Algérie

Le pouvoir : force publique ou... force répressive



De prime abord, une question suscite l'esprit : le pouvoir exerce-t-il de la violence ou tente-t-il d'arracher les hommes à leur brutalité ? Autrement dit, le pouvoir fonctionne-t-il selon un « Etat » de nature, donc avec une violence instinctive ou selon un esprit de culture, donc de « Droit » ? La violence, selon Romain Rolland, est la loi de la brute. Un pouvoir qui use et abuse de sa violence, sous prétexte de veiller sur le maintien de l'ordre (disperser les manifestants par exemple à coups de matraques ou à balles réelles), n'est ni plus ni moins qu'une force de répression. Dans ce cas, c'est faire violence à la loi, dans le sens de lui attribuer une force répressive légale. Selon Julien Freund : « Dès que la force est contestée, naît la violence » (1). Dans un régime dictatorial, le pouvoir exerce fermement sa répression contre son propre peuple. L'individu n'a absolument pas le droit de penser en dehors de la pensée unique qui est celle du Maître incontesté et, surtout, incontestable du pays. Ce dernier refuse mordicus le jeu des forces de résistance. Ce qui empêche toute la société de s'épanouir pour devenir une proie promise à un appauvrissement et un sous-développement endémiques. C'est une société victime de la terreur de son pouvoir. Ce qui est contraire à l'ordre naturel des choses. Un pareil pouvoir fonctionne avec des réflexes désuets d'une ère révolue alors que le monde moderne ne cesse d'évoluer sur tous les plans : politique, économique, culturel et surtout scientifique. Les deux Corée sont un exemple illustre. La Corée du Sud est devenue un véritable dragon économique, tandis qu'en Corée du Nord, les habitants souffrent de la malnutrition, autant dire de la dénutrition. Dans les pays démocratiques, l'ordre social repose sur l'équilibre des forces contraires qui se neutralisent sans se heurter. D'où les partis d'opposition, entreprenants et actifs, participent résolument à la vie politique de leurs pays. Le Président de la République, élu au suffrage universel - à un taux raisonnable et non à 99%, ni à moins de 20%, non plus - est le Chef incontesté mais non incontestable. Nos régimes, a contrario, sont arbitraires parce que fondés plus sur la force que sur le débat, qui est d'ailleurs exclu du programme politique. Les fraudes électorales sont devenues un secret de Polichinelle tellement flagrantes et récurrentes. Celles-ci sont, aussi, une forme passive de violence exercée par le pouvoir à l'encontre des électeurs, sans parler, bien sûr, des accointances, de l'opacité des lois et de leur non-application, de la vénalité des autorités, des Algé-Rois d'en haut et des Algé-Riens d'en bas. Pourtant, l'homme est contraint de vivre en société dans un état de culture mais aussi dans un Etat qui accorde toute l'importance à la Culture (avec C majuscule) en ce qu'elle est utile à tout, même à la religion. Une foi pensante, et donc rationnelle, est meilleure qu'une foi fidéiste. On dit bien que « Religion sans foi pensante n'est que superstition ». Le Saint Coran évoque souvent l'intervention de la raison. Une société qui a une culture mécanique risque de vivre à l'état de nature sans aucune prise sur la réalité présente. Ce qui peut conduire à la violence, soit par le pouvoir, soit les citoyens entre eux (terrorisme) pour faire pression, justement, sur le pouvoir. C'est le chamboulement de l'ordre sociopolitique. L'intelligence divine a créé le Cosmos et, par voie de conséquence, notre monde dans un état bien ordonné. Chaque chose a sa place et un rôle bien déterminé : «Dieu, Tu n'as rien créé d'inutile. Gloire à Toi. Evite-nous la géhenne » (2). La violence commence là où les lois naturelles, sociales, pénales... s'arrêtent de fonctionner, c'est-à-dire d'être respectées et donc d'être exécutées. L'immunité politique et parlementaire dispense les hommes qui en bénéficient, de respecter les lois de la République qu'ils sont censés défendre et protéger. L'excès de la hogra, de l'injustice sociale, le refus des Droits de l'Homme et du Citoyen, la répartition inégale des richesses du pays : les hommes politiques qui perçoivent des salaires faramineux qui dépassent tout entendement (plus de 200.000 DA/mois sans compter les indemnités), parce qu'ils ont le pouvoir de décider combien doivent-ils être payés, sont d'autres facteurs porteurs des gènes du désordre social