même situation que vous. Ne soyez pas surpris d'entendre parfois, des voix de personnes humiliées comme vous, s'élever contre vous ! Pour s'attirer ses faveurs, elles tenteront de vous désavouer en présence du gourou.  Le déni de droit est plus néfaste à l'école. S'agissant de ce sanctuaire, la réclamation n'est pas admise, elle est même verbalisée par la mauvaise note. N'allez surtout pas rappeler à l'enseignant ou à l'enseignante quelques règles pédagogiques élémentaires. Il y a de cela quelques années déjà, un enfant était recalé à l'examen de 6ème parce que sa soeur aînée avait pris l'initiative de faire une remarque à la maîtresse de français.  Le chef d'établissement, qui se trouvait être le conjoint de la dite enseignante, rassurait les parents en affirmant que l'épreuve de français n'entrait pas en ligne de compte à l'examen. Mal en prenait à l'élève, il échouait à son examen en dépit de la moyenne requise. Sa « petite » note de français l'avait inexorablement laminé. On recommandait le doublement de l'élève en affirmant sans vergogne que « cela valait mieux pour lui ».  Allez remettre en cause la décision d'un examinateur de permis de conduire, il vous réduira jusqu'à la soumission, sinon l'abandon.  L'abus de pouvoir ou d'autorité n'est pas l'exclusive du seul dirigeant politique ou administratif, il se conjugue à tous les pronoms personnels. Dans une lettre ouverte adressée au ministre de la Justice, une jeune avocate qui s'insurgeait contre la parcimonie du barreau en matière d'inscription, a été désapprouvée par certains de ses pairs. On « omettait » même de l'informer de la date de dépôt de candidature. Sa démarche était jugée inopportune et pourrait lui être préjudiciable, lors du prochain concours, dixit : les chantres de la défense des droits publics.  Quand vous êtes victime d'un préjudice moral, il n'est pratiquement jamais réparé. On vous suggérera d'être patient en ajoutant doctement : « koul outla fiha kheir ! ». Et pour avoir bonne conscience, on vous racontera l'incident vécu par soi-même, pour lâcher la fatidique sentence : « C'est partout pareil, c'est le Système ! ».  On dit souvent que la violence est générée par la rue, il n'y a rien de moins vrai. Elle s'exprime dans la rue pour des raisons déclamatoires à visée spectaculaire.  Elle est conçue et couvée par le déni d'équité, le passe-droit, le népotisme, le clanisme, le corporatisme, le tribalisme, enveloppés tous par l'opacité, l'immoralité, l'impunité, le pouvoir discrétionnaire et le fait du prince. Nous sommes « juge et partie », « victime et assassin », tout à la fois. Le Docteur Jekyll et Mister Hyde, sommeillerait-il en chacun de nous ?  La hogra est dénoncée quand elle est exercée sur l'homme, elle l'est moins ou pas du tout quand il s'agit de la femme ou de l'enfant. On utilisera dans ce cas-là le doux euphémisme de fermeté ou de « rodjla ». Quand on moleste publiquement une femme ou un enfant, les bonnes âmes se détourneront en guise de réprobation... ça ne va pas plus loin.  De doctes analystes politiques dénoncent la violence politique ou administrative en s'érigeant en défenseurs des droits de l'homme. Ils éludent la violence hiérarchique ou économique qu'ils font subir à leur jardinier et à leur femme de ménage. Ces gens de maison, sous-payés, ne sont souvent pas déclarés, encore moins assurés contre les risques professionnels. Il est apparu ces derniers temps une nouvelle gent taillable et corvéable à merci; il s'agit dans ce propos des transfuges subsahariens. Le statut précaire de migrants illégaux ne leur autorisant aucune réclamation, ils seront les otages de demeures cossues rappelant étrangement celles de « Autant en emporte le vent ».  Ils sont renvoyés sans préavis et sans aucune compensation matérielle. Ils n'auront que leurs yeux pour pleurer. Pensera-t-on un seul instant que des bouches n'auront plus de quoi se nourrir à partir de ce moment ?  J'aurais aimé connaître le drame de cette jeune femme, modestement habillée, qui passait devant ce luxueux hôtel sur la place d'Oran. Elle portait une longue djellaba étriquée, un baluchon sur l'épaule droite et un bébé qui dormait la tête posée sur l'épaule gauche. Son regard lointain était mouillé par un flot de larmes. Elle se perdait à la vue, furtivement, derrière une rangée de palmiers, un certain 26 du mois écoulé.  Un Etat de droit commence d'abord par le respect de l'individu à l'individu. Il faut arrêter de gesticuler pour pouvoir se regarder dans le miroir du mea-culpa, à l'effet de se départir de cette insouciance que d'aucuns opposent à la détresse humaine. Un enfant faisant la manche et pieds nus de surcroît, doit hanter les nuits de chacun d'entre nous. Il est l'expression même de notre échec social et pourquoi pas de notre déchéance humaine.  « Dieu ne changera rien aux moeurs d'une nation, si celle-ci ne change pas de son for intérieur ». Telle est la traduction approximative et personnelle d'un hadith du Prophète (QSSSL).


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