Un nouveaudiscours économique est en vogue. On parle désormais de stratégie industrielle.D'éminentsspécialistes se sont retrouvés, il y a deux semaines, au Palais des Nations,pour discuter de la stratégie industrielle du pays. Ils ont défini despriorités, l'UGTA a contesté certains choix, les ministres ont parlé de «stratégie», les experts ont bavardé, les chefs d'entreprise ont présenté leursdoléances, et certains ont même réussi à polémiquer. Que reste-t-il de ces assises ? Peu dechoses. Presque rien. A l'exception d'un document comprenant quelquesintentions pieuses et des promesses distribuées par saccades, les états-majorsde l'industrie algérienne n'ont débouché sur aucun résultat. En réalité, il nepouvait en être autrement. Ce n'est d'ailleurs ni de la faute du présidentAbdelaziz Bouteflika, ni du chef du gouvernement Abdelaziz Belkhadem, ni mêmela faute du ministre des participations Abdelhamid Temmar.Car les chosesvont désormais bien au-delà. Elles dépassent tout le monde. A peine peut-on,éventuellement, reprocher aux responsables du pays de ne pas se rendre comptede cette évidence : les assistes de l'industrie ne pouvaient déboucher sur unrésultat probant parce que le système économique algérien est mort. Il ne peutplus rien produire de positif. Il excelle dans la création de la corruption etdes passe-droits, ainsi que dans la gestion de la rente, mais il estdéfinitivement incapable de produire de la richesse, du bien être ou dubonheur. Dans un tel contexte, le « débat » devientune fin en soi. C'est un simple exercice auquel les uns et les autress'adonnent pour briller un peu, ou justifier leur échec. On rivalise de bellesformules et de discours brillants, sans prise sur la réalité. On parle économiede branches et avantages comparatifs, on évoque les ressources humaines et letransfert de technologies, pendant que les entreprises meurent et que l'argentdu pays est transféré vers l'étranger à travers la seule activité économiquedans laquelle on excelle : importer. Par moments, ledébat tourne au burlesque. Ainsi, des polémiques qu'on croyait tranchées depuisle milieu des années 1980, ont ressurgi à propos de la compétition entresecteurs privé et public, ou entre investissement national et étranger. Commes'il y avait matière à discuter dans un pays où les entreprises publiques semeurent, où les entreprises privées sont étouffées par la bureaucratie, où lesinvestissements étrangers hors hydrocarbures sont insignifiants alors que lefonctionnement de l'économie décourage complètement l'investissement au profitdes « coups » et des opportunités d'affaires sans risque.Cette déconnexiondangereuse du discours par rapport aux réalités du pays est aggravée pard'autres facteurs. Ainsi, les assistes de l'industrie ont été organisées à laveille des élections législatives, par un gouvernement partant, démobilisé, ausein duquel personne n était assuré de rester. De plus, la conférence s'est tenue en mêmetemps que le procès de l'affaire Khalifa, avec la participation de certainsacteurs dont la présence semblait se justifier au tribunal de Blida plutôtqu'au Palais des Nations. Enfin, l'organisateur de ces assises, Hamid Temmar,était lui-même hostile à l'idée de faire des choix industriels, estimant quec'est l'intégration au marché mondial qui imposerait les options lesmeilleures. On ne sait d'ailleurs s'il a changé d'avis, et pourquoi, ou s'ils'est simplement plié à un effet de mode. Les recommandations qui résultent detelles assises peuvent-elles, dès lors, innover en quoi que ce soit ? Ellesportent sur des questions qui ont déjà fait l'objet de nombreuses résolutionsdu conseil des ministres, du conseil du gouvernement et de tant d'autresrencontres similaires. Sans résultat. Les mêmes structures bureaucratiques sontchargées de régler l'accès au foncier, d'étudier les taux d'intérêt et defaciliter l'accès au crédit. Dans quelques années, elles tiendront une autreréunion, et avanceront de nouvelles recommandations.C'est dire quequand la bureaucratie se décide à réfléchir, elle produit encore davantage decorruption et invente de nouvelles formules pour paralyser l'activitééconomique. Sa dernière invention mérite d'ailleurs qu'on s'y arrête. Ellevient d'ériger un nouveau mur de Berlin entre les secteurs privé et public.Sous prétexte de protéger le secteur public, une circulaire vient d'interdireaux cadres dirigeants de passer dans le secteur privé, sous peine de lourdessanctions. Incapable de mettre en place un système de rémunération attrayant etun cadre de travail motivant, la bureaucratie procède de nouveau parl'interdit. Mais si un cadre hautement qualifié deSonatrach ne peut aller dans une entreprise privée en Algérie, il peut allerailleurs, à l'étranger, où il ne sera pas poursuivi. En réalité, la mesure nevise donc pas à protéger Sonatrach, mais à décourager les cadres de haut niveaude travailler en Algérie. L'erreur sera peut-être corrigée un jour,lors des prochaines assises de l'économie. Même si, d'ici là, on risque de neplus trouver de cadre hautement qualifié à Sonatrach, ni en Algérie. Maisest-ce si important ? Après tout, l'Algérie ne demande pas à Sonatrach de gérerses cadres mais de vendre du pétrole. C'est le seul choix industriel du pays.
Posté Le : 15/03/2007
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abed Charef
Source : www.lequotidien-oran.com