Algérie

LE PLUS JEUNE CHEF D’ORCHESTRE A TLEMCEN : Moulay Benali BENMANSOUR



A 25 ans, ce jeune talent est déjà Chef d’Orchestre au conservatoire de musique de Tlemcen. Il fait partie de cette génération de violonistes qui, malgré les idées reçues avec lesquelles fonctionnent les puristes et les conservateurs de cet art, il est arrivé à s’imposer en devenant un modèle à suivre pour de nombreux amateurs désirant goûter à cette virtuosité tant convoitée par nos adolescents. Écoutons-le :

L.P.T. : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs ?

M.B.B. : Je m’appelle Moulay Bénali BENMANSOUR, j’ai 25 ans. Je suis universitaire ; je prépare actuellement mon mémoire de fin de cursus pour l’obtention du diplôme d’Ingénieur en Foresterie. Concernant la musique, je suis actuellement Chef de l’Orchestre andalou au conservatoire communal de Tlemcen.

L.P.T. : Comment êtes-vous arrivé à la musique ?

M.B.B. : j’ai d’abord fait mes débuts dans certaines associations de Tlemcen : j’ai appris à jouer aux instruments de percussion à la « S.L A.M. », puis j’ai rejoint « EL KORTOBIA » où je me suis initié au violon. Plus tard, j’ai fait partie de « AWTAR TILIMSEN » où je suis resté assez longtemps. Je dois dire que c’est grâce à ces associations que j’ai pu prendre connaissance de notre répertoire andalou.

L.P.T. : Était-ce enrichissement, votre passage aux associations ?

M.B.B. : Tout à fait. D’une part, j’ai amélioré mes performances en m’exerçant avec tous mes camarades, d’autre part, j’ai pu apprendre un nombre important de « noubat » ainsi que les chansons de « Haouzi ». Cette expérience m’a permis de participer à de nombreux festivals, non seulement dans l’ensemble du pays mais aussi à l’étranger, notamment en Espagne, au Maroc, en Syrie…

L.P.T. : Etait-ce suffisant pour devenir un bon violoniste ?

M.B.B. : C’est une bonne question !… C’est vrai que pour perfectionner mon jeu d’archer et mon doigté, il a fallu être en contact avec d’autres musiciens, ceux qui m’ont précédé dans cet instrument (j’y reviendrais après). Cependant, la scène m’a beaucoup appris aussi. J’ai eu la chance d’accompagner plusieurs chanteurs dans de nombreuses soirées et comme ils sont différents les uns des autres, j’au dû m’adapter à plusieurs styles.

L. P. T. : Peut-on connaître quelques-uns de ces chanteurs ?

M.B.B. : oui ! … Il y a eu Hadj KACEM, BENGHEBRIT, Rym et puis quelques soirées avec CHAOO, Zakya etc. Mais je dois vous signaler que si je suis arrivé là, c’est parce que je fais partie d’une lignée naturelle de musiciens qui se sont succédés les uns aux autres depuis une trentaine d’années. Tlemcen a d’abord connu les frères « Ghoul » en l’occurrence Yahia et Belkacem qui, à leur époque, avaient motivé plusieurs jeunes talents et je pense particulièrement à DIDI Fouad, que je salue au passage, puis il y a eu celui que je considère comme étant le plus représentatif des violonistes, il s’agit de Mr. Lyes DIB, mais il en existe d’autres tels que H’mida BELKHODJA et Mustapha TALEB.

L.P.T. : Ensuite, il y a eu cette nouvelle étape dans laquelle il y a eu une nouvelle conception de la musique andalouse …

M.B.B. : Ce n’est pas une nouvelle conception de la musique andalouse ! j’ai tout simplement pris connaissance de ce qu’est la musique. En fréquentant le studio d’enregistrement « NEW-SOUND », j’ai découvert toute la magie des notes et des gammes que j’avais acquises durant tout mon apprentissage. Et là, je dois rendre un vif hommage à Mr. Fayçal BENKALFAT qui m’a fait profiter de toutes les théories en matière de musique, et c’est grâce aux recherches qu’il a faites que j’ai pu comprendre comment fonctionne la musique d’abord, l’andalous en suite. L’idée de mettre la technologie de pointe au service de la musique andalouse, est un procédé non négligeable auquel il faudrait sérieusement réfléchir.

