Algérie

«Le plus dangereux pour l’Algérie c’est le gazoduc Southstream»


«Le plus dangereux pour l’Algérie c’est le gazoduc Southstream»
-Quel était l’enjeu pour l’Europe dans la mise en œuvre du gazoduc Northstream ?

L’enjeu principal c’est l’augmentation des besoins européens en gaz à moyen et long termes. Il fallait mettre en place des sources de production nouvelles ainsi que les moyens de les acheminer. L’Union européenne est grandement dépendante des importations énergétiques et gazières en particulier et doit donc veiller à satisfaire les besoins de sa population. Cela a poussé l’Allemagne et la Russie à mettre en oeuvre ce projet dont la première ligne qui vient d’être mise en service est d’une capacité de transport importante de l’ordre de 27,5 milliards de mètres cubes de gaz. La deuxième ligne sera achevée vers la fin de l’année 2012 pour porter à 55 milliards de mètres cubes la capacité globale du gazoduc transportée de la Russie vers l’Allemagne. Le but est d’éviter qu’il y ait des pénuries à l’avenir, car c’est un projet qui s’inscrit dans une optique de long terme.

-Quel sera l’impact sur les fournisseurs gaziers de l’UE ?

Plusieurs pays souhaitent fournir du gaz à l’Europe. Si une partie des parts de marché est happée par un pays qui est la Russie, ça signifie par définition que c’est des parts au moins pour les autres pays fournisseurs potentiels. Il est clair que la Russie a pris un avantage certain, mais ce n’est pas de l’histoire pour les autres. L’Europe a importé 320 milliards de mètres de gaz en 2008 et selon les estimations elle en importera 500 milliards par an en 2030. Si ces prévisions sont correctes, cela veut dire qu’elle aura besoin de 180 milliards de mètres cubes par an supplémentaire d’ici là. Il s’agit de savoir comment les fournisseurs actuels et futurs du continent vont se partager cette part de marché. Avec les 55 milliards du gazoduc Nordsteam, la Russie a déjà pris 30% de ces importations futures, ce qui est un avantage certain.

-Quelle pourrait être la part de l’Algérie dans les 70% restants ?

Pour l’Algérie, l’Europe est un marché naturel du fait de la proximité géographique, les infrastructures déjà en place et la connaissance de la clientèle. La force de l’Algérie s’exprime envers les pays du sud de l’Europe, le Northstream ne constitue pas donc un danger. En revanche, ce qui est plus dangereux pour elle c’est le gazoduc Southstream qui n’est encore qu’au stade de projet et que le russe Gazprom et son partenaire l’italien ENI pourrait développer ensemble bien qu’à l’heure actuelle il n’y a pas de décision définitive. Ce gazoduc vise l’Europe du Sud puisqu’il relierait la Russie à l’Italie et aussi à la Bulgarie. Les deux compagnies gazières veulent développer ce projet de grande taille puisqu’il aurait une capacité de 63 milliards de m3 par an, soit plus important que le Northstream et ira directement du nord au sud de l’Europe, mais rien n’est encore joué.

-Le projet du gazoduc Galsi semble patauger. Qu’y a-t-il lieu de faire pour le relancer ?

Cela ne dépend pas uniquement de l’Algérie. Dans un tel projet, il y a les producteurs de gaz, c’est-à-dire les exportateurs, mais il y a aussi les importateurs c’est-à-dire les acheteurs. Sonatrach joue un rôle dans la promotion du projet dont la construction sur le plan technique ne pose pas de problème, par contre la question concerne les débouchés possibles pour le gaz qui en sera issus. On ne peut pas lancer de projet s’il n’y a pas de contrats de vente et d’achat signés au préalable. Le financement du projet dépend de fonds propres, mais aussi de fonds extérieurs qui ne viendront que s’ils ont l’assurance qu’il sera rentable. Il s’agit donc pour l’ensemble des sociétés composant le consortium Galsi de se remotiver sur ce projet.

Le Galsi a été très travaillé, mais maintenant il faut mettre le paquet en termes de commercialisation. Il ne doit pas être retardé encore plus. L’Italie peut se demander si elle a réellement besoin de réaliser ce projet. La concurrence russe est importante, et avec l’arrivée du Qatar comme acteur majeur dans le GNL qui a les moyens d’exporter vers les pays asiatiques et européens, ça sera encore plus difficile surtout maintenant que le marché américain va se fermer puisque ce pays grâce au gaz du Schiste pourra devenir exportateur en la matière. Il y a donc nécessité pour des pays comme l’Algérie de faire de bonnes propositions et de conclure de bons partenariats pour ne pas rester dépendante uniquement des contrats à long terme.

Par exemple, Sonatrach pourrait être présente davantage en Europe pour vendre directement son gaz. Il est vrai qu’elle le fait déjà en France, Italie et Espagne, mais il faut qu’elle se développe encore plus en la matière pour avoir plusieurs canaux de commercialisation et pas seulement les grands contrats gaziers classiques. Il faut faire preuve d’imagination.

-Y compris sur les prix...

Le prix est toujours un facteur-clé, mais l’Algérie peut se dire que s’il est trop bas, il est préférable de ne pas exporter son gaz et d’attendre des conditions plus favorables, il y a va de la valorisation de ses ressources et c’est normal. Il y a donc un arbitrage politique à faire au plus haut niveau des autorités. Mais il faut aussi essayer de trouver de nouveaux partenariats avec les pays importateurs. Des modèles croisés par exemple en amont et en aval contre l’accès à des ressources en Algérie. L’Algérie ne peut plus se contenter des schémas traditionnels qui ne sont certes pas morts, mais avec les conditions du marché qui changent rapidement, il y a besoin de formules diversifiées et innovantes pour conserver son rôle en tant que fournisseur important de gaz à l’Europe.
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