«Ce que je n’ai vu» en phase de publication
La poésie n’est pas à présenter pour certains poètes et encore pour d’autres à lire; elle est plutôt faite pour être chantée. Sur les bords de la Mekerra, un poète a déjà fini sa cinquième saison et nous ramène de son odyssée une plaquette de poèmes qui peuvent bousculer pas mal de nos certitudes quotidiennes dans un intitulé énigmatique «Ce que je n’ai vu», rassemblant plusieurs titres.Son nom Abed Manseur, ayant à son actif depuis les années 80 un océan de vers, tous, les uns et les autres, nous flagellant d’une métaphonie et peinture de l’âme humaine en de milliers de dimensions. Ainsi dans «Ce que je n’ai vu», un extrait nous interpelle «Généreuse comme une pluie/ la solitude réveille mes souvenirs/ fait craqueler ces tombes/ où j’ai enterré bruits et amours aigris/ entre images pétries de rêves rôlages et nuages démesurés/ une bataille éclate sans merci/ Eh l’ami lève-toi, partons...» Abed hésite avant de se laisser aller aux vagues marines, il nous l’indique dans «Le solitaire» où il le souligne dans ces quelques vers: «Mes yeux ont fait faillite/ je suis conçu de partout/ j’exporte mes pensées pour importer des images que je colle de partout/ Même à la face de cette femme(...)/ et je me réveille le matin/ avec la gueule d’un chimpanzé à qui l’on jette des miettes/ pour débuter la journée/ la longue journée dans la grande cage qui ressemble à des mots/ surtout de la nuit...». Puis dans «Splendeurs du mensonge» le poète passe par une forte crise mêlé de rancœur suivie d’un instant de nostalgie: «Mais j’ai toujours su que les plus belles choses ne vivaient qu’un instant/ le temps de nous rendre compte(...)/ j’ai appris les plus nobles vérités dans la splendeur des mensonges(...)/ je ne rêve que d’aube figée aux bouts de mes mots/ Vas, écarte-moi de tes prières/ je suis un vœu désespéré ici bas». Et la question cruciale tombe à pic pour éveiller à nous-même dans ce siècle de pauvres richesses sans bonheur. Le poème «Qu’as-tu fais de toi? Ô sœur de la vie / est-ce le moment, ai-je épuisé mon temps? / mon cœur, je te rends tes ailes/ Allons, allons un moment au jardin du coin/ choisis les plus beaux mots/ je t’en offre un bouquet en signe d’amitié/ désolé de t’avoir si peu écouté/ mon cœur merci...». La prose se veut explication de l’homme de lettres déprimé/ «Je suis un poète à l’exil des mots/ je ne choisis plus mes mots/ ils se délabrent, se cachent, se perdent/ dans l’obscurité de mon humeur/ je voulais vous dire mais je n’y arrive guère/ je voulais venir mais naguère/ je cède l’ostension à mon ombre/ à nos lumières noires»... Dans «Lumières», on arrive enfin à cet inconnu, plus apaisé, las, mais résigné... et comme une mère malade/ aux premières lueurs de la vie/ la mer accouche d’un cadavre/ l’aurore s’évade/ le jour est témoin/ et le soleil passe son chemin.../ la quarantaine passée, dans ses poches un univers de poésie/ travaillé par l’épreuve du monde/ ses yeux rêveurs tout en souriant aux perversions de l’existence trivial, chaleureux devant la beauté, la foi dans le cœur, il en est aujourd’hui à penser au cinéma et au roman. Abed Manseur à Sidi Bel-Abbès cherche un rayon de soleil qui puisse lui donner le moyen de transmettre ses textes, d’être public pour se faire lire. Cette plaquette de poèmes vient à point nommer pour répondre aux amoureux du vers libre, à la métaphore et aux besoins de clamer sa musique, son chant comme pour le paraphraser lui-même: «Mon ami me voilà parti vers ces voix, vers ces craintes/ n’oublie pas de ne fermer ni cœur ni yeux/ le crépuscule s’enfuira». Attendons une publication pour apprécier l’étendue poétique de ce nom à retenir qu’il faut lire. Le propre de l’écrit est de rester à méditer.
Ahmed Mehaoudi
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Posté Le : 24/03/2008
Posté par : sofiane
Source : www.voix-oranie.com