Algérie

Le Poker menteur


Deux mois sont déjà passés depuis qu'un mouvement de contestation inédit a gagné les rues d'Algérie. Cette révolte que nombre d'observateurs, dans certains médias et milieux politiques, ont cru voir rapidement basculer dans la violence, a surpris par son caractère pacifique. Tous les jeunes qui ont pour beaucoup, à peine l'âge de la dictature bouteflikienne, se sont retrouvés, la main dans la main, sous les feux de la rampe médiatique, plus que jamais déterminés d'en finir avec un système vieux de presque soixante ans. Une rare mobilisation que des décennies de militantisme et de luttes de larges franges de la société n'ont pu malheureusement cristalliser. Rien que pour cela, la rue a signé sa première victoire ! Deux enseignements peuvent, en effet, être tirés de ce «tsunami démocratique» qui a déplacé la peur dans le camp du pouvoir : le premier est qu'un peuple, quel que soit le degré de sa mise en quarantaine par les cercles décideurs, est capable de resurgir d'un jour à l'autre et de faire des miracles. Le deuxième est que les Algériens, ayant beaucoup appris de l'expérience traumatisante de la guerre civile des années 1990 et des ratages du «Printemps arabe», ont définitivement retiré «la violence» de leur dictionnaire d'usage. Signe de vigilance ou de maturité, peu importe les analyses et les approches, la rue algérienne a mûri au fil des années, malgré toutes les tentatives qui visent à la crétiniser et à la descendre au sous-sol de la pratique citoyenne.Cet éveil spontané de tout un peuple n'est pas, sans doute, sans susciter l'intérêt des sociologues et des spécialistes, dans la mesure où il y a dans le phénomène algérien comme un effet boomerang inattendu contre la classe dirigeante. S'attendant à une soumission totale de ceux qu'elle a longtemps opprimés, bâillonnés, méprisés, soudoyés par la rente, en alternant le bâton et la carotte, celle-ci s'est retrouvée, contre toute attente, face à des forces organisées qui luttent pour recouvrer «le plein pouvoir social» qu'on leur a «illégitimement» confisqué, pour reprendre un mot de la philosophie marxiste. L'irruption du peuple dans l'espace public a, de ce fait, rebattu les cartes du «Poker menteur» de ceux qui l'ont pris, jusque-là, pour une variable nulle dans l'équation de leurs jeux de domination, puisqu'il s'est transformé en un véritable «pouvoir de rééquilibrage» des pouvoirs, formels ou informels fussent-ils déjà existants, sans qui aucun compromis ne puisse désormais être conclu. Silencieuse mais efficace, la révolte des jeunes Algériens a cassé le tabou de la peur et de la hogra, d'une façon aussi rapide que spectaculaire, jusqu'au point qu'elle devient, aujourd'hui, une référence de lutte pour quantité de pays en voie de libération démocratique, et même pour d'autres, plus enracinés dans la démocratie.
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