Algérie

"LE POIDS DES TABOUS..."



Résumé : Lynda visite la villa de son oncle. La chambre qu'ils lui ont préparée est à son goût. Fella l'emmène à la cuisine et prépare des crêpes, la jeune fille en mange deux et se salit. Ses cousins entrent et la surprennent. Elle se trouve ridicule, mais elle n'est pas près de leur pardonner.-Je refuse à ce qu'il y ait une tension entre vous, dit Fella. Vous êtes une seule et même famille, est-ce clair '
-Aucun problème, répondent-ils en même temps.
-Vraiment, ma tante, il ne faut pas te faire de soucis. Tout se passera bien, poursuit la jeune fille qui ne veut pas l'inquiéter.
Elle ne tient pas aussi à ce que la relation se dégrade plus. Elle retrouve dans le comportement de ses cousins des traits de caractère que possèdent ses frères. Azzedine et Amine sont rarement venus au bled. Et pourtant, ils se ressemblent. Elle n'en revient pas.
Par chance, ses cousins travaillent et ils n'ont pas à se voir toute la journée. Ils se voient au dîner, et Lynda s'efforce de ne pas gaffer devant eux. Elle n'ouvre même pas la bouche. Elle ne répond que par oui ou par non.
-Tu n'as pas d'avis à donner ', lui demande son oncle, un peu surpris par son silence et sa façon de se tenir à l'écart.
-Non.
-Et qu'as-tu fait de ta journée ', veut-il savoir.
-Je me suis inscrite... J'ai encore des papiers administratifs à remettre, répond-elle tout en remarquant l'oreille tendue de son cousin Azzedine. Comme tant de bachelières, il me reste beaucoup de choses à apprendre. Il y a une fille du quartier avec laquelle j'ai l'intention d'être amie... Elle s'appelle Djamila H. Elle est en deuxième année, elle étudie l'allemand.
-Et toi, l'anglais, se rappelle son oncle. Tu as l'intention d'être interprète '
-Oui... Mais qui sait, peut-être que je me lancerais dans le journalisme, dit-elle. Beaucoup plus pour meubler la conversation que pour provoquer ses cousins qui se tournent d'un coup vers elle.
-Journaliste, reprend Azzedine, on n'a pas besoin d'une fille qui court après les informations durant toute la journée à travers Alger ou ailleurs. Ce n'est pas une profession pour une fille de bonne famille, poursuit-il, sans se douter qu'il allait la pousser à s'inscrire en journalisme. Tu devrais faire une licence en anglais et l'enseigner au bled ! Les profs d'anglais doivent manquer au bled !
-Je veux bien te croire, répond-elle, toute souriante. Mais des journalistes aussi ! Je pourrais toujours être correspondante ! Je parlerais dans mes articles de l'évolution des mentalités en zone rurale et en zone urbaine... Des soi-disant intellectuels qui...
Fella intervient, sentant que l'échange est devenu personnel.
Depuis l'arrivée de la jeune fille, ses fils ont changé. Eux, d'ordinaire si ouverts et si tolérants l'ont surprise, et maintes fois inquiétée. Ils critiquent souvent Lynda. S'il est en leur pouvoir de la renvoyer chez elle, ils n'hésiteront pas à le faire. Elle le sait, ils le lui ont dit. Elle ne les comprend pas. Ce n'est pas dans leurs habitudes d'être désagréables et de critiquer à tout bout de champ leur cousine. Ils ne se sont pas connus avant, et pourtant ils se comportent comme s'ils ont des comptes à régler. Sinon pourquoi cette méchanceté gratuite '
-Ça suffit !, dit la mère, très peinée d'avoir à la défendre. Je ne veux plus qu'on parle à table ! Est-ce un problème d'être en bons termes avec tout le monde ', demande-t-elle.
-Aucun problème, la rassure Lynda.
-J'espère que c'est la dernière fois que j'aurais à vous le demander, insiste Fella en s'adressant à ses fils cette fois.
-On l'espère aussi !
Lynda ne tarde pas à table. Comme sa tante refuse qu'elle l'aide à laver la vaisselle, elle va dans sa chambre et prend un roman avant d'aller au salon. Elle attend un coup de fil et n'hésite pas à décrocher quand il sonne. Azzedine la rejoint vite au salon, lui aussi attend un appel. Lynda raccroche, ce n'est pas son amie. Encore une occasion de se quereller. Elle n'en a même pas conscience. Quand il lui barre le chemin, elle perd son calme. Elle s'est sentie agressée. Il n'a pas le droit de l'effrayer.

À SUIVRE
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