Algérie

Le petit élève aux bottes de caoutchouc



A proximité de Djenane Erroumi se trouve l'école primaire Mohamed Rika. Toute la misère du bidonville se lit sur le visage des enfants du village qui fréquentent cette école. Beaucoup chaussent des bottes en caoutchouc. Force est d'admettre que c'est pratique pour traverser les rues bourbeuses du bidonville. « Les deux tiers de nos élèves sont issus de ces gourbis », affirme un instituteur. Le maître d'école se plaint abondamment des conditions dans lesquelles ses élèves suivent leur scolarité. « L'hiver, ici, est rigoureux et cela influe négativement sur la concentration des élèves. Nos salles de cours sont dépourvues de chauffage. Nous avions des poêles à mazout. Mais suite à deux incidents soldés par deux explosions, nous avons renoncé à ces vieux poêles. Le gaz de ville a été installé dans les classes mais les chauffages ne suivent pas. Qu'attendent les autorités concernées pour équiper l'école en chauffages ' » Autre carence : le manque de transport scolaire pour les élèves qui habitent dans des hameaux éloignés ou encore ceux de Djenane Erroumi qui fréquentent les CEM et autres lycées de Blida. « Mes enfants ont échoué à l'école à cause du transport : ils sont obligés de faire 7 km à l'aller et autant au retour, à pied, sous la pluie et le froid », confie une mère de famille.Amine, 15 ans, arbore un lance-pierres autour du cou. Il a déjà quitté l'école, lassé par la galère du trajet. Il passe son temps à chasser les oiseaux dans la forêt. « Du temps du terrorisme, cette école a beaucoup souffert. L'enseignement du français était suspendu », dit notre instituteur, avant d'ajouter : « Les classes étaient clairsemées avec l'exode des villageois. Aujourd'hui, les élèves reviennent et l'on se retrouve à faire une double vacation. Le soir, les cours se terminent à 17h30 et certains élèves sont obligés de rentrer dans le noir, en faisant plusieurs kilomètres à pied. » Et de lancer : « On nous demande d'inculquer le sens patriotique à nos élèves. On hisse chaque matin le drapeau en scandant l'hymne national. Mais comment développer le patriotisme dans le c'ur d'un élève qui a faim, qui est vêtu de guenilles, qui étudie en grelottant dans une salle glaciale, qui n'a pas d'électricité chez lui, pas d'eau potable, pas le minimum décent et dont les parents sont peu instruits ' » L'instituteur évoque cette anecdote poignante pour étayer son propos : « Il nous est arrivé, à la cantine, d'avoir un élève qui a mangé une banane avec sa peau pour n'avoir jamais goûté à ce fruit. Un autre est resté perplexe devant un morceau de fromage. Au même moment, ces pauvres gens voient des touristes bien de chez nous prendre la route de Chréa au volant de belles voitures. Et ils mesurent tout l'abîme qui les sépare des autres. Nos responsables doivent méditer cela. Le malheur c'est que quand vous dites cela, on vous taxe de citoyen antipatriotique. Je regrette : le patriotisme ne se résume pas à un morceau de tissu, le patriotisme, c'est aussi la justice ! »


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