«J'avais mis mes souliers devant la cheminée, le Père Noël m'a apporté des pieds.» Philippe Geluck
Sincèrement, je ne comprends pas le comportement de certains candidats: ils n'en finissent pas de se lamenter après un scrutin dont ils connaissaient, sinon les règles, du moins les risques. Quand on fait de la politique, il ne faut surtout pas être candide. Quand on est naïf, on s'engage dans les associations caritatives, le bénévolat ou tout autre sacerdoce impliquant le plein sacrifice de soi. D'abord, une élection se prépare longtemps à l'avance: s'assurer d'une logistique conséquente en rapport avec ses ambitions et son influence sur l'opinion publique et connaître tous les tenants et les aboutissants de la nature du pouvoir dans le pays. Il y a déjà des décennies que les plus avertis ont étudié et entretenu tous les rouages des mécanismes qui font mouvoir cette complexe machine et ont battu tous les sentiers tortueux qui mènent à la voie royale du pouvoir, essuyant réussites et échecs, des traversées du désert sans renoncer une seule fois à cette soif qui les anime toujours, leur faisant accepter compromis et compromissions, défaites ou succès fugitifs. Il faut être vraiment crédule pour croire que celui qui a eu son agrément juste la veille du scrutin (après bien sûr des années de désespérante attente) va pouvoir attirer l'attention d'un public blasé, parce qu'il a animé quelques meetings ou a enfin fait la connaissance des faveurs de l'Unique parce qu'elle lui a tendu un micro. Et ce n'est pas en se parant de nobles idéaux de justice, d'intégrité et de promesses de développement ou en reprenant quelques oripeaux de partis aujourd'hui disparus de la place publique qu'on va atteindre les cimes vertigineuses du pouvoir. D'abord, il faut faire comprendre à ceux qui s'arrachent les quelques cheveux qui leur restent encore sur la tête et qui crient à la trahison, que la «maison» est bien gardée, qu'on ne remet pas les clés aux premiers venus. C'est un long voyage fait de chemins qui montent, plein de détours, de haltes forcées pour arriver à la reconnaissance nationale. Cependant, que les déçus du scrutin se rassurent: l'avenir est plein de promesses puisqu'officiellement, 51,7% des électeurs inscrits ne se sont pas exprimés, et que demain, à la prochaine consultation, ils peuvent changer d'avis et donner leurs précieuses voix à ceux qui n'auront pas participé à la prochaine législature. Et encore, suprême consolation, les actuels élus ne peuvent pas se prévaloir d'une incontestable légitimité, puisqu'ils ont été élus par une minorité d'électeurs! D'ailleurs, je pense que cette majorité qui a préféré le silence assourdissant de l'abstention, est un filon qui reste à exploiter par tous les politiciens, pour peu qu'ils aient un peu de perspicacité et de finesse d'analyse: qui sont tous ces citoyens qui ont boudé les urnes ce 10 mai 2012' N'allez pas me dire que ce sont des pêcheurs impénitents qui ont préféré aller taquiner le goujon par cette magnifique matinée ensoleillée. On peut bien comprendre qu'au prix où est le poisson, la pêche peut être considérée comme une activité lucrative à même de donner un sérieux coup de pouce au budget familial, mais il ne faut pas exagérer: le citoyen amateur de fritures a 365 jours par an pour s'adonner à ce genre d'exercice. Donc, l'alibi de la pêche ne tient pas. N'allez pas aussi me chanter que ceux qui ont préféré aller jouer aux dominos que d'aller se salir l'index gauche d'une indélébile encre à la couleur douteuse sont des inconscients, des drogués du jeu... Certains se sont même laissés aller dire que ce sont des traîtres à la solde de l'étranger: qu'on m'amène simplement la preuve qu'une majorité d'entre eux possède un compte en devises à l'étranger et je souscris à cette téméraire hypothèse. Ne croyez pas que ce soient aussi des frustrés: ceux qui n'ont pas eu un lopin de terrain à bâtir, un logement Aadl ou un emploi. Si on se fiait à ce raisonnement, les gens auraient arrêté de voter depuis trois décennies au moins. Il ne faut pas laisser dire aussi que ceux qui ne sont pas allés aux urnes sont de militants de partis dissous ou qui ont mené une campagne pour l'abstention: ce serait trop simple! Je pense que ceux qui se sont abstenus ont tout simplement fini de croire au Père Noël!
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Posté Le : 15/05/2012
Posté par : presse-algerie
Ecrit par : Selim M'SILI
Source : www.lexpressiondz.com