Algérie

Le point



Benzekri, un grand maghrébin disparaît S’il ne fallait rendre qu’un hommage, il serait pour lui: Driss Benzekri. Un militant de la première, de ceux qui forcent le destin autant qu’ils le font pour le respect. Le Maghreb perd, avec la disparition de cet homme hors pair, l’un de ses meilleurs fils. Né en 1960, sous le régime de Hassan II de sinistre mémoire, il est condamné à la fleur de l’âge à passer le meilleur de sa vie entre quatre murs. Il n’a que 17 ans lorsque les lourdes portes du bagne de Kénitra se referment sur lui. Il n’en sortira que 30 ans plus tard, passablement abîmé par la détention dans ce terrible cloaque et dira, même, qu’il n’en gardera pas d’amertume... En vérité, il y subira toutes sortes de saloperies: la torture ayant été élevée au rang de style de vie dans ce royaume voisin qui se remet à peine de cette période sombre. Benzekri a été de ceux qui n’ont rien négocié pour qu’enfin les droits de l’Homme ne soient plus qu’un vocable inutilement galvaudé dans les couloirs secrets de la Décision. Ce berbère d’origine, trempé dans l’acier de l’extrême pauvreté de sa contrée natale, consacrera toute son énergie, dès sa sortie de prison, à la défense des libertés et finira par se faire respecter dans les milieux les plus récalcitrants, les plus réfractaires à toute idée d’expression libre. Le jour où le tout nouveau souverain du Maroc décide de doter son pays d’une institution dédiée à «faire toute la lumière» sur les innombrables exactions dont furent victimes les intellectuels marocains, durant le règne sans partage de feu son père, son nom est immédiatement cité. Benzekri y fera un travail exemplaire qui nous révèlera, à nous Algériens, combien le pouvoir absolu de Hassan II fut infrahumain. Cette instance dite Equité et Réconciliation redonnera le sourire à des milliers de familles (16.000 au total) dont au moins un membre est mort sous la torture, déporté ou libéré avec l’impossibilité de renouer avec la vie active car diminué, trop vieux ou carrément mutilé! Durant des dizaines d’années, elles ont survécu en mendiant, en se prêtant à «faire l’inconcevable» pour avoir de quoi manger le soir venu. Jusqu’à l’heure actuelle, et malgré la fin de mission de cette instance prononcée en 2005, certains dossiers traités par Benzekri n’ont toujours pas abouti, tel celui de la question de la couverture médicale des victimes des «années de plomb». Tous les hommes et les femmes de ce Maghreb dont nous rêvons, se doivent de rendre un hommage appuyé à l’un des plus fougueux défenseurs des libertés, mort si jeune d’avoir subi l’impensable dans les geôles de l’absolutisme. Sa frêle silhouette restera dans nos mémoires. Son valeureux travail est jusqu’à ce jour inédit dans le monde arabe.


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