Algérie

Le poète de l'image n'est plus



Le cinéaste Brahim Tsaki est décédé jeudi à l'âge de 76 ans. Sa filmographie frugale mais dense a fait de lui l'un des réalisateurs les plus singuliers du cinéma algérien contemporain.Né à Sidi Bel-Abbès en 1946, Brahim Tsaki fait des études de cinéma à l'Ecole des arts dramatiques de Bordj El-Kiffan, puis à l'Institut des arts de diffusion en Belgique, où il obtient un diplôme en réalisation en 1972. Huit ans plus tard, sort son premier long-métrage Les enfants du vent, un poème cinématographique en trois tableaux, filmé en noir et blanc et sans dialogues, qui observe avec une infinie tendresse le monde de l'enfance.
Dans le premier chapitre intitulé «La boîte dans le désert, on voit un groupe d'enfants d'un village reculé qui créent des mécaniques à partir de ferrailles abandonnées et autres matériaux de fortune ; le deuxième «Djamel au pays des images» met en scène un vendeur de roses de sables se laissant porter par ses rêveries face à un poste de télévision ; tandis que le dernier chapitre intitulé «Les ?ufs cuits» où on suit le quotidien d'un jeune garçon qui vend des ?ufs dans les bars et découvre ainsi une facette méconnue de la vie adulte : l'ivresse et les ambiances éthérées des tripots.
En 1983, Brahim Tsaki signe un deuxième long-métrage : Histoire d'une rencontre qui obtiendra l'Etalon du Yennenga reçu des mains de Thomas Sankara au Festival de Ouagadougou (Fespaco). Le film raconte une rencontre émouvante entre deux jeunes sourds-muets près d'une raffinerie de pétrole : l'un est fils d'un paysan algérien, l'autre est fille d'un ingénieur américain. Entre eux, naîtra une relation d'amour et d'amitié qu'ils auront réussie à construire malgré leurs différences culturelles et sociales. Brahim Tsaki en fait par ailleurs une allégorie oxymorique des rapports nord-sud qui, eux, se trouvent dans l'impossibilité de dialoguer.
En 1990, sort le troisième long-métrage du réalisateur, intitulé Les enfants du néon. Tourné dans une banlieue française, le film raconte l'histoire de Djamel et de son ami Karim sourd-muet, qui vivent de reventes de matériaux de récupération. Un soir, Djamel vient en aide à une jeune fille agressée et s'éprend d'elle, ce qui contrarie au plus haut point Najet, amoureuse du jeune homme. Les enfants du néon nous plonge, à travers des histoires d'amour et de jalousie, dans le monde de l'émigration et le fléau du racisme en France.
Après une longue absence du grand écran, Brahim Tsaki revient en 2007 avec Ayrouwen (Il était une fois) ; à la fois conte et poème filmique tourné principalement dans le désert algérien. C'est une histoire d'amour triangulaire entre Amayas, un jeune homme de Djanet, Mina, une belle targuie dont on saura qu'elle est sa s?ur de lait et Claude une Française venue en vacances dans la région. Le réalisateur place cette passion contrariée sur fond d'un mystérieux mal qui ronge la région : la montagne maudite et l'eau empoisonnée qui finira par emporter Amayas.
Dès l'annonce de son décès jeudi, les hommages se multiplient pour ce grand cinéaste qui aura laissé une empreinte indélébile dans l'histoire du cinéma algérien. Le réalisateur Merzak Allouache exprime son «immense tristesse» et regrette la perte d'un «immense et rare cinéaste».
Le documentariste Hamid Benamra présente, quant à lui, ses condoléances «au cinéma algérien» et rappelle que Brahim Tsaki est le seul réalisateur algérien à avoir obtenu l'Etalon du Yennenga au Fespaco. Le caricaturiste Slim écrit : «L'Algérie perd un de ses plus grands cinéastes».
S. H.


Votre commentaire s'affichera sur cette page après validation par l'administrateur.
Ceci n'est en aucun cas un formulaire à l'adresse du sujet évoqué,
mais juste un espace d'opinion et d'échange d'idées dans le respect.
Nom & prénom
email : *
Ville *
Pays : *
Profession :
Message : *
(Les champs * sont obligatores)