qui débouche en droite ligne sur la violence sous toutes ses formes. Que fait un député ou un ministre à l'Algérie que ne fait pas le Professeur d'université qui a, pourtant, la lourde responsabilité de former l'élite intellectuelle au pays (et peut-être même certains hommes politiques qui ont l'occasion de faire des études supérieures) ? La décennie « 90 » est un exemple vivant qui, j'espère, ne se répétera pas. Le monde de la violence est un monde en rupture avec l'Ordre du Monde. Par « Ordre », nous entendons « un rapport réglé de forces en présence dans une société » (3). Or pour maintenir l'ordre, le pouvoir exerce la violence contre ses citoyens au lieu de favoriser la négociation. L'exemple du 05 octobre 1988 est encore présent dans notre mémoire collective où des jeunes ont péri sous des balles réelles pour avoir refusé l'ordre établi qu'ils estimaient répressif parce que injuste. La mort de ces jeunes a provoqué une déchirure dans le tissu social fragile. Cependant, la violence n'est pas toujours un principe du chaos et/ou désordre. Elle peut servir de moteur d'un devenir. Héraclite d'Ephèse (4) rappelle que chaque réalité n'existe que par son contraire : jour et nuit, été et hiver, guerre et paix, abondance et disette... Il est le premier à avoir établi « une philosophie de la violence fertile ». Celle-ci peut engendrer un devenir, c'est-à-dire un avenir plus prometteur. Ex: après la Seconde Guerre mondiale, la CEE a rendu la guerre entre pays membres, non seulement impossible mais impensable. Aujourd'hui, elle constitue une puissance économique avec une monnaie unique : l'euro. La violence est-elle inhérente à la nature humaine ? Pour A. Comte et Saint-Simon, les sociétés développées - et donc organisées - considèrent que le développement économique et scientifique peut être une guerre déclarée contre toutes les autres guerres destructrices. Il n'en est rien. La plupart des guerres ont pour mobile, justement, l'économie. L'exemple de l'Irak se passe de tout commentaire. D'où le dicton : « L'argent est le nerf de la guerre ». Mais ne peut-il pas être le nerf d'une paix universelle ? Selon Erich Fromm, on retrouve aussi la violence chez les animaux. Il divise cette agressivité en trois types : Agressivité prédatrice qui permet à l'animal de chasser sa proie pour se nourrir. C'est l'instinct de survie. •Agressivité interspécifique qui n'a pas pour but d'exterminer d'autres espèces ou de les torturer. C'est une attitude de menace qui consiste à faire peur à l'adversaire pour se défendre, protéger ses petits et/ou son territoire. Les animaux ne connaissent pas de guerres destructrices à l'instar de l'homme. •Agressivité intraspécifique entre animaux de même espèce pour disputer la place au chef de groupe, par exemple. La violence n'est pas toujours un comportement belliqueux. Elle peut s'exercer pacifiquement. Ce qui ne lui enlève en rien son caractère coercitif. Le fait « d'imposer » aux électeurs des candidats en tête de listes électorales, lors des dernières législatives, sans que ceux-ci ne jouissent ni de la confiance, ni de la popularité des électeurs est, en soi, une forme de violence exercée par le pouvoir. Confirmer une APN élue à peine à 20% est considérée par le citoyen comme une insulte. Celle-ci est une autre forme de violence psychologique. Tout le monde sait qu'une pareille APN n'est que l'ombre d'elle-même sans aucun impact, ni représentativité sociale. Ses membres sont plus désignés par accointances qu'élus selon leurs compétences. Ils ne représentent qu'eux-mêmes et leurs salaires mensuels d'environ 130.000 DA. Comme toute société évoluée, il appartient à notre peuple aussi de se montrer à la hauteur de ses ambitions. Pour ce faire, il faut qu'il parvienne à se débarrasse de la mentalité de « ghachi » pour se constituer en société organisée à l'instar des autres pays développés. Dans ce cas, les ambitions ne doivent pas être bassement égoïstes ni strictement personnelles mais plutôt nationales et ce, pour le bien-être et le devenir de la postérité. Cependant, les pratiques politiques actuelles doivent changer aussi pour empêcher le chaos. Parce que avec ces pratiques sociopolitiques, le chaos mettra définitivement, et sans nul doute, l'ordre social K.-O. O bons gestionnaires, la nation vous sera reconnaissante. *Docteur ès lettres Université de Chlef


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