L.P.T. : Pour vous, le studio et le conservatoire constituent-ils un laboratoire de recherche

M.B.B. : Tout à fait ! Vous avez bien fait de souligner cela, car par manque d’échange et surtout de sincérité intellectuelle, nous assistons aujourd’hui à des situations conflictuelles inutiles. Je dirais que le travail accompli dans les associations musicales est nécessaire et indéniable ; cependant, le notre est complémentaire : nous tentons d’exprimer musicalement et en usant de des techniques instrumentales connues universellement dans le monde de cet art, toutes les émotions figurant dans les mélodies harmonieuses de l’andalou.

Tous les mouvements orchestraux étaient déjà annoncés par notre grand maître, en l’occurrence « EL Hadj Larbi BENSARI » qui, à travers les enregistrements que nous avons, essayait de créer une dynamique orchestrale en maniant habituellement l’archer de son alto ou celui du Rebeb auquel il jouait magnifiquement bien. Au conservatoire, nous tentons, et sans prétention aucune, de recréer tout ce que ce grand maître envisageait de faire à cette époque, car les moyens matériels et humains lui faisaient défaut. Nous essayons donc de reproduire et de reprendre toute cette architecture en utilisant les connaissances universelles en matière musicale et la technologie moderne, notamment l’informatique, afin de faire connaître la nouba andalouse, telle qu’elle a été conçue et rêvée par le regretté Larbi BENSARI, notre père spirituel à un public très large, et en même temps développer chez les jeunes de notre génération une culture musicale solide, une oreille sélective qui saura non seulement apprécier le grand art mais surtout repositionner notre musique en lui donnant la dimension universelle.

L.P.T. : Et comme toute révolution, est-elle refusée au départ ?

M.B.B. : Absolument ! Je suis conscient que cela est difficilement acceptable par les puristes et qu’un tabou ne se casse pas aussi facilement, mais nous leur affirmons notre sincérité ainsi que notre sérieux dans le travail que nous asseyons d’accomplir. Par exemple, nous enregistrons actuellement « Nouba EL Gherib » et nous nous sommes inspirés intégralement des enregistrements de « Redouane BEN-SARI ». Nous avons fait ressortir avec les différentes techniques instrumentales tout ce qu’il a lui-même exprimé vocalement et avec son luth. C’est en quelques sortes, une transcription émotionnelle ou tout simplement une interprétation musicale

L.P.T. : Il s’agit sûrement d’un travail ardu…

M.B.B. : Pour réaliser un tel travail, nous effectuons d’abord des recherches sur les textes dans le but d’authentifier ce qui va être chanté, ensuite nous passons à l’écoute des documents sonores. Nous faisons des comparaisons entre différents enregistrements, puis nous répétons avec tout l’orchestre pour acquérir l’ossature et la mélodie de base de la nouba (là s’arrête le travail des associations). Vient par la suite notre véritable tâche : nous décortiquons chaque passage, nous recherchons les mouvements rythmiques adéquats et les techniques instrumentales nécessaires telles que les attaques, les créchendos, les glissandos, les triolets, la composition des contre-points … En somme, il s’agit véritablement d’un travail de démontage-montage.

L.P.T. : Avez-vous un dernier mot à dire à nos lecteurs ?

M.B.B. : Comme vous l’avez si-bien dit plus haut, une révolution n’est jamais acceptée à ses débuts, mais je dois dire à toutes les personnes concernées par ce bel art, que même si je m’investis totalement dans cette tâche oh ! combien difficile, ce n’est en fin de compte que de la musique. Par conséquent, évitons la sacralisation inutile qui provoquerait des polémiques ridicules. En fait, ma philosophie est tout simple-ment d’essayer d’apporter un plus à notre ville ; si je réussi c’est tant mieux et si je me trompe, j’aurais essayé et que d’autres fassent mieux…




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