Un Azawad libre du
Mali est-il économiquement fiable ? Les lignes dangereusement instables sur
lesquelles opèrent actuellement les différents protagonistes dans ce pays
touareg passent cette question au second plan. La question politique -
reconnaissance internationale - est primordiale. Mais quid de la viabilité
économique d'un tel Etat ? Eclairages…
La question de la
viabilité économique d'un Azawad n'est pas encore discutée. Pour qu'elle le
soit, il faudrait que son grand inspirateur, le MNLA (mouvement national de
libération de l'Azawad), qui a décrété l'indépendance du territoire, le 6 avril
dernier, ait les moyens de ses ambitions souverainistes. Pour l'instant, rien
ne permet de l'affirmer.
Le mouvement est
débordé sur ses flancs par les groupes islamo-terroristes de l'Aqmi en
association avec une faction touarègue concurrente. Ses troupes, dont on ne
connaît pas encore le nombre exact, et auxquelles ont prête selon une vision
très romantique une intime connaissance du terrain, ne semblent pas, non plus,
disposer de la pleine maîtrise de leur territoire.
Sur leur front, et
sur une zone que les trafiquants en tous genres ont transformée depuis plus
d'une dizaine d'années en no man's land digne du film de George Miller Mad Max,
d'autres groupes en armes et en munitions sont, en effet, présents. Leur
capacité de nuisance fait fuir les populations, aggrave leur misère et empêche
surtout le MNLA de fructifier politiquement sa victoire contre l'armée malienne
et trouver le soutien régional et international dont il a vitalement besoin
pour son projet d'Etat.
SOUPÇONS DE
GISEMENTS ENERGETIQUES
Ce déficit que les
indépendantistes touaregs payent lourdement aujourd'hui révèle l'émergence en
Algérie d'un point de vue intéressant à décrypter. Ses tenants sont parmi les
contempteurs de la position du gouvernement de ne « jamais » discuter de
l'intangibilité des frontières héritées de la décolonisation. Ils estiment à ce
propos qu'Alger perd une double occasion d'avoir à ses frontières sud un Etat
qui n'aura pas d'autres latitudes que celui du tropisme algérien et un
partenaire dont les potentialités économiques – on y revient – peuvent se
révéler importantes.
Leur argument est
développé et nourri par les soupçons de gisements énergétiques et de pétrole.
Dans le bassin de Taoudenni, proche de l'Algérie et de la Mauritanie, Sonatrach
a pris des blocs par l'intermédiaire de sa filiale Sipex (Sonatrach
International Petroleum Corporation) associée à l'italienne ENI.
Le premier forage
devait avoir lieu en février dernier, mais il a été arrêté à l'arrivée de la
junte à Bamako. Total, de son côté, y est également présent « avec de grands
espoirs », lit-on dans la presse spécialisée, mais dans la partie
mauritanienne.
Plus proches du
Niger, le Graben de Gao et les bassins de Tamesna et de Lullemeden disposent
d'« atouts ». Mais ce n'est pas l'Eldorado pétrolier, affirme Benjamin Augé,
chercheur français à l'IFRI et rédacteur en chef d'Africa Energy (Le Monde du 4
avril 2012). Le pays, explique-t-il, souffre de son enclavement et les coûts
d'exploration sont suffisamment lourds pour que les compagnies pétrolières s'y
intéressent en priorité. « Par rapport à la Mauritanie qui produit de petites
quantités de brut en mer (8000 barils par jour en 2011) et au Niger qui produit
depuis 2011 de faibles quantités de brut (20 000 b/j) à l'est (bloc d'Agadem)
grâce aux Chinois de CNPC, le Mali, ajoute-il, reste à la traîne.
«MIRAGE PETROLIER»
ET TOURISME ASPHYXIE
La donne changera-t-elle
? Possible, même si l'expert français parle davantage de « mirage pétrolier »
que de réserves prouvées. En attendant, l'unique grande ressource susceptible
de générer pour l'instant des ressources en devises reste probablement celle du
tourisme saharien de l'extrême. Or, cette manne est durablement mise à mal par
l'enlisement sécuritaire de la région de plus en plus comparée à la bande rouge
séparant l'Afghanistan du Pakistan.
Les warning travel
que les pays occidentaux et la France en particulier adressent à leurs
ressortissants à la suite de nombreux attentats et de prise en otage de
tourismes ou de coopérants ont conduit à l'asphyxie du tourisme local dans tout
le Mali et même à Bamako.
Au nord,
l'insécurité que le groupe d'Aqmi fait régner frappe de plein fouet une étendue
très riche en patrimoine. L'onde de choc, on se souvient du cri d'alarme lancé
par les opérateurs algériens en janvier dernier, se faisait déjà sentir au
Hoggar et au Tassili. A l'époque, les professionnels parlaient de « sinistre ».
C'était avant l'attentat qui a frappé Tamanrasset au début du mois de mars.
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Posté Le : 10/04/2012
Posté par : sofiane
Ecrit par : Nordine Azzouz
Source : www.lequotidien-oran.com