«L'homme se
découvre quand il se mesure avec l'obstacle.» Saint-Exupéry
Les faits sont
incontestables et la vitesse des évènements, leurs tragiques échos, sont indiscutables quant à ce qu'ils portent de changements
inéluctables. Au Yémen, à Tripoli, au Maroc, en Syrie, la réconciliation entre
Palestiniens et les menaces directes d'Israël, tout annonce de violents orages
dont les premières et éternelles victimes sont et seront les populations
arabes, parmi les plus pauvres, celles qui subissent depuis les factices
indépendances politiques tous les malheurs et toutes les horreurs. Si les décantations,
les mutations sont profondes, violentes et bouleversent tous les paysages, les
gouvernances arabes pour la plupart ne veulent pas bouger d'un iota.
Dans les discours
qui datent de cinquante années, la gestion marquée de l'esprit et par la pensée
du parti unique et par l'autoritarisme le plus anachronique, les régimes
arabes, pour le plus grand nombre, gardent le cap fixé il y a des décennies.
L'entêtement, la certitude de leur omniscience, l'arrogance qui fait d'eux les
maîtres de toutes les sciences et de tous les savoirs les immunisent,
croient-ils, de toute erreur humaine. Ne sont-ils pas des démiurges à qui les
circonstances, la force armée, les puissances occidentales ont confié des
territoires, des populations, des richesses, au gré des luttes pour les uns,
selon la négociation pour les autres ?
Le 21e siècle ne
sera pas le meilleur pour de nombreuses dynasties, dictatures et régimes
illégitimes dans le monde arabe. Au-delà des spécificités évidentes, des
parcours bien entendu différents dont l'énoncé n'est ni une armure ni un
préservatif qui va de soi, l'effet dominos au premier degré a joué et joue. La
contamination, l'exemplarité des mouvements, leur justesse, nonobstant le
résultat final, sont indéniables. Le réveil pacifique des peuples a été un
traumatisme d'une rare violence pour les gouvernants, les partis et les
représentations choisies dans les pays arabes qui sont dans une tempête
inégalée. Entre les pressions verbales, la puissance de feu, l'embargo sous
plusieurs formes, les rapports accablants des timoniers du monde et ceux des
peuples, les gouvernements arabes tanguent, «arrosent» pour ceux qui peuvent,
tuent et se bandent les yeux, sourds aux souffrances qu'ils font abattre sur
leur pays. Les vieux textes qui sentent la naphtaline et les produits des
anciens embaumeurs de la vieille Egypte sont impuissants.
Le colonialisme
dans sa version première, qui a été battu sur le terrain par des peuples en
guerre, ne peut plus être invoqué pour détourner les populations qui, tout en
étant fières de leur histoire, entendent être heureuses ici et maintenant. Les
facultés d'adaptation des anciens empires coloniaux sont des réalités très
dures, vécues par les peuples et non par les gouvernants arabes, leurs familles
et alliés qui ont tous des paradis terrestres chez les anciens colonisateurs
justement. Les peuples savent ces réalités qui sont de bonne guerre. Rien ne
les étonne chez les ex-empires, sinon les complicités, les connivences, le
partage des richesses entre ces derniers et de nombreux gouvernants arabes. Ce
sont ceux-là les premiers grands responsables des malheurs arabes. Les
«mécréants», les occidentaux, les impérialistes, les maîtres de la
mondialisation, les propriétaires des grands groupes de communication, les
grands producteurs des nourritures de l'esprit sont cohérents. Ils défendent
leur patrie, les intérêts de leur pays, leurs gains personnels, leur
confortable mode de vie, leur système de santé, leur université, le rayonnement
de leurs médias conquérants. Il n'y a rien de plus normal. Et il faut le
marteler sans cesse : il faut d'abord enlever la poutre dans son Å“il avant de
s'intéresser à la paille dans l'Å“il du «méchant» occidental. Et les mouvements
sociaux de grande envergure, les revendications d'ordre politique, les restructurations
syndicales et culturelles qui agitent les pays arabes auront des réponses. Ces
dernières, si elles sont négociées pacifiquement dans l'ouverture, la
sincérité, avec la volonté patriotique de réformer sérieusement, profiteront
aux pays concernés et aux générations qui montent. Sinon, la responsabilité des
gouvernants et des élites sera sanctionnée durement par les peuples, l'histoire
et la postérité.
L'Algérie a tous
les atouts, les potentiels humains, financiers et une diaspora de haut niveau
pour passer un cap difficile, dans un environnement hostile, mouvant, dans
lequel tous les coups sont permis. A condition que le pouvoir ouvre le jeu et
écoute les populations, la jeunesse et l'expertise nationale.
Le président Bouteflika, par touches successives, pas assez rapides, peu
profondes, selon les uns, et observées avec la plus grande méfiance par de
larges pans d'un système qui ne veut pas céder un pouce de son pouvoir, procède
à des changements qui demandent à être précisés.
Les nombreux
échecs, qui marquent de réels progrès dans de nombreux secteurs, sont reconnus
inhérents à la gouvernance, à l'inutilité du Parlement, à une bureaucratie
infernale, à une corruption massive, à une administration archaïque. Le tout
fait que des milliards dans toutes les monnaies circulent dans des sachets, que
les services publics refusent d'être payés par chèque et que les partis qui
gouvernent se trouvent dans l'incapacité d'avancer une seule réforme crédible
séparément ou ensemble. Mais sont-ils réellement ensemble ?
Certains
frémissements laissent comprendre que le temps du changement est venu. Les
monopoles médiatique, syndical, politique, les rentiers et les «familles» de
l'informel et du symbolique résisteront avec vigueur. Mais pacifiquement, le
pays, s'il est rassemblé au-delà des clivages politiques, peut sortir gagnant.
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Posté Le : 05/05/2011
Posté par : sofiane
Ecrit par : Abdou B
Source : www.lequotidien-oran.com