Une poésie taraudée Il est de notoriété publique que les poètes sont des écorchés et réagissent ou tissent leur colère en vers. Ahmed Radja fait partie de cette tribu d'élus du verbe, en ce sens où son premier opus, Le poids des jours, reflète toute la profondeur et l'épaisseur de son verbe. Ainsi, quand on lui parIe des "hommes", le poète répond : "Ne me parle pas des hommes/Je ne vois que leur désir pointu/qu'ils brandissent en tremblotant/(...)". Et l'amour alors ? D'un ton de dépit et d'amertume, il rétorque : "Ne me parle pas d'amour/Ce n'est qu'un mot vide de sens/Avec ses jamais et ses toujours/Avec ses attentes et ses absences/(...)".
Ahmed Radja aura soldé, à travers son recueil, leurs comptes aux hypocrites et faux-semblants de tout acabit. Le lecteur remarquera sans doute que Le poids des jours est un ensemble de textes traversés de part et d'autre par un torrent de douleurs, d'expressions de révolte. Torturé par les impossibles auxquels il assiste chaque jour, impuissant, Ahmed Radja transforme sa douleur en poèmes. Tantôt gais et tantôt tristes et affligeants. Lire ce recueil de poésie, c'est faire un voyage dans des confluents éclectiques. En effet, dans cette plaquette ramassée de 80 pages, l'auteur nous prend la main pour nous faire entendre ces voix qui l'habitent. Le souffle qui l'irrigue dénote de ce don rare de faire dire aux mots l'indicible. Ici, chaque poème est une haIte, un souvenir, ou carrément une plaie ouverte.
Dans Vérités, le poète nous rappelle nos avilissements et nos silences coupables : "Je vois le mensonge/Accepté par sécurité/je vois la vérité refoulée par nécessité/d'avoir son pan quotidien/Arrosée d'injustices/et trempé dans la soumission." Il en est ainsi également du poème Les valets de la bêtise, où il crie sa colère contre ces sous-fifres dont le zèle et bigoterie n'ont d'égale que la suffisance de leur maître : "Vous aboyez comme des chiens/au plaisir de vos seigneurs/qui vous payent de petits riens/qui font tout votre bonheur." D'une sensibilité exacerbée et sans doute touché au plus profond de son être par cette terrible décennie noire qui a retourné et meurtri la terre d'Algérie plusieurs fois, Ahmed Radja ne pouvait la passer sous silence et taire sa douleur : "Ça saigne et ça dégouline/ça tue et ça élimine/Dans nos cités…"
Sachant que le poète est presque le centre de la société, le cœur battant, sensible au moindre soubresaut, y a-t-il mieux que lui pour dire nos souffrances mais aussi nous jeter à la figure nos travers et nos péchés ? Dans une préface intéressante, Amar Naït Messaoud écrit sur la poésie d'Ahmed Radja : "Nous recevons la poésie de Poids des jours comme une halte nécessaire et fructueuse d'un esprit taraudé par les questions du sens et de l'existence ; une curiosité intellectuelle doublée d'une sensibilité à fleur de peau."
Signalons, enfin, que l'auteur du recueil Le poids des jours est né à l'aube de l'indépendance, à Boghni, et exerce actuellement comme ingénieur agronome à Aïn Oussara.
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Posté Le : 12/01/2004
Posté par : nassima-v
Ecrit par : Hamid Arab
Source : www.dzlit.free.fr