Algérie

Le poids des tabous



L'interruption thérapeutique de grossesse, lorsqu'il y a une forte probabilité d'un handicap sévère du bébé à venir et lorsque les affections dépistées par le diagnostic prénatal attestent, avec certitude, que l'embryon ou le f?tus est atteint d'une maladie ou d'une malformation grave ne permettant pas son développement viable, ne sera pas permise comme prévu dans le projet de loi sanitaire en attente d'être programmé pour débat.C'est ainsi que les députés de la commission de la santé et des affaires sociales à l'APN en ont décidé dans la mouture finale du projet de loi sur la santé qui sera présenté à l'APN.
Cette loi marque un recul sur les questions fondamentales, à savoir la santé de la femme et de l'enfant. Les amendements introduits par les députés de la ladite commission vident la loi de toute sa substance, réduisant encore les prérogatives du médecin traitant devant un cas d'urgence, notamment lorsqu'il s'agit d'une femme enceinte.
Sur les 4 articles : 80, 81, 82 et 83, les membres de la commission ont supprimé les deux premiers pour ne retenir que les articles 82 et 83 qui stipulent respectivement que l'interruption thérapeutique de grossesse ne peut être envisagée que «lorsque la vie ou la santé de la mère est mise en danger par une grossesse, le médecin traitant doit informer le couple et envisager, avec son consentement, les mesures médicales thérapeutiques qu'il juge nécessaires et lorsque l'équilibre physiologique ou psychologique et mental de la mère est gravement menacé, le ou les médecins spécialistes concernés, en accord avec le médecin traitant, doivent informer la mère et entreprendre, avec son consentement, toute mesure médicale thérapeutique dictée par les circonstances» et «l'interruption thérapeutique de grossesse ne peut s'effectuer que dans les établissements publics hospitaliers» (art. 83).
Et de préciser que les modalités d'application du présent article sont fixées par voie réglementaire. «C'est une grave dérive pour ce qui est de la pratique médicale, notamment pour ce qui est de l'urgence. L'acte médical qui s'impose est désormais tributaire des textes réglementaires, alors que devant toute situation d'urgence médicale et chirurgicale, le médecin décide en toute indépendance des règles thérapeutiques adéquates, car la vie du patient est au-dessus de tout.
Devant une femme enceinte présentant des complications, dont le pronostic vital est engagé, le gynécologue ne peut pas agir et décider d'une interruption thérapeutique de grossesse.
En clair, la femme enceinte qui se retrouve en situation d'urgence médicale ne bénéficie pas des mêmes droits de soins qu'un patient admis pour une autre urgence, exemple AVC, IDM, etc. C'est une atteinte au droit à la vie. L'épée de Damoclès pèse sur le gynécologue. Plus grave encore, l'interruption thérapeutique de grossesse ne peut être effectuée que dans un hôpital public.
Ce qui pénalise encore une fois la femme algérienne. Connaissant la situation des maternités dans les établissements publics, aggravée par l'absence de médecins spécialistes, notamment dans les Hauts Plateaux et le sud du pays, il est sûr que plusieurs d'entre elles n'arriveront pas en vie à bon port, malgré les évacuations qui sont souvent faites sur de longs trajets.
Dans certains cas de complication chez la femme enceinte, le temps est très précieux si l'on veut sauver la vie de la mère et celle du bébé. Le cas de la paturiente de Djelfa décédée avec son bébé est un exemple édifiant», note Nadia Chouitem, députée du Parti des travailleurs et membre de la commission santé.
Elle regrette que les membres de la commission aient négligé tous ces aspects de la vie quotidienne des parturientes et de surcroît les difficultés que rencontrent les couples algériens, dont l'enfant est handicapé mental ou autre. «Nous connaissons tous les difficultés que rencontrent les parents à placer leurs enfants handicapés dans des structures spécialisées et leur assurer une prise en charge médico- sociale.
Si le ministère de la Santé et le gouvernement ont proposé ces articles, c'est parce qu'en réalité l'Etat n'offre pas à ces enfants qui deviendront adultes toutes les commodités nécessaires pour leur prise en charge et leur insertion», a-t-elle relevé.
L'intervention du ministre de la Santé auprès des députés, qui semblent loin de toutes ces réalités sanitaires et sociales, est fortement souhaitée.
Pour le Dr Mohamed Bekkat-Berkani, président du conseil de l'Ordre des médecins, le texte proposé par le gouvernement est une avancée notable concernant ce point précis. Il dénonce l'esprit rétrograde des membres de la commission qui semblent ignorer le développement de la médecine et que la décision revient au médecin.
«Maintenant que les députés de la commission santé décident de maintenir les articles contenus dans la loi sur la santé de 1985, n'autorisant l'interruption thérapeutique de grossesse que lorsque la mère est en danger et ôter le droit au médecin d'en décider, est une régression importante.
La médecine est aujourd'hui devenue très technique avec les moyens d'investigation performants, l'échographie et d'autres examens radiologiques ou biologiques peuvent diagnostiquer tous les types de malformation que peut avoir un embryon.
Ce qui permet d'agir le plus tôt possible dans les délais requis, soit avant la fin du premier trimestre de la grossesse. La décision doit revenir au médecin qui a la latitude s'il y a lieu de faire une interruption thérapeutique de grossesse ou pas», a-t-il souligné.
Et de rappeler que dans plusieurs pays musulmans, des fatwas ont été faites sur cette question dans l'intérêt de la famille et de la société.


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