Algérie - Revue de Presse

Le plus vieux combat du monde



S?il est vrai que l?homme, tel que cela se répand de nos jours dans le monde de la bioéthique, est le plus grand prédateur sur cette terre, pourquoi le voit-on, alors, s?acharner à livrer le même combat contre le mal ? Et pourquoi, à l?opposé, éprouve-t-il le même plaisir devant le spectacle de la souffrance ? En Afrique du Nord, le plus illustre des auteurs maghrébins, Lisan-Eddine Ibn Al-Khatib (1313-1374), eut à subir la cruauté de son entourage direct. « Détenteur des deux ministères », en Andalousie, selon l?expression de son ami Ibn Khaldoun, prosateur inégalé, il dut fuir vers le Maroc pour échapper à la vengeance aussi bien des politiciens que des écrivains et poètes de son époque. Croyant trouver refuge auprès du sultan de Fès, ne voilà-t-il pas que ses ennemis se lancèrent à sa poursuite et finirent par l?étrangler dans sa propre cellule. Non satisfaits de leur forfait, ils déterrèrent son corps, quelques jours plus tard, pour le brûler devant l?une des portes de Fès. Méchanceté gratuite, sommes nous tentés de dire, qui révèlerait l?autre visage caché de l?être humain. Comme si le juste milieu ne pouvait exister dans certains comportements sociopolitiques. Certains jurisconsultes, dans la civilisation classique de l?Islam, comme certains libres penseurs de la Renaissance européenne, se plaisaient, parfois, à festoyer devant le spectacle de la cruauté, aveuglés en cela par une sorte de frénésie qui coupait court à n?importe quel type de raisonnement. Le supplice enduré par le soufi Halladj est bien connu, ainsi que celui du théologien et médecin Jean Servet (1511-1553). Côté européen, cet acharnement, nous le retrouvons durant le grand foisonnement des idées réformistes, tout principalement chez Jean Calvin (1509-1564). De fait, David Joris (1501-1559), homme de réflexion ayant renié la trinité, devait connaître le même sort tragique que celui d?Ibn Al-Khatib. Trois ans après sa mort, son corps fut déterré et brûlé pour s?être opposé aux idées du même Calvin, d?un côté, et pour avoir pris la défense de Jean Servet, d?un autre côté. De nos jours, cette cruauté se reproduit un peu partout, surtout dans les points les plus chauds du globe : Irak, Afghanistan et autres lieux où l?homme tient à mener son pseudocombat contre le mal. Des peuples meurtris par leurs propres gouvernants et par la puissance de feu américaine se montrent impuissants à comprendre le mal qu?on leur fait. Des trésors archéologiques sont volés au su et au vu de toute l?humanité, ou déplacés, d?un musée vers un autre pour le seul désir de mettre la touche finale au tableau de cette même cruauté. Ce faisant, le plus vieux combat du monde, celui que mène le bien contre le mal, risque fort de se perpétuer. L?homme qui s?est mis à séquencer son patrimoine génétique, ces dernières années, pensera-t-il à dénicher le pourquoi de sa propre cruauté ? Songera-t-il, un jour, à s?interroger sur ce groupe d?assassins masqués qui ont déterré le corps Ibn Al-Khatib pour le brûler ? Jean Calvin qui fit l?impossible pour condamner à mort son ami, Jean Servet, continuera-t-il à être considéré comme le champion du protestantisme et du réformisme ?


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