Algérie

Le poids des réseaux informels



Le rapport de conjoncture de la Banque d'Algérie pour l'année 2010 note que les transferts courants se sont stabilisés à  2,63 milliards de dollars. Le rapatriement des pensions et retraites représente la plus grande part des transferts. Eté rime avec vacances. C'est aussi et surtout la saison des grands retours et du plus gros flux d'Algériens résidents à  l'étranger désirant passer quelques jours au pays. Une occasion rêvée pour l'autorité ministérielle en charge de la Communauté algérienne résidant à  l'étranger de faire son show dans les ports et aéroports. Elle s'attelle ainsi à  feindre une certaine préoccupation par rapport aux conditions d'accueil de nos compatriotes expatriés. Et comme chaque année, la même question revient au-devant de la scène, sonnant comme un leitmotiv : quelle est la contribution de cette communauté au développement économique du pays et par quels moyens pourrait-on rentabiliser leur apport sur le plan financier ' Toutes les études le confirment : les flux financiers formels issus des transferts des migrants restent en deçà de la moyenne pour la région du Maghreb. Selon les chiffres avancés récemment par la Banque mondiale et la Banque africaine de développement, les transferts vers le pays ont atteint 2,031 milliards de dollars en 2010. Une contribution qui ne représente que 1,5% du PIB contre 9% pour les Marocains résidents à  l'étranger au Maroc. Se voulant pointilleux sur les chiffres, le rapport de conjoncture de la Banque d'Algérie pour 2010 note que les transferts courants se sont stabilisés à  2,63 milliards de dollars. Le rapatriement des pensions et retraites représente la plus grande part des transferts. Or, toutes nos tentatives pour inciter les structures de la Banque centrale à  nous en apprendre plus sur les montants nets transférés par les Algériens résidant à  l'étranger ont été vaines. L'amalgame reste donc entier autour des transferts comptabilisés de telle sorte à  inclure épargne des travailleurs, compensations et pensions de retraite, ainsi que les rémunérations et traitements des travailleurs des institutions internationales en Algérie. Les chiffres de la Banque d'Algérie ne donnent pas non plus d'indication sur la part des ces transferts destinés à  l'investissement en Algérie. Reste aussi que la principale institution financière du pays ne peut prendre en compte les flux financiers informels, lesquels constituent l'essentiel des transferts des migrants. Le réseau Anima a indiqué récemment que 84% du total des flux provenant de France vont vers l'Algérie. Le mouvement de capitaux sur cet axe constitue un des flux majeurs de la zone euroméditerranéenne, mais «il est certainement l'un des plus difficiles à  cerner», selon Anima. Et pour cause, «plus que partout ailleurs dans la zone, le secteur informel domine». La principale raison invoquée par la plateforme pour expliquer cette tendance est la faiblesse de l'offre formelle. Si l'on a, un temps, évoqué la possibilité de permettre aux banques algériennes d'ouvrir des filiales à  l'étranger, notamment en France, pour canaliser tous les flux informels, rien n'a été fait à  ce jour.  A ce sujet, les banquiers renvoient la balle à  la Banque d'Algérie, seule responsable de la réglementation des flux extérieurs et du régime des changes. 700 milliards de dinars hors circuit bancaire La banque française Société Générale a mis en place depuis quelques années un service au bénéfice des Algériens expatriés, leur conférant même le statut d'«Algériens du monde (ADM)». Ainsi, Société Générale permet aux Algériens résidant en France ou ailleurs d'ouvrir un compte au niveau de la filiale Algérie. Un «service tout à  fait opérationnel», selon les termes de Gérald Lacaze, directeur général de Société Générale Algérie (SGA). Celui-ci a d'ailleurs précisé que la clientèle ADM en France peut aujourd'hui ouvrir «des comptes de non-résident en Algérie sur lesquels ils peuvent transférer tout à  fait légalement des avoirs pour des raisons familiales, projets immobiliers, épargne retraite, etc., disponibles à  tout moment soit directement, soit par procuration». Ce mode de transfert présente de nombreux avantages, selon M. Lacaze. Au niveau des coûts d'abord, puisque le service est payant à  hauteur de 10 euros pour un e-transfert. Comparativement, les tarifs des agences de transfert comme Western Union et Moneygram peuvent atteindre 25% par transfert avec un plafond de 3900 euros. Il y a aussi les délais : selon le patron de la SGA, un e-transfert prend 48 heures d'agence SG France à  SG Algérie contre une semaine, voire plus, pour un transfert sur une agence non SGA. Néanmoins, l'existence de l'offre Société Générale ne semble pour autant inciter nos compatriotes à  s'adresser aux canaux bancaires. Dans la majorité des cas, un deal est passé entre l'émigré et ses proches et amis résidents en Algérie. Beaucoup d'Algériens de France s'engagent à  faire office de remisiers pour leurs proches en visite en France, à  condition que ces derniers leur assurent une contrepartie en dinars et ce, au taux de change parallèle. La raison est que le marché du taux de change parallèle est très actif et soutenu par la réticence des Algériens à  utiliser d'autres moyens de paiement que le cash. Selon les chiffres de la Banque de l'agriculture et du développement rural (BADR) d'Algérie, repris par le réseau Anima, la masse monétaire qui circule hors des circuits bancaires est évaluée à  700 milliards de dinars. D'avis d'expert, la politique de gestion des réserves de change par la Banque d'Algérie est dépassée. Selon l'économiste auprès de la Banque mondiale M'hamed Hamidouche, cette politique était cohérente avec la situation qui prévalait durant les années 1990, marquée par la signature des accords sur le plan d'ajustement structurel avec le FMI. Une période caractérisée par une situation de cessation de paiement, laquelle n'a rien à  voir avec la conjoncture financière actuelle reflétée par des réserves de change dépassant les 160 milliards de dollars. Selon lui, c'est dans cet esprit de fermeture des flux sortants qu'on a attribué à  la Banque d'Algérie le monopole du marché des changes.  Ainsi, au lieu de créer un marché des changes libre mais géré dans un cadre formel et transparent, on a revigoré le marché parallèle. Celui-ci se trouve donc alimenté non seulement par les migrants, mais aussi par les expatriés installés en Algérie vu qu'il offre des avantages sur le plan de la «cotation».  


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