Algérie

Le poison des cloisons




Les représentations de Wel moudja wellat (Et la vague revint) de Slimane Benaïssa, au cinéma Sierra-Maestra d’Alger – qui revit en tant que salle polyvalente –, ont eu un grand succès. Le talent de l’homme-théatre – comme on dit un homme-orchestre – qui a écrit, mis en scène et joué ce texte, a attiré la foule. Mais un fait particulier mérite d’être souligné dans cette aventure théâtrale : la présence parmi les spectateurs de plusieurs artistes, hommes de théâtre ou non, venus retrouver le verbe et la verve de l’auteur-acteur, longtemps absent des planches du pays.
Qu’y aurait-il de si étonnant à ce que des artistes aillent en voir un autre ' Eh bien, il y a que cette évidence – comme toutes les autres d’ailleurs – n’en est pas toujours une. Il y a qu’en observant la vie culturelle depuis au moins trois décennies, nous avons pu voir s’effilocher la force et la chaleur des liens qui unissaient les créateurs, au-delà des disciplines et des genres. On ne pouvait assister à une exposition de peinture sans y rencontrer des écrivains, des comédiens, des réalisateurs… Idem pour les pièces de théâtre, les avant-premières de films ou les concerts de musique. Les rapports entre artistes dépassaient les limites de chaque art ainsi que les affinités personnelles. Etait-ce un héritage de la troupe artistique du FLN, qui, pendant la guerre d’indépendance, avait forgé un modèle pluridisciplinaire, fondé, de plus, sur le partage d’une cause ' Etait-ce le fait d’un plus grand engagement des artistes et d’une moindre concurrence ' Ou encore, tout simplement, le fait qu’ils n’étaient pas nombreux et se connaissaient donc presque tous ' Laissons ces questions aux historiens de l’art…
Il est en tout cas avéré que ces échanges, à quelques exceptions près, ont beaucoup perdu, laissant même place à l’indifférence, sinon parfois à des comportements petits, indignes d’artistes ou d’auteurs, marqués par la médisance qui est, dans ce cas, plus qu’une indélicatesse morale mais un paradoxe. Mardi, à l’enterrement du peintre Louaïl, bien de ses pairs étaient absents et on n’y a vu pratiquement aucun représentant des autres disciplines artistiques. A ce déficit des relations entre disciplines, s’ajoute celui entre générations. On assiste de moins en moins à ces parrainages (non pas des relations maîtres-disciples) par lesquels un aîné peut encourager et aider un plus jeune. De même, à l’intérieur d’une discipline, voit-on généralement s’ignorer ou se rejeter ses tenants, la chose étant plus grave dans l’un ou l’autre art, les laissant incapables de s’entendre au moins sur les intérêts de leur corporation !
Tant de cloisons ! Assez fortes et dommageables pour devoir signaler ce qui s’est passé lors de la pièce de Benaïssa ou encore applaudir au bel éloge de Yasmina Khadra à Lounis Aït Menguellat (Liberté, 16 juin 2011). Artistes et écrivains, réputés chantres de l’amour, aimez-vous donc, vous n’en serez que plus aimés !


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