Algérie

Le peuple est-il coupable ou victime ' (1)



Le peuple est victime du Pouvoir ou de lui-même '
Vaste débat entre les intellectuels algériens. A gauche, on persiste à traiter l'addition totale des Algériens comme une malheureuse soustraction du Pouvoir. Vision ancienne du peuple pauvre, mal nourri, colonisé par les autres puis par les siens, naïf, poussé vers l'illettrisme et les rebords de l'existence, bon par nature, courageux si on lui donne l'occasion. De l'autre côté, vers la droite, on traite le peuple avec mépris : ce qui lui arrive, c'est le péché de sa soumission aux rites et ratages. S'il est ce qu'il est, en marge de son propre pays, c'est parce qu'il ne se bat pas, ne se soulève pas, ne critique pas, ne proteste pas et se remet au ciel et à la fatalité pour expliquer son désenchantement et son sort de sac vide qui ne tient pas debout. Selon cette vision, presque néocoloniale, le peuple est indigène parce qu'il le vaut bien. Selon cette philosophie, il ne nous arrive que ce que nous méritons. Le peuple est donc complice du crime contre lui-même et si le Pouvoir le méprise, c'est parce que le peuple est cupide, veule, paresseux, jamais satisfait, impoli, peu civique, raciste, peu respectueux des femmes et des feux rouges, peu éduqué et sans envie d'être mieux.
Où est le peuple entre les deux ' On ne sait pas. Celui qu'on imagine dans sa tête, ou celui qui vous bouscule dans un magasin, entre en dernier, passe le bras par-dessus votre épaule et commande un kilo de sucre. Le paradoxe est que les deux visions sont celles de la culpabilité, peut-être. D'un côté on n'aime pas que les étrangers critiquent le peuple car on en fait partie mais on ne se sent pas partie de ce peuple parce qu'il ne répond pas aux rêves ni aux critères des bonnes manières. Chacun est seul, se sent seul.
Dans une conférence donnée à Oran, il y a une semaine, Houari Addi, l'immense sociologue, expliquera que les Algériens sont aussi des gens qui veulent fuir. Toujours plus loin. Il existe même une collection de blagues sur l'Algérien qui cherche la terre où il n'y a aucun Algérien, sauf lui-même. Terre inconnue et impossible car on est partout et on ne promène que soi-même. C'est ce que l'on fuit : soi-même au nom du Peuple et le Peuple au nom de soi-même et des siens.
Le peuple est-il donc victime du Pouvoir qui émane du peuple ou de sa passivité ' Oui. Si on est devenu ainsi, c'est à cause «d'Eux» et des 22 ans de règne de Benbouzid, le ministre de l'Education, le plus ancien au monde. Le peuple est-il coupable ' Oui. Chacun le constate. En lui-même, avec ses voisins, le bonhomme qui lui grille sa priorité au volant et les millions d'autres gestes qui nous poussent, les uns les autres, à fuir partout où on n'est pas. Vaste débat donc. De 02 millions de km². Il faut y revenir car ce qu'il faut peut-être reconstruire : la communauté et le désir de vivre ensemble. Sans cela, tous les visas du monde ne nous suffiront pas et toutes les terres possibles.




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