Algérie

Le PIB atteint 4.000 dollars Indices verts, réalité sociale rouge


Cela remonte à très loin, mais certains cadres se souviennent encore d'une séance de feu Kaïd Ahmed se moquant ouvertement du plan: «Il y a trois sortes mensonges: le mensonge pur, le mensonge diabolique et les statistiques». Des décennies plus tard, beaucoup d'Algériens partageront sans hésitation la boutade d'un des premiers ministres des Finances du pays à la lecture des chiffres donnés par le commissaire général à la Planification et à la Prospective. On a d'ailleurs presque oublié qu'il subsistait une instance de planification dans un pays où l'on n'arrive pas évaluer correctement la faisabilité d'un programme scolaire. Mais il existe bien - prenons-le comme un plus - et il nous informe que tous les indicateurs macro-économiques sont au vert: un chômage en baisse verticale, une croissance de l'économie bien orientée. Le produit intérieur brut (PIB) par habitant, lui aussi en augmentation nette, aurait atteint 4.000 dollars. La valse de chiffres, de données et de statistiques fournis par le gouvernement et le commissaire au plan incite à la satisfaction et à l'optimisme. Le bulletin de santé est tout à fait positif, le pays est techniquement dans une dynamique positive. Pourquoi les Algériens sont-ils insatisfaits alors que, selon les chiffres, ils baigneraient presque dans un bonheur scandinave ? Pourquoi le Pnud, qui n'est pas une organisation révolutionnaire, loin s'en faut, publie-t-il régulièrement un rapport sur le développement humain ? Justement parce que les chiffres du PIB peuvent être très trompeurs. C'est un indicateur quantitatif, une moyenne qui cache les inégalités et qui ne rend pas compte des performances sociales d'un pays. L'Indice de développement humain (IDH) va vers ces réalités humaines et sociales que le PIB ne montre pas. Si les 4.000 dollars du PIB ne reflètent pas l'état d'esprit de très nombreux Algériens, le Pnud approche plus de nos humeurs avec une Algérie classée à la 104ème place sur 177 en matière de développement humain. Sans vouloir jouer au Cassandre, il faut bien mettre la réalité sociale en perspective avec ces résultats quantitatifs. L'érosion vertigineuse du pouvoir d'achat des salariés, la dégringolade des services publics, notamment la santé et l'éducation, font plus que nuancer le tableau idyllique formé par les données macro-économiques. L'analyse des facteurs de croissance indique sans équivoque la place et le rôle démesurés des hydrocarbures dans la formation des agrégats nationaux. En réalité, l'hégémonie des exportations d'énergie fossile, des revenus qu'elles procurent, est indiscutable: les dépenses d'infrastructures et de construction et l'accroissement soutenu des importations sont tirés par le pétrole et le gaz. Le caractère rentier de l'économie est renforcé par la faiblesse des investissements hors hydrocarbures et la maigre performance du secteur industriel. Les statistiques, c'est bien, à condition qu'elles ne servent pas à aveugler ou bien à faire voir en vert ce qui est en rouge. Kaïd Ahmed avait bien raison d'être circonspect...
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