Algérie

Le pinceau et le chiffon Affaire Beliardouh-El watan-Garboussi



Le pinceau et le chiffon                                    Affaire Beliardouh-El watan-Garboussi
Et l'acte que j'accomplis ici n'est qu'un moyen révolutionnaire pour hâter l'explosion de la vérité et de la justice. Je n'ai qu'une passion, celle de la lumière, au nom de l'humanité qui a tant souffert et qui a droit au bonheur. Ma protestation enflammée n'est que le cri de mon âme.
Qu'on ose donc me traduire en cour d'assises et que l'enquête ait lieu au grand jour !»

«J'accuse», lettre adressée au président de la République par Emile Zola, parue dans le journal l'Aurore le 13 janvier 1898.
Tébessa, un siècle et quelques années plus tard Beliardouh est mort. Il a mis fin à ses jours. Un certain 20 novembre 2002, mois où les journées devenaient froides et courtes. Et pourtant, il aimait la vie. Libraire, puis journaliste, Beliardouh avait pour passion la peinture et les couleurs. Il trouvait dans le beau la sensibilité de l'âme et l'escapade de l'esprit.
Garboussi est commerçant. Chiffonnier de son état, il devient président de la Chambre de commerce des wilayas de Tébessa et Souk Ahras. Il est analphabète.
Garboussi aimait peindre la violence sur le visage de ses victimes. Il en tire l'un des moyens de sa puissance. Tout sépare les deux hommes. Un article de presse les rapproche. Beliardouh en est l'auteur. L'article, paru le 22 juillet 2002 dans El Watan, porte en effet sur Garboussi et ses liens avec le terrorisme et le blanchiment d'argent.
Le puissant enlève et séquestre le journaliste
De force, il l'embarque dans une voiture verte appartenant à l'administration de la Chambre de commerce et le conduit directement à son bureau.
La scène de l'enlèvement se déroule en plein centre-ville. Ceux qui osent intervenir sont insultés et menacés. Garboussi sait faire usage du langage phallocratique pour éloigner et menacer ceux qui osent se mêler de ses affaires.
Séquestrée à l'intérieur du bureau de Garboussi, la victime est soumise à un interrogatoire musclé afin de l'obliger à dévoiler sa source. Violences et sévices sont alors exercés sur le corps frêle de Beliardouh. Le purgatoire se termine par l'irréparable. Une agression... corporelle est administrée à la victime par l'un des bourreaux de Garboussi. Le journaliste est ensuite embarqué dans la Mercedes de Garboussi pour être exposé, dans les différentes places de la ville, comme un trophée. Durant le trajet, le séquestré est livré à un ancien policier spécialiste des techniques de l'interrogatoire.
Le calvaire de Beliardouh se termine quelques heures après son enlèvement. Souillé, humilié, terrorisé et meurtri, le journaliste fait déménager sa famille et se terre au domicile de son père.
La vie du peintre vient de basculer. Il n'avait plus pour tableau que sa propre tragédie.
La pénombre des lieux de l'interrogatoire devient alors la seule lumière de ses derniers jours. Beliardouh par son geste a purifié son corps de la souillure de Garboussi, de la blessure de la violence et du déshonneur de l'humiliation.
Garboussi est encore en vie
La justice institutionnelle, séquestrée par dix années de procédure, vient d'anoblir le puissant par un acquittement dont ont profité également ses sbires. Un procès bâti sur un dossier duquel un enlèvement de pièces importantes de procédure a été organisé et dans lequel ont été subornés des témoins et retournés d'autres. La justice officielle a reculé devant la justice privée du puissant.
Durant l'enquête préliminaire, Garboussi et ses sbires ne sont pas mis en garde à vue, alors que les faits revêtent un caractère criminel puisqu'il s'agissait d'enlèvement et de séquestration. La déposition de Beliardouh est accompagnée d'une fiche de police réservée aux suspects et mis en cause.Le rapport préliminaire transforme par un euphémisme pernicieux la souillure en une agression corporelle. L'information judiciaire révèle quant à elle ses lacunes et insuffisances.
Des témoins à décharge sont auditionnés 14 mois après les faits. On y retrouve le fameux policier qui en plus de son témoignage signale que la victime est connue des services de police. Faisant fi de cette violation du secret professionnel, le juge instructeur a consigné cette divulgation dans le procès-verbal d'audition.
Ou cet autre témoin qui soutient sans vergogne ni honte que Beliardouh lui a demandé de témoigner contre Garboussi. Il sait que les morts ne parlent pas. À ces carences vint s'ajouter la forfaiture consistant en la disparition de documents accablants pour Garboussi et ses hommes.
Pour suppléer cette disparition, on auditionne de nouveau un témoin à charge tout en demandant la copie du rapport préliminaire qui conclut à la véracité des faits d'enlèvement et de séquestration.
La copie, de surcroît illisible, est injectée dans le dossier de la procédure le 12 novembre 2012 , alors que l'information est clôturée par l'arrêt de renvoi du 11 mars 2009.
La liste des pièces ainsi que le dossier de la procédure en la forme qui renferme les constitutions, convocations et mémoires ont disparu à jamais. La Cour suprême avait rejeté par un arrêt du 12 novembre 2003 la demande de renvoi de l'affaire devant une autre juridiction pour une bonne administration de la justice.
Les parties civiles redoutaient et à juste titre les pressions et manipulations susceptibles exercées sur l'environnement judiciaire par le puissant Garboussi. C'est à travers ce funeste et lugubre tableau des faits et de la procédure que la cause, expurgée de ses preuves et charges, est véhiculée comme le fut feu Beliardouh, vers un simulacre de procès où les magouilles des uns et le reniement des autres en ont constitué les derniers coups de pinceau de cette tragédie de justice. Beliardouh aimait quant à lui la vraie peinture. Celle des couleurs de la vie, des lumières de l'espoir et des vertus de l'humanisme.


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