Algérie

"Le peuple et son armée ont voté en position de force"




La réconciliation est un acte éminemment politique, voire civilisationnel. Un ancien officier supérieur, Abdelhamid Larbi Cherif, nous dit comment cette démarche a été vécue de l'intérieur de l'ANP.L'Expression: Quel impact a eu la Réconciliation nationale sur la lutte antiterroriste que mène l'ANP depuis le début des années 90'
Le colonel Abdelhamid Larbi Cherif: La Réconciliation nationale était une étape importante et un tournant dans la lutte antiterroriste. Il fallait, en effet, définir les choses, les remettre dans leur contexte. Le pays était dans une grande confusion, tant au plan politique que sécuritaire. Il était donc urgent de consulter le peuple sur un projet qui criminaliserait la violence terroriste. Celle-là même qui a été une conséquence directe d'un embrigadement de très nombreux jeunes Algériens par une caste de manipulateurs, au service de puissances étrangères. Il est utile de souligner que cette violence importée par des illuminés avait pour objectif l'affaiblissement de l'Algérie, dont les positions en rapport avec le processus au Moyen-Orient, la Palestine, l'invasion de l'Iraq et les différents dossiers de l'Afrique, dérangeaient. J'ai ouvert cette parenthèse pour souligner l'importance de la Réconciliation nationale dans ce qu'elle représente comme ciment de la société algérienne. En fait, si les Algériens ont massivement voté en faveur de la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale, c'est simplement parce qu'ils ne se reconnaissent pas dans le discours de haine qui nous est venu d'ailleurs. Quant à ceux qui ont été aveuglés par des fetwas étrangères aux principes de l'islam, cherchaient une issue à la manipulation et la machination dont ils étaient eux-mêmes victimes. De fait, la Réconciliation nationale a participé largement dans la diminution de l'effusion de sang des innocents. Sans renier le martyre de dizaines de milliers d'Algériens morts sous les balles assassines des terroristes, il est clair que l'impact de la Réconciliation nationale était positif dans la mesure où des dizaines de terroristes du GIA ont abandonné les armes avec les éléments de l'AIS qui étaient déjà en trêve suite à l'accord ANP - AIS en 1997. La Réconciliation nationale a donc ôté toute couverture politique au terrorisme et donné une issue à ceux qui voulaient arrêter l'action armée et ne savaient pas comment s'y prendre. Au plan strictement opérationnel, l'ANP a orienté ses efforts et forces en direction des éléments les plus virulents du GIA, Gspc, Katibat Al Ahouel etc...
Beaucoup de politiques craignaient une baisse du moral des troupes après l'entrée en vigueur de la Charte pour la paix et la Réconciliation nationale. qu'en est-il réellement'
A posteriori, je dirai que ces craintes étaient non justifiées. D'ailleurs, cela se voit jusqu'à aujourd'hui. A aucun moment on a senti une quelconque forme de démobilisation parmi les hommes. En fait, ceux qui tablaient sur un moral en berne de l'armée avaient une fausse compréhension de la situation. Rester derrière un bureau à exploiter de la documentation et des rapports ne donne pas une idée précise sur les réalités du terrain. Il faut savoir, en effet, que les hommes de l'ANP sont composés de fils du peuple qui a payé le prix fort durant la décennie noire. Le rêve de tout soldat consiste à voir l'Algérie sécurisée et stable. C'est l'objectif de la lutte antiterroriste et non pas la guerre en elle-même. Il faut dire qu' à partir de 1996, l'ANP avait repris l'initiative et fait tomber le rêve des terroristes de gagner la guerre.
La Réconciliation nationale est venue pour confirmer la victoire de la République sur les hordes terroristes.
Le peuple et son armée ont voté en position de force. C'était un message à ceux qui voulaient revenir dans leur famille qu'il était possible de se repentir. Quant à ceux qui entendaient poursuivre sur la voie de la violence, le peuple les a discrédités. Les soldats ne pouvaient donc pas être contre la volonté de leur peuple, dont ils sont eux-mêmes issus.
Sur le plan du renseignement, le retour des anciens terroristes a-t-il constitué un apport conséquent sur le terrain'
Les repentis ont été pour beaucoup dans l'enrichissement et la mise à jour des renseignements. Ils ont permis à nos services de reconstituer certains événements et comprendre l'organisation terroriste. De plus, beaucoup de questions ont trouvé leurs réponses. Ce sont là des aspects très importants dans le métier du renseignement, même si au plan strictement opérationnel, il était bien entendu difficile d'exploiter des informations conjoncturelles en raison de la mobilité des groupes armés. Mais en tout état de cause, les repentis ont tout de même collaboré avec les services de sécurité, ce qui a permis à ces derniers d'être beaucoup plus performants et de contribuer à déjouer des attentats à l'intérieur, comme à l'extérieur du pays.
Comment, selon vous, aurait évolué la situation sécuritaire, si les Algériens n'avaient pas adopté la démarche de la Réconciliation nationale'
On aurait perdu beaucoup de vies humaines. La paix que nous connaissons aujourd'hui ne serait pas intervenue aussi vite. Un rejet de la Réconciliation nationale est comparable à une perte de temps gigantesque pour la reconstruction du pays dévasté par les actions terroristes. Plus encore, la confusion entre terrorisme et djihad aurait considérablement fragilisé la société. Les Algériens aurait tout simplement perdu le sens de la quiétude. On serait entré dans une spirale de violence sans fin.
Je pense que le plus grand défi réussi par Monsieur le Président était l'enterrement de la haine entre les Algériens et l'orientation vers l'avenir. Il faut dire, et le président l'avait bien compris, dans le type de conflit où était l'Algérie, la force armée seule n'aurait jamais réglé les problèmes.
L'Algérie met son expérience de Réconciliation nationale au service des pays qui vivent actuellement des crises sécuritaires. Pensez-vous que l'on puisse effectivement exporter la démarche algérienne'
Oui, je pense que l'expérience algérienne dans la Réconciliation nationale est devenue une solution adaptable aux pays qui connaissent des guerres fratricides tels que ceux de nos frères syriens et libyens. En Syrie, la réconciliation initiée par le gouvernement a permis la récupération de 132 000 hommes, qui ont abandonné l'action armée et rejoint l'Armée arabe syrienne. En Libye, c'est la seule alternative à même de régler la crise et éviter au pays la division et promulguer l'unité nationale; les Libyens n'ont pas d'autre alternative pour sortir de la crise sains et saufs avec moins de dégâts.


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