Algérie - 03- De Carthage à Rome


Le philosophe Saint-Augustin

Augustin naquit le 13 novembre 354, à Thagaste (aujourd’hui Souk-Ahras en Algérie). Son père Patricius était païen. Sa mère Monique était en revanche une ardente chrétienne qui œuvra inlassablement pour la conversion de son fils et qui sera canonisée par l’Église catholique. Augustin fit des études de rhétorique dans les villes de Thagaste, Madaure et Carthage, en Afrique du Nord. Il vécut à partir de l’âge de dix-sept ans et jusqu’à trente et un ans avec une Carthaginoise qui lui donna en 372 un fils, Adéodat.

VERS LA CONVERSION

Augustin découvrit la philosophie à dix-neuf ans, en lisant l’Hortensius, dialogue de Cicéron aujourd’hui perdu. Il fut alors attiré par le manichéisme et y adhéra de 372 à 382. Cette doctrine reposant sur le conflit entre le bien et le mal lui paraissait correspondre à son expérience intérieure de lutte entre le désir du bien et les pulsions mauvaises. Mais il fut déçu, en particulier par sa rencontre avec Faustus. En 386, après un passage à Rome, il arriva à Milan, où il avait obtenu une chaire de rhétorique. Là, il découvrit le néoplatonisme et lut les Ennéades de Plotin. Cette découverte le prépara à la conversion, dont il fit le récit dans les Confessions. Il entendit dans son jardin de Milan une voix : « Prends et lis ». Il ouvrit la Bible et tomba sur le passage suivant : « Comme en plein jour, conduisons-nous dignement : ni ripailles ni orgies, ni coucheries ni débauches, ni querelle ni jalousie, mais revêtez le Seigneur Jésus-Christ, et ne prenez pas soin de la chair pour en satisfaire les convoitises. » (Épître de saint Paul aux Romains, XIII, 13-14). Sa conversion fut immédiate et il se fit baptiser par Ambroise, l’évêque de Milan en 387. Sa mère, qui l’avait rejoint en Italie, se réjouit que ses prières aient été exaucées. Elle mourut un peu plus tard à Ostie.

L’ÉVÊQUE ET LE THÉOLOGIEN

Augustin retourna à Thagaste en 388 et y mena avec quelques fidèles une vie de prière et d’étude. Mais en 391, il fut appelé par les chrétiens d’Hippone pour seconder leur évêque. Il y fut ordonné prêtre puis devint l’évêque de la ville en 395, jusqu’à sa mort. Il développa alors une activité pastorale intense : prédication, catéchèse, soin des pauvres, résolution des problèmes locaux et engagement dans des conflits plus larges qui déchiraient alors l’Église. Il garda cependant une vie monastique et écrivit une règle de vie pour sa communauté. C’était alors une période de grands troubles politiques et théologiques avec, d’un côté, le danger des incursions barbares dans l’Empire et la prise de Rome en 410 et, de l’autre, les menaces de schisme et d’hérésie qui pesaient sur l’Église. Augustin se lança à corps perdu dans la bataille théologique. Un premier conflit l’opposa au schisme donatiste. La grande persécution de Dioclétien au début du IVe siècle avait conduit des chrétiens à renier leur foi. Les donatistes refusaient de les réintégrer, procédaient à des « seconds baptèmes » et considéraient comme invalide tout sacrement conféré par un ministre jugé indigne. Augustin tenta d’abord de les convaincre, puis il dut finalement faire appel à la police impériale pour réduire le schisme.

Le second conflit auquel il se trouva mêlé l’opposa à la doctrine du moine breton Pélage, défendue en particulier par Julien d’Éclane. Les pélagiens, hommes religieux et ascétiques, considéraient que l’homme pouvait parvenir au salut par les seules forces de sa nature, qu’il pouvait construire sa propre sainteté et qu’il n’avait pas besoin de la grâce de Dieu. Pour Augustin, l’homme sans Dieu est pécheur et impuissant à sortir de son péché. Il a besoin de la grâce. L’homme devient vraiment libre, c’est-à-dire capable de faire le bien, quand il coopère à l’action divine en lui, après l’avoir demandé. C’est dans cette controverse importante qu’Augustin développa ses doctrines sur le péché originel, la grâce, la prédestination et le libre arbitre.

La fin de sa vie fut marquée par l’invasion Vandale en Afrique du Nord. Il mourut pendant le siège d’Hippone, le 28 août 430. Sa fête est célébrée le 28 août.

ŒUVRES

Augustin fut un auteur prolifique, convaincant et un brillant styliste. Son œuvre est immense. Il a laissé 113 traités, 218 lettres, plus de 500 sermons sur différents livres de la Bible. Son ouvrage le plus connu est son autobiographie spirituelle Les Confessions, (397-401), relatant son expérience de recherche et de découverte de Dieu. Dans sa célèbre apologie du christianisme De Civitate Dei (La cité de Dieu, 415-427), il développa un large panorama de l’histoire orienté par la foi chrétienne. La Cité de Dieu est la cité bâtie par l’homme qui s’appuie sur Dieu pour recevoir de lui la liberté, la justice et la paix. Elle s’oppose à la cité terrestre, représentée par l’Empire romain, qui a un idéal purement humain. Dans son traité Sur la Trinité (399-417), Augustin tenta de trouver dans la création et, en particulier dans l’homme, des analogies de la Trinité divine, pour tenter de comprendre le mystère. Cependant, Dieu reste au-delà de toutes les images qu’on peut en donner. En 426-427, Augustin écrivit les Retractationes (Les Rétractations), son ultime verdict sur ses œuvres antérieures revues et corrigées par lui au soir de sa vie. Son œuvre comprend aussi ses traités De libero arbitrio (Sur le libre arbitre, 389-395), De doctrina christiana (De la doctrine chrétienne, 396-426), De Baptismo (Sur le baptême, 404), De natura et gratia (Sur la nature et la grâce, 415).

Le centre de la pensée d’Augustin est la relation et la rencontre entre l’homme et Dieu. Pour lui, le problème de la personne humaine est inséparable de la question de Dieu. Se connaître soi-même dans les profondeurs de son âme, comme il cherche à le faire, c’est y découvrir la trace de Dieu et de son amour.

Saint Augustin est le père de l’Église d’Occident autour duquel se sont développées le plus de discussions théologiques : catholiques et protestants, jansénistes et jésuites ont revendiqué son autorité. Parce qu’elle a été élaborée au cours de controverses, sa pensée se prête à de multiples interprétations. C’est en particulier sa doctrine de la grâce et de la prédestination qui fut l’objet de conflits. Luther et Calvin s’appuyèrent sur Augustin pour soutenir la prédestination. Mais, parce que l’homme ne peut rien faire pour son salut, les œuvres perdent toute valeur. Aussi, l’Église catholique, à travers Molina et les jésuites, chercha-t-elle à concilier le libre arbitre et la grâce. Finalement, Jansenius voulut revenir à une stricte interprétation d’Augustin : « Le libre arbitre ne peut vouloir que le mal. La grâce doit être constante et irrésistible et nous déterminer de l’intérieur à vouloir le bien. »


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