Le peuple syrien trahi Edito : les autres articles

La guerre civile syrienne va-t-elle changer de nature ' Pour la première fois depuis le début du conflit, Russes et Américains sont parvenus à un accord sur un plan d'élimination de l'arsenal d'armes chimiques détenu par le régime de Bachar Al Assad. Il a été signé hier à Genève entre le secrétaire d'Etat, John Kerry, et le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, après d'âpres négociations en présence de l'envoyé spécial de l'ONU et de la Ligue arabe, l'Algérien Lakhdar Brahimi.Avec cet accord, les deux superpuissances ont trouvé un moyen de ne pas s'entre-déchirer sur le dossier syrien, ainsi qu'une sortie honorable de la crise diplomatique qu'il a créée entre eux. Barack Obama, qui a joué les va-t-en-guerre dès le départ, puis s'était mis à revoir sa copie, s'en sort non seulement à bon compte, mais il permet à Israël de remporter une victoire sans avoir bougé le petit doigt. En effet, les armes chimiques syriennes, une hantise pour les dirigeants de Tel-Aviv, ne constitueront plus une menace pour l'Etat hébreu si, bien entendu, l'accord est appliqué.
La Russie, elle aussi, est gagnante dans l'affaire. La guerre inter-syrienne lui a permis de revenir sur la scène proche-orientale et une défaite de Bachar Al Assad l'en aurait éjectée. Elle est redevenue aujourd'hui partie prenante des questions proche-orientales.
Et le peuple syrien dans cette affaire ' L'accord va-t-il arrêter les «souffrances affreuses des Syriens», comme le souhaite Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies ' Le drame de ce peuple semble avoir été le dernier des soucis des deux grands. Ils n'ont rien dit de l'avenir du régime de Bachar Al Assad. Pourtant, ce dernier, en digne héritier de son père, a commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité devant lesquels les Israéliens paraissent comme des enfants de ch'ur. Ainsi, le dictateur de Damas continuera à massacrer ses concitoyens avec moins d'horreur, puisqu'il n'utilisera plus, en principe, du gaz sarin et autres produits chimiques du genre.
Le grand perdant sera incontestablement le peuple syrien. Il a été sacrifié sur l'autel des intérêts des puissants de ce monde. Il s'était soulevé contre une dictature ignoble pour jouir lui aussi de la liberté et de la démocratie. Les monarchies du Golfe se sont ingérées dans ses affaires et ont dévié son combat au profit des islamistes, ce qui a freiné l'appui international à l'ASL. Sous le couvert d'une rhétorique anti-alaouite, les monarchies pétrolières ont bloqué une légitime revendication démocratique. Ainsi, ils se sont fait plaisir et ont fait plaisir à Israël, aux Etats-Unis, à la Russie et à Bachar Al Assad.