LE PHARE ÉTEINT
ANS mes réves, car on réve à tout Age, il en est un qui, des
I!
années durant, me fut extrêmement familier, et me ravit
longtemps par la fralcheur des sensations qu'il me rappelait.
Il me ramenait à ma prime enfance, presque aux sources de ma vie.
Mon grand-père maternel, Corse d'origine venu en Algérie en
1871 comme jeune soldat, avait pris sa retraite proportionnelle
après avoir servi plus de quinze ans dans la Garde Républicaine
et la Gendarmerie algérienne. Entré ensuite, au moment de ma nais-
sance, dans le service des Phares et Balises, il avait été affecté au
phare du Cap Rosa entre Bône et La Calle dont il devait devenir
un peu plus tard le gardien-chef. C'est dans l'enchantement de
ce lieu édénique qu'était le Cap Rosa que mes yeux se sont ouverts
sur l'univers le plus propre à fortifier chez un enfant le sentiment
physique de la nature.
Ma mère m'avait laissé chez ses parents pendant toute ma
deuxième année afin d'éviter les réflexions désagréables de ses voi-
sins et surtout d'un adjudant célibataire qu'incommodait, dans
la caserne de gendarmerie de Constantine où nous logions, mon
comportement de bébé irascible et braillard.
Ma mère avait pris ensuite l'habitude de me ramener au phare
chaque année dès le début de juillet jusqu'en octobre et cela jusqu'à
l'âge de seize ans. Trois mnois d'inoubliables vacances dans un monde
merveilleux où les eigales chantaient tout le jour dans le soleil.
Longtemps je fut l'unique enfant du Cap Rosa, choyé par ma
mėre et mes grands-parents ainsi que par le ménage du gardien-chef,
des gens de ceur qui n'avaient pas d'enfant. Lui, le vieux père
Royer, ainsi qu'on l'appelait, avait longtemps roulé sa bosse
sur les confins algéro-tunisiens, avant l'expódition de Kroumirie,
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Posté Le : 14/05/2020
Posté par : tarf
Photographié par : A. JUIN and MARÉCHAL JUIN
Source : Revue des Deux Mondes (1829-1971) (15 MARS 1962), pp. 161-166